Guy Ossito Midiohouan
Université Nationale du Bénin
TEXTE PRESENTE AU COURS DU SEMINAIRE-ATELIER INTERNATIONAL ORGANISE PAR MADAME AMINATA SOW FALL A DAKAR, GOREE ET SAINT-LOUIS EN 1994.
REPUBLIE AVEC L'AIMABLE AUTORISATION DES EDITIONS KHOUDIA. |
La bibliographie chronologique laisse apparaître que le genre de la nouvelle connaît un essor sans précédent en Afrique d'expression française entre l971 et 1980. Non seulement les titres sont plus nombreux mais encore ils désignent souvent des volumes regroupant plusieurs nouvelles. La tendance à publier des recueils, déjà remarquable dans la décennie 1961-1970, se confirme donc. Par ailleurs, on note que le genre attire de plus en plus d'écrivains de talent qui sont déjà ou deviendront plus tard des noms sinon prestigieux, du moins connus. Jean-Pierre Makouta-Mboukou, Sylvain Bemba, Henri Lopès, Guillaume Oyono M'bia, René Philombé, Jean Pliya, Francis Bebey, Guy Menga, Jean Baptiste Tati-Loutard, Abdou Anta Ka, Isaïe Biton Koulibaly, Sony Labou Tansi, Cheikh Aliou Ndao, Bernard Dadié, Tchicaya U Tam'si, Tchichelle Tchivela...
I. LES FONDEMENTS D'UN ESSOR SANS PRECEDENT |
Cet essor sans précédent de la nouvelle s'explique par trois raisons principales: l'action des maisons d'édition africaines, particulièrement CLE et NEA, celle des journaux et des revues et, enfin, l'influence des concours.
L'action des maisons d'édition africaines |
Il suffit de jeter un coup d'oeil sur la bibliographie chronologique pour se rendre compte du rôle important joué par les éditions CLE et NEA dans le développement de la nouvelle négro-africaine d'expression française au cours de la période qui retient ici notre attention. Dans la décennie précédente CLE publie, à partir de 1964, plusieurs recueils mais sa présence ne s'affirme véritablement que dans les années 70. Cependant, très vite, à partir de 1975, les NEA, créées trois ans plus tôt, lui raviront la vedette.
A ces deux noms, il faut ajouter les Editions Saint-Paul-Afrique, les Editions du Mont Noir et le Centre Africain de Littérature, tous trois installés à Kinshasa au Zaïre.
Certes, certains facteurs sociaux contribuent au succès de la nouvelle : la tendance du lecteur africain moyen à rechercher les textes courts, accessibles, qu'il peut lire d'un seul trait ou, en tout cas, rapidement; le désir de plus en plus marqué de ce lecteur moyen de créer lui-même des oeuvres qui répondent à ses préoccupations, à ses goûts, à ses besoins. Ces facteurs ont déterminé la politique éditoriale et commerciale des jeunes maisons d'édition africaines qui, tenant compte du contexte socio-culturel et surtout du pouvoir d'achat sur le plan local, ont mis l'accent sur les petits volumes "pour tous", économiquement plus accessibles à leur public-cible et plus rentables pour elles.
Les textes proviennent pour la plupart de jeunes et/ou de débutants pour qui ils constituent une manière d'exercice littéraire ou un passe-temps, lorsque leurs conditions de vie leur offrent des possibilités d'isolement favorable au travail de création. Pour ces auteurs, la proximité des maisons d'édition est un facteur de stimulation, on n'est plus obligé d'envoyer son manuscrit à Paris, ville vis-à-vis de laquelle l'écrivain débutant africain éprouve un certain complexe; on peut le porter directement chez l'éditeur, discuter de vive voix avec lui ou l'envoyer dans un pays africain voisin où - on en est a priori convaincu - il a plus de chance que partout ailleurs.
L'action des journaux et des revues |
On sait qu'au cours de la période 1971 - 1980 la situation politique est caractérisée dans la quasi totalité des pays d'Afrique francophone par le monolithisme lié au règne généralisé des partis uniques et/ou des dictatures militaires. Le résultat en est l'absence de liberté d'expression dont l'une des manifestations est la rareté des journaux locaux et la censure imposée à la presse étrangère. Dans de nombreux pays la presse écrite se limite à l'organe officiel d'information ou plutôt - pour être plus exact - de propagande. Mais il importe de noter que ces journaux locaux comportent des pages culturelles et publient de façon irrégulière des nouvelles qui, certes, n'ont pas un grand retentissement et tombent vite dans l'oubli, mais qui, par leur influence, contribuent à faire connaître le genre et à inciter à la création.
