Mark Pegrum
Queen Margaret University College, Edinburgh
Bien
des choses peuvent se passer en deux mois.
A la fin d'août 2001 paraissait la première partie de
ce numéro double de Mots Pluriels consacré à
l'Internet. Cette première livraison, le numéro 18,
montrait clairement que les approches socio-politiques qui dominent
le Net, souvent de nature très théorique et émanant
en grande partie des Etats-Unis, reflètent une désillusion
de plus en plus grande vis à vis de l'Internet et suggèrent
que de nouvelles attitudes et de nouvelles stratégies devraient
être envisagées - doivent être envisagées,
et le seront, qu'on le veuille ou non. Sans pour autant céder entièrement au désespoir,
certains des auteurs ayant examiné les effets du Net en différents
lieux, expriment des doutes quant à son pouvoir d'améliorer
la condition de ceux qui n'appartiennent ni à l'Occident, ni
au Nord, ni aux classes privilégiées; ils craignent
plutôt que le Net ait le potentiel d'aggraver les disparités
et de souligner les inégalités qui existent déjà.
L'image utopique de l'Internet, si populaire en ses débuts,
s'est fragmentée; le discours centralisateur tissé autour
d'elle s'effiloche.
Et en l'espace de quinze jours, notre réflexion sur le Net
est mise en relief de manière tragique par les événements
du 11 septembre.
Peu après les attaques elles-mêmes, le bruit court que
les terroristes ont utilisé le Net pour communiquer. Certains
rapports parlent de cryptographie. D'autres suggèrent
que des messages email cruciaux ont simplement été noyés
au sein d'un vaste flot de correspondance. Chevaux de Troie dissimulés
un peu partout. En puissance. Réellement. Ceux qui, à
tort ou à raison, se considèrent les victimes de la
globalisation, du colonialisme, de l'impérialisme, utilisent
le Net comme un boomerang pour réorienter leurs attaques vers
le coeur même de la culture d'où l'Internet a émergé.
Et nous savons dans le même instant terrible où nous
savons que la guerre est là, que nous allons assister à
une crise mettant l'accent sur les questions de communication, de
communauté et de liberté. Nous sentons que l'Internet
va être au centre de cette crise et au centre des lois qui seront
promulguées pour tenter d'apporter une solution au problème.
Parallèlement, durant les minutes et les heures qui suivent les attaques, des gens du monde entier se tournent vers les sites Internet du New York Times, du Washington Post, de CNN, de MSNBC, essayant inlassablement d'y accéder en dépit des lignes saturées. Des milliers d'emails. Beaucoup de questions, et parfois des réponses. Dans les heures et les jours qui suivent, les listes de discussions électroniques culturelles et académiques s'emballent, l'information devient aussi précieuse que de la poussière d'or, mais le nuage finit par retomber et chacun veut savoir le pourquoi des choses. Des questions pratiques, on passe aux problèmes métaphysiques. On se contredit avec acrimonie, et parfois aussi, on est d'accord, du moins en partie. Certains essaient de calmer le jeu et suggèrent que s'il n'y a guère de consensus possible sur l'interprétation des événements, on sent par contre de manière très forte que l'histoire n'est pas morte - contrairement à ce que l'on prétendait souvent à la fin du millénaire précédent - et l'on sent aussi très fortement le besoin d'apporter une réponse aux questions qui se posent, de découvrir une raison d'être. Au coeur du saccage, un esprit de solidarité communautaire prend forme. Dans un message adressé à la liste CULTSTUD-L trois jours après les attaques, Lawrence Grossberg résume un des aspects les plus positifs de ce processus:
Nous pouvons [...] poursuivre ensemble nos travaux théoriques autour de ces problèmes - et de certains autres. Nous pouvons commencer à partager nos connaissances empiriques et nos analyses. Mais j'espère que nous reconnaîtrons tous que si nous voulons faire face de manière responsable à notre rôle d'intellectuels engagés, il va falloir que nous fassions aussi un travail sérieux. Quand Gramski dit que la première responsabilité de l'intellectuel politiquement engagé est d'en savoir plus que la partie adverse, je pars du principe qu'il pense que nous devons nous mettre au travail, nous lancer dans un travail intellectuel rigoureux, et produire la meilleure connaissance possible au service d'un monde plus humain. [...] A mon avis, les études culturelles représentent l'amélioration continuelle de solutions provisoires par le biais du travail empirique et théorique.Si quelque chose est à même de démontrer que le Net appartient au monde réel, que le virtuel a avant tout un sens dans sa relation au non-virtuel, que le Net a des ramifications dans la vie réelle, si tout cela reste encore à démontrer, les événements du 11 septembre ne laissent plus l'ombre d'un doute. Au-delà du Net, il y a de réelles victimes dans des rues réelles. Et il y aura d'autres vrais morts dans d'autres vraies rues, dans d'autres vraies villes, dans de vraies montagnes et de vrais déserts. Ces 'choses réelles' sont d'importance et exigent une action d'urgence. Mais cela ne signifie pas que le Net en soit moins important pour autant. Le Net - qui est tout à la fois un instrument aux mains des terroristes, un moyen de communication rapide, une source efficace d'information (et de désinformation), un lieu de rencontre de communautés aliénées, un forum où se discutent et s'échafaudent les orientations, les directions et les perspectives du futur - appartient à la réalité quels qu'en soient les contours.