En dehors de ces journaux, certaines revues installées en France et s'intéressant à l'Afrique publient également de temps en temps des nouvelles d'auteurs africains. Il s'agit de Présence Africaine (dont l'action en faveur de la nouvelle africaine francophone mais aussi anglophone remonte à la période coloniale), de L'Afrique littéraire et artistique (devenu l'Afrique littéraire) et de Peuples noirs - Peuples africains. D'une façon générale, les textes publiés dans ces revues paraissent plus élaborés parce qu'ils subissent une sélection plus rigoureuse et manifestent une plus grande liberté d'esprit comme en témoignent particulièrement ceux publiés dans Peuples noirs - Peuples africains. Le nouvelliste congolais Tchichelle Tchivela affirme: "C'est pour participer à un concours littéraire organisé par le bimensuel Afric Asia, et prévu pour 1972, que j'ai écrit ma première nouvelle. Finalement, ce concours n'a plus eu lieu, mais j'ai continué à écrire d'autres courts récits". [1] On peut enfin signaler le magazine féminin Amina qui publie régulièrement des nouvelles.
L'influence des concours littéraires |
Organisé au départ par l'Office de Radiodiffusion et de Télévision Française (ORTF) qui passera ensuite la main à Radio France Internationale (RFI), et en collaboration avec les radiodiffusions francophones d'Afrique noire, de Madagascar et de l'Ile Maurice, le "Concours de la meilleure nouvelle de langue française" est incontestablement celui qui a eu la plus grande influence sur le développement de la nouvelle d'expression française en Afrique depuis 1971.
C'est l'intérêt suscité tant auprès des auteurs qu'auprès du public par le "Concours théâtral interafricain" organisé chaque année depuis 1966 qui a conduit l'Agence de Coopération Culturelle et Technique (ACCT) à proposer en 1971 à l'ORTF de lancer un concours similaire intéressant la nouvelle.
Le nouveau concours est effectivement lancé en mars 1972. Quatre mois plus tard, en juillet (date limite d'envoi des manuscrits), les organisateurs ont reçu 322 textes dont les auteurs, dans plus de 82% des cas, n'ont jamais participé au concours théâtral. C'est la preuve que le nouveau concours répond à l'attente de nombreux écrivains en herbe peu portés sur l'écriture dramatique.
En Octobre 1972 un jury international se réunit sous la présidence de Ferdinand Oyono pour désigner les dix meilleures nouvelles. Celles-ci sont enregistrées à partir de Novembre 1972 par l'ORTF et diffusées sur toutes les antennes des radiodiffusions participantes. C'est à la suite de cette écoute que le public africain, malgache et mauricien a attribué:
- le Grand Prix à l'Ivoirien Timité Bassori pour Les eaux
claires de ma source;
- le 2e Prix au Camerounais Patrice Ndedi Penda pour Le fils du
propriétaire;
- le 3e Prix au Mauricien Alain Le Breton pour La terre et l'amour.
Le concours est co-financé par l'ACCT et l'ORTF. Le Grand Prix est d'une valeur de 150.000 FCFA (3.000 FF à l'époque) et son lauréat bénéficie en outre d'un voyage et d'un séjour à Paris offerts par le Secrétariat d'Etat français aux Affaires Etrangères. Le 2e Prix est d'une valeur de 100.000 F CFA (2.000 FF) et le 3e Prix de 75.000 F CFA (1.500 FF). Toutes les dix nouvelles sélectionnées font l'objet d'une publication par les soins des organisateurs qui, au vu des résultats de cette première expérience, ont décidé de rendre annuel le "Concours radiophonique de la meilleure nouvelle de langue française".
De 322 candidats au premier concours, on passa à 693 pour le sixième, en 1980.
Les Prix décernés jouent un rôle incitatif. Mais pour de jeunes écrivains qui en sont pour la plupart à leurs premiers essais, et surtout pour un genre aussi difficile à placer que la nouvelle, les possibilités de diffusion sur les antennes radio et d'édition constituent la perspective la plus alléchante, les candidats aspirant généralement à une consécration pouvant leur faciliter une future carrière dans les lettres.
Pour les six premiers concours, c'est à dire de 1972 à 1980, les manuscrits sélectionnés ont été édités d'abord par l'ACCT et l'ORTF, puis par l'ACCT et RFI sous forme de volumes intitulés 10 nouvelles de..., numérotés de l à 6.[2]
Comme l'indique Jacques Chevrier [3], la participation est très inégale selon les pays. Arrivent en tête le Sénégal, le Cameroun, le Congo, le Zaïre et Maurice qui ont d'ailleurs remporté de nombreux succès au concours. Les autres pays sont plus faiblement représentés en raison soit d'un moindre niveau d'alphabétisation, soit de l'importance limitée accordée par les radios nationales au lancement annuel du concours, soit enfin du statut instable de la langue française dans les médias officiels comme à Madagascar ou au Bénin dans les années 70. La majorité des participants - nous l'avons déjà indiqué - est constituée par des jeunes, étudiants ou lycéens; mais on compte aussi de nombreux candidats engagés dans la vie professionnelle, généralement enseignants ou fonctionnaires. La proportion des candidates reste très faible (6%); c'est au Sénégal et à Maurice qu'elle est la plus forte.
Certains noms figurent plus d'une fois au palmarès des six premiers concours: Patrice Ndedi Penda, Flavien Bihina Bandolo, Patrice Etoundi M'Balla et Protais Asseng du Cameroun, Mbaye Gana Kébé et Cheikh C. Sow du Sénégal, enfin Maoundoe Naindouba du Tchad. On note aussi la participation d'écrivains confirmés comme le dramaturge togolais Sénouvo Agbota Zinsou, 3e Prix du 4e concours avec L'ami de celui qui vient après le Directeur, et le romancier et dramaturge congolais Sony Labou Tansi, 2e Prix du 4e concours avec Le malentendu et du 6e concours avec Lèse-majesté. Le concours a également permis à certains de ces lauréats de faire directement accepter des manuscrits chez des éditeurs et d'asseoir ainsi leur renommée de nouvellistes, comme c'est le cas de Cheikh C. Sow qui publiera en 1982 chez Hatier son recueil Cycle de sécheresse, et Bassek Ba Kobhio, un des lauréats du 4e concours, qui fera paraître en 1984 son recueil Les eaux qui débordent chez l'Harmattan. L'organisation de ce concours connaîtra quelques transformations dans la décennie suivante.
En dehors de ce concours international, il existe au niveau de chaque pays africain des initiatives semblables venant des ministères de la Culture, des associations nationales d'écrivains ou, comme au Bénin, des radios nationales; mais elles se sont révélées moins concluantes en raison essentiellement du manque de moyens mais aussi de l'incompétence ou du manque de motivation des organisateurs, sans compter que les relations de ces derniers avec les pouvoirs en place, généralement totalitaires, ne sont pas de nature à susciter la confiance des auteurs. Au Sénégal les nouvellistes ont bénéficié pendant la période 1971 - 1980 de la sollicitude du gouvernement de Léopold Sédar Senghor, comme en témoigne l'Anthologie de la nouvelle sénégalaise (1970 - 1977) publiée par les NEA en 1978 et due à Pierre Klein, conseiller pour les affaires culturelles à la Présidence de la République du Sénégal.
Les concours internationaux ou nationaux n'ont pas seulement répondu, comme nous l'avons écrit plus haut à propos du concours de RFI, à une attente. Certes, l'objectif des organisateurs, particulièrement de l'ACCT, organe de la francophonie, est d'encourager l'expression littéraire en langue française en montrant la vitalité du français, langue de création, en Afrique et dans l'Océan Indien. Certes, on peut craindre, comme Jean-Pierre Makouta-Mboukou [4] que ces concours imposent les règles d'un "art officiel" tuant chez l'écrivain l'inspiration et l'art personnels. Mais nous pouvons affirmer avec Mukala Kadima-Nzuji qu'ils ont aussi "pleinement contribué à susciter de nouvelles vocations littéraires en Afrique et surtout à les orienter vers une forme d'expression - la nouvelle - qui semble convenir parfaitement à la description des problèmes socioculturels et mêmes politiques qui se posent aux Africains aujourd'hui."[5]
II. LA NOUVELLE COMME CHRONIQUE DE SOCIETES EN CRISE |
Les principaux thèmes développés au cours de la période précédente (1961 - 1970) se maintiennent entre 1971 et 1980. Ce qui varie, c'est l'importance de certains courants par rapport à d'autres. Du simple point de vue quantitatif, la nouvelle satirique conserve sa primauté avec, comme par le passé, une prédominance de la satire sociale; mais un élément nouveau y apparaît qui mérite d'être souligné: la confirmation de la satire politique de l'Afrique des indépendances auparavant illustrée par quelques rares textes, notamment de Sembène Ousmane. Viendra ensuite la nouvelle culturaliste. Quant au courant anticolonial, il semble avoir tari au point d'être supplanté par d'autres courants mineurs.
La nouvelle satirique |
L'importance de plus en plus marquée de la nouvelle satirique, particulièrement dans sa dimension sociale, semble liée aux exigences mieux maîtrisées du genre qui - on le sait - entretient des rapports très étroits avec les pulsations du quotidien.
Central ou diffus, ce thème de la misère revient dans un grand nombre de textes isolés ou de recueils, traduisant une prise de conscience accrue des inégalités et injustices sociales, sources de conflits et de drames de toute sorte dans l'Afrique des indépendances. Ce qui préoccupe les nouvellistes par-dessus tout, c'est la vie des petites gens, des chômeurs, des gagne-petit, des laissés-pour-compte, des "Ventres creux" de la ville et du village. Ventres creux est d'ailleurs le titre d'un recueil du Zaïrois Mwamba-di-Mbuyi Kalala Muepu, paru en 1974, qui raconte les aventures de personnages de tous âges, enlisés dans le "bourbier" d'une grande ville africaine (Kinshasa), aux prises avec de grosses difficultés, coincés par des problèmes d'argent et dont certains finiront par se dévoyer.
D'une façon générale, on assiste à un déplacement de l'espace de la nouvelle du village vers la ville. Pendant la période coloniale, le village était l'espace privilégié. Après 1960, il cède progressivement le pas à la ville qui, entre 1971 et 1980, semble lui avoir ravi la primauté. Dans Chroniques Congolaises (1974) et Nouvelles Chroniques Congolaises (1980) de J.B. Tati-Loutard par exemple, presque toutes les nouvelles ont pour cadre la ville, Brazzaville ou Pointe Noire. Ce phénomène reflète l'essor prodigieux des villes africaines après les indépendances et l'acuité des problèmes que pose leur évolution anarchique.