Associé au mot 'race', le mot 'maître' laisse entendre d'autres mots; celui d''esclave', d''Autre', de présence douloureuse et de complément indispensable à un système inique. La plantation et le fouet. Ou alors il convoque l'image floue du serviteur, cet 'Autre' maintenu dans l'ombre. Apartheid. Ou celui d'une race maîtresse. Et les Juifs ... Après les considérations générales qui concluaient notre dernier numéro de Mots Pluriels, nous aimerions enchaîner avec une discussion des effets réciproques entre race, ethnisme et le Net. ouvre les feux par une mise en garde d'une part contre la chosification du Net et d'autre part contre ses déformations, ses dénaturations de l'identité sous couvert de réponse subversive. Elle souligne la nécessité de réfléchir davantage aux moyens d'utiliser l'Internet comme espace de résistance, en encourageant un sens communautaire réel et en renforçant les origines culturelles. Dans le cadre d'une étude de cas consacrée à Hawaii, montre que les multiples vases communicants du Net permettent la coexistence de l'anglais - lingua franca - et des autres langues; en dépit des craintes associées au développement d'un certain monolinguisme américain, le Net semble progressivement s'ouvrir à la diversité linguistique et offrir une place aux autres langues et, à travers elles, à la préservation des identités culturelles menacées par d'anciennes hégémonies. C'est contre une telle hégémonie que s'insurge en soulignant la façon dont la blancheur euro-américaine qui domine le Net marginalise le concept d'altérité de manière perverse et submerge les particularités ethniques en les réduisant à l'insignifiance, à la muséologie ou au statut de curiosité. Se faisant l'écho de Hester-Williams, Lockard souligne aussi que le Net pourrait devenir un lieu de résistance et il suggère que l'avenir appartient aux voix exprimant le vécu d'autres cultures, d'autres groupes ethniques et d'autres races.
Dans le domaine de la relation entre les sexes, maître rime inévitablement avec masculin: cherchez la (maîtresse) femme. Si l'on n'y prend garde, on tombe dans l'allusion grivoise. B&D. S&M. Nous nous trouvons soudain entraînés dans le monde interlope, crépusculaire des homo, bi, trans et 'Autres' aux sexualités indéterminées qui bousculent l'hégémonie hétérosexuelle des maîtres ... Abordant le thème de la sexualité, suggère que le Net offre aux femmes une possibilité de donner libre cours à leurs propres fantaisies, une liberté qui leur a été refusée depuis l'origine des temps. Le Net ne reproduit qu'imparfaitement l'image du monde extérieur et des relations de pouvoir qui lui sont associées, ce qui offre un certain nombre d'espaces indéterminés et de creux où peuvent se loger l'expression-propre et la résistance aux normes - et qui peuvent parfois servir de tremplin au changement en vie réelle . suggère quant à lui que l'Internet offre aux gays la possibilité d'échapper aux endroits sombres, suspects et douteux qu'on les contraignait de fréquenter en marge des règlements et des attitudes discriminatoires qui leur refusaient le droit de vivre en plein jour. En retraçant l'histoire de la présence ouverte de l'homosexualité sur le Net - et des tentatives faites pour l'en exclure par voie légale - Walker-Thørsvedtt montre que le cyberespace est façonné par les institutions du monde réel et que si les gays entendent sauvegarder les acquis et bénéficier des avantages offerts par le Net, ils doivent rester vigilants et bien informés. Pour sa part, montre à quel point les concepts de féminité, de masculinité et d'identité sexuelle peuvent fluctuer dans l'univers du cyberespace. Toutefois, il nous rend attentifs au fait que la compréhension limitée de l'Autre, acquise par le biais d'un voyage virtuel dans l'univers des identités sexuelles d'emprunts, ne remplacera jamais l'expérience de l'altérité et le contact avec l'Autre dans le monde réel. Dans son analyse de l'Internet consacrée aux femmes qui s'intéressent aux manga (histoires d'amour entre jeunes garçons, très populaires dans la culture japonaise), évoque lui aussi la fluidité du désir sexuel et il souligne les problèmes associés à un genre incompris et mal toléré par l'Occident, en partie parce que soulevant de nombreuses craintes par rapport à l'expression de la sexualité gay et de la sexualité infantile et à leur relation avec la pornographie. Les limites de l'étendue de l'ouverture et de la tolérance du Net à l'idée d'altérité - un sujet abordé par toutes les discussions précédentes - sont on ne peut mieux soulignées par ce choc des cultures orientales et occidentales exprimant différentes sensibilités.
Autrefois, Dieu, ou/et si l'on préfère, les dieux ont été les maîtres incontestés de l'Univers, humanité inclue; ce n'est guère que depuis le siècle des lumières que la raison et la science ont cherché, en Europe, à usurper leur pouvoir en bannissant les dieux dans des endroits toujours plus reculés et inaccessibles, à grand renfort de chiffres, de faits, et plus tard de références à Nietzsche ou aux critiques postmodernes de circonstance. Néanmoins, à l'heure où les rangs des penseurs postmodernes s'éclaircissent, il est intéressant de noter que Derrida et Vattimo restent et que l'attention très sérieuse qu'ils portent à la religion - peut-être l'ultime symbole de cet Autre rejeté par la modernité - contribue à une meilleure compréhension de la fascination du concept de spiritualité globale exercée aujourd'hui sur la culture contemporaine occidentale. Manifestement, les religions occidentales ont achoppé à leurs propres formes de relations binaires et à leurs mythes centralisateurs, et elles continuent à en examiner les effets sur le Net et ailleurs; ce faisant, elles témoignent du point de vue de cet Autre laissé pour compte par la modernité, reprenant du même coup nombre de questions posées par nombre de discours minoritaires ... souligne, par exemple, le danger de réduire le monde entier et toute chose aux dimensions d'un produit de consommation. Cette chosification de l'humain au détriment de la relation aux Autres - une relation proposée par la tradition chrétienne et basée sur le respect d'autrui - est difficile à réconcilier avec l'idée de communauté humaine, de réflexion, de contemplation et de valeurs susceptibles de nous conduire vers la sagesse. Il suggère que les églises devraient entrevoir le Net non pas comme un remplacement, mais comme un complément à leurs activités. Ecrivant d'un point de vue judaïque, suggère que les anciennes images stéréotypées d'un Dieu 'bon pasteur' semblent un peu démodées et qu'aujourd'hui il est peut-être plus judicieux d'imaginer Dieu sous les traits d'un webmaster tissant une vaste toile nous reliant tous. Si en Amérique le mot "Indépendance" dominait le discours des générations précédentes, "Interconnexion" doit être la devise de la génération actuelle. Examinant l'histoire des conceptions de l'espace en Occident, démontre que le mouvement qui cherche actuellement à spiritualiser le cyberespace correspond à un profond désir de retourner vers quelque chose qui rappelle la dualité corps/esprit du christianisme médiéval, une dualité qui a été progressivement errodée par la science au cours des trois siècles écoulés; et bien que le cyberespace ne soit sans doute pas en mesure de nous apporter ce que nous cherchons, sa tentative de spiritualisation est indicative du besoin de réinscrire la spiritualité dans la culture séculaire et quelque peu déséquilibrée de l'Occident.