La ville est presque toujours pour les nouvellistes symbole de tourments, de précarité et d'échec comme dans La papaye de Sévérin Cécile Michel Abega, 3e Prix du 5e Concours de la meilleure nouvelle de langue française, ou dans Sucre, poivre et sel (1980) de Dono Ly Sangaré. Elle favorise la dégradation des moeurs. [6] L'absence d'une politique et d'une sécurité sociales pour les couches les plus démunies de la population conduit les femmes à la prostitution, [7] les jeunes à la "débrouillardise" [8] ou à la révolte [9] et presque tout le monde à la corruption, à la recherche forcenée de l'argent par tous les moyens comme l'illustre Un couple organisé de M.B. Cissé (1975).
Lorsque Cheikh Aliou Ndao évoque la vie des habitants d'un bidonville de Dakar à travers le triste sort de Mor qui perd ses économies lors du rasage impromptu de "Paak Buteel" - c'est le nom du quartier - par les pouvoirs publics [10] ou que Henri Lopès raconte dans L'avance [11] la vie malheureuse d'une bonne qui, à force de s'occuper exclusivement de l'enfant gâté de ses patrons européens, finit par perdre le seul fils qui lui reste, le lecteur est bouleversé par le drame humain qui se joue quotidiennement dans nos villes à travers ces faits banals qui d'habitude ne nous retiennent guère mais dont ces textes nous invitent à apprécier la gravité en s'en faisant l'écho littéraire.
Au reste, l'injustice et l'inégalité n'existent pas qu'en ville. Elles se traduisent également par l'opposition ville/village comme dans La gangue de Maliza Mwina Kintende primée au 2e Concours radiophonique de la meilleure nouvelle de langue française en 1973. La misère et la pauvreté en ville et au village ont d'ailleurs souvent la même cause, l'exode rural, comme le montre Bilal Fall dans Le collier de misère, primée au ler Concours en 1972. Ce phénomène de l'exode rural peut prendre la dimension d'une émigration massive de certains pays africains vers d'autres réputés plus prospères, ce qui entraîne périodiquement des expulsions spectaculaires, de véritables drames humains. C'est de ce problème que traite Abokki ou l'appel de la côte (1978) du Nigérien Mahamadou Sabbo Halilou.
Cette nouvelle est l'histoire d'Amadou qui, comme beaucoup de jeunes Nigériens confrontés aux difficultés de la vie quotidienne dans leurs villages, est attiré par les mirages des villes côtières telles que Abidjan et Accra. Si certains parmi ces jeunes, après quelques années d'aventures, de dur labeur et d'épargne, retournent au pays natal couronnés de gloire, ce n'est pas le cas de la majorité pour qui la vie à l'étranger se révèle souvent un enfer. Amadou, après avoir subi toutes les humiliations et toutes les injustices, a failli quant à lui y laisser la vie. Amputé d'une jambe à la suite d'un accident survenu alors qu'il cherchait à échapper à des policiers, il est rapatrié au Niger à la faveur d'une expulsion collective décrétée par le gouvernement de la côte. Il cesse ainsi d'être un mendiant, retrouve une place dans sa société et la joie de vivre en travaillant dans une coopérative de paysans de son village. La nouvelle de Mahamadou Sabbo Halilou est une mise en garde des jeunes Nigériens contre l'émigration vers les pays côtiers car, dit-il, "un lion devient un rat dans le village d'autrui"; une mise en garde pleine d'amertume et de ressentiment.
Ce problème des expulsions d' "étrangers" en Afrique est aussi abordé par Jean-Baptiste Tati-Loutard dans Le rapatrié Nouvelles Chroniques Congolaises.
Cependant, au cours de la décennie 1971 - 1980, les problèmes du monde paysan dans la nouvelle sont dominés par la sécheresse. Parmi les nouvellistes qui ont traité ce thème que nous retrouvons aussi dans la décennie suivante, on peut retenir Patrice Ndedi - Penda, auteur de La dernière semence, 2e Prix du 2e Concours de la meilleure nouvelle de langue française en 1973, Maoundoé Naindouba avec La double détresse, primée dans le même cadre, Sada Weïndé Ndiaye avec Au pays de la soif dans son recueil La fille des eaux (1975), Mbaye Gana Kébé avec Le taureau, primée lors du 5e Concours de RFI, et Yambo Ouologuem avec La trêve de Dieu où, paradoxalement, la sécheresse sert de prétexte à une glorification de Dieu.
Les fondements de la misère que décrivent les nouvellistes ne sont pas exclusivement matériels. Ils tiennent aussi à la psychologie sociale qui révèle certaines tares mentales liées au poids de la tradition sur la femme, qui dénonce l'injustice dont cette dernière est victime et la polygamie, source de conflits entre le mari et ses épouses, entre les coépouses, entre ces dernières et les enfants de leur mari et, enfin, entre les enfants, frères et soeurs de différentes mères, comme le montre Wumba Tuyinamu dans Pour une noix de palme (1974) et Faustin - Albert Ipéko Etomane avec Nassémé dans son recueil Le lac des sorciers (1972).