Si l'idée de partage retrace la géographie des relations humaines, la relation entre héritiers de l'esclavage noirs et héritiers de leurs maîtres blancs, celle du rapport entre femmes et hommes, de la relation de ce qui est humain et de ce qui est divin, alors les maîtres d'hier et ceux de demain doivent réapprendre à partager la connaissance sur de nouvelles bases. C'est d'autant plus crucial que c'est sur cet apprentissage, dans sa forme la plus concrète et la plus abstraite, que repose le succès ou l'échec de la transmission de nos croyances, de notre compréhension et de notre vision du monde aux générations futures qui s'en inspireront comme bon leur semblera ... , qui évoque la question de race en relation avec l'enseignement, souligne la nécessité d'ouvrir d'avantage l'accès du Net aux communautés noires. Il faut, dit-il, développer des ressources qui leur soient propres et faciliter le développement communautaire africain-américain. et quant à eux s'intéressent, tout comme Marjorie Kibby, à la question des inégalités entre les sexes et à leurs conséquences dans l'univers universitaire. A leurs yeux, les inégalités que l'on retrouve dans le cyberespace reflètent grosso-modo les relations de pouvoir inégales que l'on rencontre dans le monde réel; elles n'en représentent qu'une extension, limitant la marge de manoeuvre des femmes d'une manière inimaginable pour les hommes. Toutefois, Arnold et Miller relèvent - encore une fois comme Kibby - que de nouvelles occasions de s'exprimer et d'établir des relations et interconnections avec d'autres femmes, laissent entrevoir la possibilité d'une résistance aux structures patriarcales. Tout comme Charles Ess, s'inquiète de l''overdose' d'information qui nous frappe, critiquant l'approche techno-libérale aux yeux de qui "toujours plus" signifie "toujours mieux". Pour lui, au contraire, nous avons plus que jamais besoin de médiateurs et de critiques qui, tout en s'assurant de la transparence de leur méthodologie, nous guident sur le chemin d'une interprétation consensuelle des textes plutôt que de nous laisser errer dans la jungle d'une prolifération infinie d'interprétations contradictoires. En d'autres termes, son essai, qui va au coeur des idéologies soutenant l'enseignement académique, propose que la voie qui s'ouvre à nous exige une relation syncrétique des connaissances du passé et des possibilités que nous offre le web de demain. et , eux, s'intéressent à des questions de méthodologie. Dans un contexte ethnologique, ils explorent le concept de construction communautaire en prenant pour appui la liste de discussion alt.cyberpunk. Ils montrent que la nature de cette communauté électronique remet en question certaines présomptions, suppositions et perspectives des communautés hors ligne, sans toutefois manquer l'occasion de souligner, comme le font les auteurs précédents, que la marche vers l'avenir passe de manière inévitable par un mouvement dialectique oscillant entre les méthodologies du passé et les paramètres actuels, entre les anciennes interprétations et les nouvelles perceptions.
Si les anciennes hégémonies, les anciens maîtres et les anciens systèmes binaires qui en formaient une carapace tissée d'inégalités sont appelés à perdre leur position dominante et à coexister, à coopérer avec leurs anciennes victimes, il est clair que ce rééquilibrage des rapports ne signale pas la mort du Passé; pas plus qu'il ne signifie l'intronisation du Futur comme seul maître à bord. Alors que l'enchaînement souvent inconditionnel et aveugle à la tradition fut loin d'offrir un modèle optimal par le passé, le joug imposé au Passé par la déférence obséquieuse du modernisme au Présent - et au Futur - n'a pas été plus concluant. C'est que le Passé et le Futur doivent coexister et dialoguer, ce qui ne signifie pas, bien sûr, que l'on mette le holà à tout changement. Notre numéro se termine avec deux visions du Futur qui en témoignent et s'appuient, à des degrés différents, sur le Passé - cet Autre toujours présent à la porte du Présent ... Le texte hypertextuel de nous ramène à l'ère des pharaons, à l'Egypte d'où partirent Moïse et les Hébreux, leur alphabet et leur Dieu. Nous suivons la transformation des mots et l'évolution de l'alphabétisation qui devient un instrument de clôture puis une finalité qui permettra, plus tard, la réalisation d'une vision du monde moderniste; et nous assistons aussi à son déclin, à notre époque qui favorise le post-modernisme, l'hyper-textuel et l'inter-actif web; nous replongeons au hasard d'une erreur ou d'un dessein imperceptible vers le caractère ouvert de l'alphabet hébreu que Moïse avait reçu de Dieu. Toutefois, il ne s'agit là que d'un détour dans un texte qui ne comprend rien, sinon d'autres détours vers la médecine, la neurologie, la psychologie, la littérature, la philosophie et les arts. , lui, médite sur la possibilité offerte au spectateur/auditeur/ego d'échapper à 350 ans de solitude post-cartésienne et de faire l'impasse sur 120 ans de passivité post-wagnérienne, lorsqu'il se trouve en présence d'un avatar virtuel investissant l'univers du réel. Il y a là une possibilité, suggère-t-il, d'enrayer la tendance actuelle du Net à tout ramener à une simple information digitalisée - y compris tout ce qui est humain - pour en faire plutôt un lieu de communication permettant de forger de solides interconnections entre les individus.