Deux textes du recueil Kaala sikkim (1975) de Mbaye Gana Kébé abordent également ce thème : il s'agit de Némali qui raconte les mésaventures d'un paysan polygame et lubrique, et de Sikkim dans lequel Yâma, une jeune fille, refuse de prendre pour époux Dramé, un vieux millionnaire barbu et ventru, à qui ses parents démunis cherchent à la vendre. Par rapport à Yâma, l'héroïne de Mbaye Gana Kébé, la jeune fille de la nouvelle Ah Apolline! dans Tribaliques (1971) de Henri Lopès se montre moins combative et moins audacieuse : sous la pression de sa famille, Apolline abandonne son camarade étudiant pour épouser un riche diamantaire à qui son père l'a promise. Enfin, dans Ken Bougoul ou le refus (1979), Ibrahima Seye montre comment le conformisme traditionaliste et les préjugés sociaux peuvent briser le bonheur, voire la vie d'un jeune couple.
Mais, dans tous ces drames, on s'aperçoit que la misère s'allie à la tradition (qui, souvent, n'est qu'un prétexte) pour gêner l'épanouissement des jeunes et surtout des femmes. Le problème est assez grave pour que la nécessité d'une évolution des mentalités ne fasse pas simplement l'objet de discours creux. Cette nécessité doit se traduire en actes, doit se prouver concrètement dans la vie quotidienne et la pratique sociale. C'est cette dernière idée que Henri Lopès développe dans le même recueil avec Monsieur le député, en étalant les contradictions d'un député dont la vie privée est à l'antipode des idées qu'il proclame sur la question de la libération de la femme.
Les tares mentales se traduisent aussi par des superstitions et des croyances rétrogrades qui aliènent l'individu et font de lui la victime de sa propre ignorance comme dans Historires queue - de chat (1971) où René Philombe nous présente des personnages crédules, essentiellement des paysans mais aussi des citadins, voire un ministre, proies faciles d'imposteurs de tout acabit, dans le but - précise-t-il dès l'"avertissement" qui introduit le recueil - de "sensibiliser (son) public à certaines pratiques qui, pareilles à des boulets aux pieds des esclaves, entravent la marche en avant des jeunes nations africaines en général et en particulier de (son) Cameroun natal". Mais c'est surtout le fanatisme religieux en milieu musulman, particulièrement au Sénégal, vieux thème abordé dans la période précédente (1961 - 1970) par Abdou Anta Kâ (La complainte d'Oumar, 1961) et Sembène Ousmane, (Voltaïque, 1962) notamment, qui revient le plus souvent, ici encore, sous la plume d'auteurs sénégalais : Njangan (1975) de Chérif Adramé Seck, Le Madihou de Pikine du recueil de Lamine Diakhaté Prisonnier du regard (1976), Kaala du recueil de Mbaye Gana Kébé Kaala Sikkim (1976), Le marabout de la sécheresse qui a donné son titre au recueil de Cheikh Aliou Ndao (1979), mettent en scène les faux prophètes et les marabouts - escrocs et dénoncent la mystification religieuse.
La satire sociale dans la nouvelle africaine n'exprime en définitive que le malaise d'un monde instable et cruel comme l'indiquent éloquemment certains titres tels que L'équilibriste (1972) de Victor M. Hountondji et Aladji et Mal (1975) d'Abdou Anta Kâ.
Certes les nouvellistes semblent privilégier les problèmes sociaux par rapport aux problèmes politiques. Il reste cependant Le fossoyeur de Yoka Lyé Mudaba, Grand Prix du 4e Concours de la meilleure nouvelle de langue française. Cette nouvelle expose les réalités tragiques de l'Afrique des dictatures à travers la vie d'un fossoyeur qui, un jour, découvre le corps de son fils, son unique espoir, parmi les cadavres de jeunes étudiants destinés à une fosse commune. C'est sous le même signe macabre que Kitia Touré a lui aussi choisi de présenter les inégalités et les injustices sociales sous un régime totalitaire dans "Le corbillard", Grand Prix du 6e Concours de RFI.
Si le Béninois Amen Tayo Dovoédo semble mettre un grand espoir dans les coups d'Etat militaires avec sa nouvelle L'événement, primée dans le cadre du ler Concours, plus nombreux sont les auteurs qui se montrent sensibles aux aberrations des régimes militaires ou totalitaires. Parmi ces derniers nous pouvons retenir Henri Lopès avec Ancien combattant, La bouteille de Whisky et Le complot publiées dans son recueil Tribaliques (1971), Flavien Bihina Bandolo avec Le maquisard, Grand Prix du 2e Concours de RFI, Alexandre Kuma Ndumbe avec Nouvelles interdites (1978), Sony Labou Tansi avec Le malentendu (1979).
On retiendra que Nouvelles interdites d'Alexandre Kuma Ndumbe est un livre majeur au cours de la période 1971 - 1980, en ce qui concerne la nouvelle satirique d'orientation politique. Plusieurs textes du recueil Le grand anniversaire du petit Moussa, Le visiteur inattendu, La pendaison du commandant Bibila posent le problème de la liberté de l'individu face à la brutalité des systèmes politiques. La vision de l'auteur ne se limite pas à "l'Afrique indépendante"; elle se veut globale. La nouvelle La fuite du jeune Matlala, qui traite principalement de l'apartheid en Afrique du Sud, est conçue comme une parabole de la libération totale de l'Afrique. Les problèmes de l'apartheid sont également évoqués par Sylvain Bemba dans La mort d'un enfant de la foudre (1971).
Les ambitions politiques effrénées (Jeux sous la lune de Soli Abdourahamane, primée dans le cadre du 2e Concours de RFI), les errements révolutionnaires (Jouets des grands de Laurent Kounkou, primée dans le cadre du 3e Concours), la dépendance des Etats africains vis-à-vis de l'extérieur (L'honnête homme de Henri Lopès publiée dans Tribaliques), le caractère artificiel des frontières dans une Afrique divisée, corrompue et misérable (Le temps des mal - indépendants d'Alphonse Tyle-Sara parue dans Présence africaine en 1976, Le rapatrié, nouvelle de J.B. Tati-Loutard parue dans Nouvelles chroniques congolaises en 1980) sont des thèmes qui retiennent également l'attention des nouvellistes et qui dénotent un sentiment de désillusion particulièrement remarquable dans le recueil d'Isaïe Biton Koulibaly Les deux amis et dans les textes publiés au cours de cette période par la revue Peuples noirs - Peuples africains.
C'est dans cette revue que le Congolais Tchichellé Tchivela fait paraître pour la première fois des textes qui seront repris plus tard dans ses recueils. Noël à Ngana [12], présenté au moment de sa publication comme un extrait de Longue est la nuit (1980) alors sous presse, ne remonte à la période coloniale que pour mieux faire comprendre la situation politique dans l'Afrique des Indépendances. En effet, cette nouvelle raconte l'histoire d'un groupe de villageois qui, à l'époque coloniale, a décidé d'aller passer Noël à Ngana, la capitale. L'aventure tourne au tragique : un des leurs est abattu par un Blanc qu'il a osé injurier. Makumbi qui, en cette triste occasion, s'est révélé le plus veule du groupe, est devenu à la faveur de l'indépendance un des hommes les plus importants du pays sous le nouveau nom de Monsieur de Mackombert. Vivants sont les morts [13] nous présente à travers l'arrestation et la mort d'un maquisard un tableau des problèmes de l'Afrique des indépendances : des régimes fantoches au service de l'impérialisme étranger, l'exil des populations, la misère, l'insécurité, l'injustice, la prison, les exécutions sommaires, etc.
D'autres nouvelles parues dans Peuples noirs-Peuples africains au cours de la même période mettent elles aussi l'accent sur l'emprise de l'impérialisme français; il s'agit de Renseignements pris [14] de Vince Remos et de Vieux frère [15] d'Albert Kambi-Bitchene. Vince Remos, dans sa nouvelle parapolicière (sic) s'intéresse à la vie d'un vieil assistant technique français méfiant envers ses jeunes compatriotes qu'il soupçonne de tous les vices (pédérastie, communisme, rébellion), et paternaliste ou méprisant envers les Noirs qu'en réalité il ne connaît pas malgré son long séjour en Afrique. Seuls comptent pour lui la morale, le loyalisme, l'ordre et, par-dessus tout, le prestige de la France. Le second texte, celui d'Albert Kambi-Bitchene est plus macabre. Les élèves d'un lycée africain se mettent en grève pour réclamer le départ d'un coopérant français raciste. La police intervient. Les meneurs sont arrêtés puis libérés sous la menace des syndicats. Deux mois après la fin de la grève, le premier responsable des élèves du lycée est assassiné. Quant au coopérant, il est maintenu dans le pays et promu à un haut poste dans l'administration.
Comme dans la plupart des textes relevant de la satire politique au cours de la période 1971 - 1980, l'assassinat est un thème récurrent des nouvelles parues dans Peuples noirs - Peuples africains. Eloni [16] du Gabonais M. Okumba Nkoghé nous paraît l'exemple le plus accompli, qui décrit le désarroi d'une femme dont le mari, un enseignant, vient d'être tué par les sbires d'un régime totalitaire parce qu'il rêvait de faire aimer la littérature à ses élèves. Mais dans les dictatures africaines tous les intellectuels ne sont pas des dissidents, tant s'en faut. Nombreux sont ceux qui optent pour la collaboration au nom de leurs intérêts personnels, et cela de préférence après s'être taillé une réputation d'opposants, comme dans La fleur et la ferraille [17] où Jean Blaise Bilombo-Samba présente la déchéance de l'intellectuel traître à son peuple à travers l'itinéraire d'un ancien contestataire devenu agent de renseignements du même pouvoir qu'il vitupérait.
Dès lors, on comprend la réticence de certains écrivains à faire foi au messianisme. L'appel au sursaut que lance Cheikh Sow dans Le rôle du tyran (Grand Prix du 5e Concours de RFI) souligne qu'il n'y a de libération pour un peuple opprimé que s'il accepte de se débarrasser lui-même de son tyran.