Et ainsi, la boucle se referme et nous nous retrouvons
au coeur de l'idée de communication et de sens communautaire,
deux aspects du Net évoqués au départ. Il semble
dès lors à propos de conclure en citant ,
une poète canadienne d'expression française dont l'entretien
avec Jean-Marie Volet prend pour point de départ un aveu:
L'Internet m'a montré à
voir large et rond, comme notre planète. A
l'heure où les allégeances sont souvent aléatoires,
temporaires et provisoires, il y a certainement un long chemin à
parcourir avant qu'un tel point de vue puisse être partagé
largement par tout le monde, de manière permanente et avec
la force d'une conviction. Et pourtant, ne s'agit-il pas là
de la vision du Net suggérée par plusieurs auteurs,
ne s'agit-il pas d'un genre d'approche permettant d'entrevoir la
possibilité de résister à l'attrait de la ligne
droite qui file vers nulle part, d'y échapper et de communiquer
avec l'Autre?
Dans l'éditorial du numéro précédent,
la question était posée de savoir si les études
mesurées de l'Internet proposées à l'heure
actuelle annonçaient que ce dernier était maintenant
majeur. Notre réponse balançait plutôt en faveur
d'une réponse affirmative. Mais un des importants attributs
de la majorité - pour autant que nous ayons gagné
le droit d'abandonner nos tabliers d'écoliers, le droit de
nous distancer de nos anciens maîtres, et de leur parler d'égal
à égal avant que d'aspirer à les remplacer
- c'est ce qu'Henry Handel Richardson appelait à une époque
lointaine "la sagesse de l'expérience". Comme le
relève plusieurs auteurs de ce numéro, trop d'information
signifie la mort de l'information: un manque de communication (Heim),
de sens (Finn), de sagesse (Ess). La masse de renseignements disponibles
sur le Net n'a d'égale que la somme considérable de
désinformation qu'on y trouve. Dès lors, le fait d' être 'majeurs'
signifie-t-il qu'ayant gagné en sagesse, nous sommes maintenant
à même de nous y retrouver dans cette avalanche virtuelle?
Peut-être que la réponse la plus honnête reviendrait
à dire que nous commençons à y voir un peu
plus clair. Toutefois, notre vision des choses reste à être
intégrée dans nos actions. Nous devons trouver le
moyen de donner une forme réelle aux promesses du Net, trouver
un moyen de faire du Net un espace de rencontre et d'échange,
de communication et de construction communautaires. Nous devons
bâtir une infrastructure où tout le monde peut être
entendu. C'est à nous de nous assurer que plus personne ne
ressente le besoin de détourner le Net à des fins
terroristes. D'éviter de détruire des tours et d'incendier
des demeures. Nous devons trouver un moyen de vivre ensemble sur
notre petite planète - un monde que le Net rend plus petit
encore - et nous devons trouver un moyen judicieux d'utiliser le
Net à cette fin. Nous devons doter d'humanité, le
Net, la technologie, et l'humanité elle-même. Alors
seulement pourrons-nous être sûrs que notre majorité
exprime une sagesse associée à la force de l'expérience.
Mark Pegrum a travaillé pour plusieurs collèges et universités en Australie, Angleterre et Finlande, et il est maintenant enseignant à Queen Margaret University College, à Edimbourg en Écosse. Il a donné des cours sur la langue, la culture et l'histoire de l'Allemagne et de la France, et plus récemment dans le domaine des Études culturelles et de l'Anglais comme langue étrangère. Ses publications les plus récentes sont: Challenging Modernity: Dada Between Modern and Postmodern (New York: Berghahn, 2000); The Postmodern Buddha dans Culture Clash, issue 4, January 2001; et Pop Goes (the) Spiritual dans M/C, vol.4, issue 2, 2001. Il a aussi écrit de nombreux articles au sujet de l'Internet et des technologies multimédias dans la pédagogie. |
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