La nouvelle culturaliste |
Bien que les thèmes qu'ils abordent aient une dimension sociale évidente, les textes que nous plaçons sous la présente rubrique se distinguent des précédents, notamment de la nouvelle sociale, par l'intérêt particulier qu'ils accordent à la description des valeurs du monde traditionnel africain ou à la problématique culturelle telle qu'elle se manifeste à travers les rapports entre la tradition et la modernité.
Ainsi, dans Le lac des sorciers (1972 - il s'agit ici du recueil), Faustin Albert Ipeko Etomane évoque le monde traditionnel africain à travers la circoncision, l'amour, le mariage, la polygamie, l'art des conteurs et a une visée beaucoup plus ethnographique que critique, même s'il ne passe pas sous silence les inconvénients de certaines pratiques. Quant au Zaïrois Zamenga Batukezanga, il nous livre dans Bandoki les sorciers (1973) une chronique en six épisodes de la vie quotidienne dans un village bantou, une chronique qui passe en revue le travail des femmes au champ, la croyance aux présages et aux songes prémonitoires, les interdits, la dot, le mariage, le veuvage, mais aussi l'exploitation des peurs superstitieuses par des charlatans ou des parasites sans scrupules, et surtout la sagesse et l'esprit de solidarité, valeurs fondamentales de la vie collective du clan. Dans L'aînée de la famille (3e Prix du 3e Concours de RFI), le Nigérien Abdoua Kanta nous présente l'éducation de la jeune fille chez les bergers peuls. Une victoire indésirable, qui donne son titre au recueil de Pascal Koffi Teya (1976) et qui avec un parti-pris manifeste la vie édénique dans le royaume africain pré-colonial de Kannigan, participe de la même veine, tout comme Moun de Kadia Sall (1980) qui est une présentation ethnographique de la société maure à travers l'aventure amoureuse entre une jeune fille et son prétendant.
D'autres textes abordent les bouleversements introduits en Afrique par les cultures occidentales, les Civilisations des autres (Makombo Bamboté, 1973) qui se révèlent aussi fascinantes que mal assimilées comme en témoignent Les sept fourchettes dans Chroniques de Mvoutessi I (1971) de Guillaume Oyono Mbia, Madame la civilisée du recueil de Mbaye Gana Kébé Kaala Sikkim (1976), Du blanc au noir dans L'arbre et le fruit (1979) de Kitia Touré et La couture de Paris de Baba Moustapha, primée dans le cadre du 5e Concours de RFI.
Dans Le transistor (1972) qui traite de l'aliénation culturelle, du déracinement et de la recherche d'un équilibre entre la tradition et la modernité, Abdou Anta Kâ nous livre une véritable histoire de fous. Konko Ciré Bâ est conduit à l'hôpital en pleine crise de folie. A son réveil, son ami Madian, également interné pour éthylisme chronique aigu, engage une conversation avec lui et l'amène progressivement à découvrir la cause de son mal. Le lecteur apprend ainsi que Konko Ciré Bâ, prince du Fouta, s'est vu contraint comme la plupart des hommes et des femmes valides de son village, de quitter celui-ci pour se rendre à Dakar. Là, il découvre une nouvelle société et de nouvelles valeurs et perd pied. Il refuse tous les "métiers d'esclaves" qu'on lui propose jusqu'au jour où il entend à la radio "un chant de chez lui, de sa race, de sa lignée". Le transistor, qui appartient à un voisin de la concession où il habite, le rattache ainsi à sa culture, à son monde, comme une perche tendue à quelqu'un qui se noie. Il décide alors de travailler pour s'acheter un transistor et y parvient.
Les rapports difficiles entre les valeurs locales et les valeurs importées, les valeurs d'hier et celles d'aujourd'hui s'expriment aussi à travers le conflit entre parents et enfants ou entre paysans et citadins, comme dans L'arbre et le fruit de Kitia Touré, 1979, et les rapports difficiles avec les religions importées comme dans Le sermon de Yohannes Nkatéfoé (Chroniques de Mvoutessi l) de Guillaume Oyono Mbia et Comment les fidèles de Hadj perdirent la foi dans Une victoire indésirable de Pascal Koffi Teya.
Comme le Burkinabé André Nyamba dans Avance, mon peuple, primée dans le cadre du 2e Concours de RFI, les nouvellistes n'hésitent pas à s'attaquer aux vieilles pratiques rétrogrades, dégradantes et inhumaines, mais ils reconnaissent aussi, à l'instar de Djibril Tamsir Niane dans Kakandé, l'une des trois nouvelles du recueil intitulé Méry (1975), et d'Honoré de Sumo dans La malédiction (1976), que le mépris de ses propres valeurs culturelles peut conduire l'Africain à sa perte. D'où leur tendance à prôner la nécessité d'une synthèse, condition indispensable de l'équilibre, comme pour Zamenga Batukezanga dans Les hauts et les bas (1971) et pour Alexandre Kuma Ndumbe à travers l'histoire du vieux Momba dans Nouvelles interdites (1978).
Les autres courants |
En dehors des courants satirique et culturaliste qui rassemblent la majorité des textes publiés au cours de cette période, on note l'existence de courants plus ou moins mineurs. Nous en retiendrons quelques-uns parmi les plus significatifs.
- La nouvelle sentimentale: elle regroupe des histoires d'amour dont les auteurs mettent l'accent sur le caractère singulier. Le recueil de Roger Nikiema Deux adorables rivales (1971) comporte deux nouvelles : la première, qui donne son titre au recueil, et Les soleils de la terre. Toutes deux montrent que le véritable amour transcende tout et peut réaliser des miracles. Dans Mamy Wata de Flavien Bihina Bandolo, primée au ler Concours de l'ORTF, c'est un jeune homme qui a recours à Mamy Wata, la légendaire déesse des eaux et de l'Amour Absolu pour s'assurer les faveurs de l'élue de son coeur; une crédulité naïve qui, contre toute attente, renforce ses liens avec la bien-aimée. Dans La fille des eaux qui a donné son titre au recueil de Sada Weïndé Ndiaye (1975) et a du reste été primée au 3e Concours de RFI, c'est une jeune femme qui, pour rester fidèle à son amant, disparu en mer, épouse le frère cadet de ce dernier, donne naissance à un enfant qui ressemble trait pour trait au défunt, et meurt subitement huit jours plus tard pour aller "rejoindre son coeur". Cet amour bien fort qui défie la mort, "un amour pur (...) où le corps a autant de part que l'esprit", constitue également le thème des quatre nouvelles de Lonta Mwene Malamba Ngenzhi regroupées dans Aimer à en mourir (1976). On peut également classer dans cette rubrique "Vostok" (1979) du Malien Souleymane Ernest Samaké.
- La nouvelle de formation: l'amour y a aussi une grande part, mais il s'agit ici du rôle de l'éducation sentimentale dans la formation des jeunes à la vie, un peu comme dans Les initiés (1970) de Jean Pierre Makouta Mboukou. Oscar Pfouma nous fournit un autre exemple avec Siang (1971). Cette nouvelle retrace la vie d'un jeune orphelin élevé par un oncle cruel et perfide. Un jour, Siang rencontre une femme qui va bouleverser son existence en l'amenant à affirmer son désir d'émancipation, de libération et de révolte par rapport à sa vie antérieure, la vie "sans plaisir et sans distraction d'un esclave". Malheureusement dans un cycle de violence contre les figures marquantes de la société qu'il récuse, sa révolte aboutit à un échec tragique dû à son impulsivité et à son inexpérience. Participe également de cette veine Au cercle des jeunes du recueil de Kitia Touré L'arbre et le fruit (1979). Ici, il s'agit des tribulations d'une fille-mère racontées par son fils en gestation dans son ventre. Kitia Touré évoque ainsi les problèmes que pose l'éducation sentimentale des jeunes dans un contexte social marqué par l'injustice, le cynisme voire la cruauté.
- La nouvelle - souvenir: elle regroupe des textes aux thèmes variés mais qui ont en commun le fait d'être des évocations de souvenirs d'enfance ou de jeunesse. Souvent anecdotiques, ces textes ont, surtout pour leurs auteurs, une valeur qui réside essentiellement en leur charge émotionnelle. A titre d'exemples, citons Un enfant comme les autres de Pabe Mongo (1972), La longue piste parue dans A l'orée du Sahel (1975) de Youssouf Gueye, Le chimpanzé amoureux qui a donné son titre à un recueil de Jean Pliya (1977), Deux filles...un rêve fugitif de Victor M. Hountondji (1977), Les jambes du fils de Dieu de Bernard Binlin Dadié (1980).
- La nouvelle anticoloniale: ce courant, qui est un prolongement de la nouvelle nationaliste de la période coloniale, n'existe plus qu'à l'état résiduel, la colonisation étant de plus en plus perçue comme une question dépassée. Dans La récompense de la cruauté suivie de Ngobila des M'swata (1972) ainsi que dans Faire médicament (1974) Paul Lomami - Tshibamba évoque la conquête coloniale et les rapports difficiles entre colonisateurs et colonisés. Quant à Lamine Diakhaté, il donne la parole à un ancien tirailleur qui, dans Prisonnier du regard, (1975) raconte comment trente-cinq ressortissants du village de Séane ont été subitement frappés par "la main lourde de la conscription". Le texte évoque les recrutements forcés, la vie des tirailleurs au front; il rend hommage aux disparus et critique l'action collaborationniste de l'homme politique sénégalais Blaise Diagne désigné sous le nom de L'Etranger.
Pour terminer, citons à titre indicatif la nouvelle de faits divers dont les magazines Bingo et Akoua constituent des tribunes de prédilection; la nouvelle moraliste (La confession du sergent Wanga (1973) de Mbiango Kekese, Pour une noix de palme (1974) de Tuyinamo-Wumba); la nouvelle historique (Bambougouda dans le recueil Mery (1975) de Djibril Tamsir Niane); la nouvelle philosophique (Légende de Londema, suzeraine de Mitsoué-ba - Ngoni (1974) de Paul Lomami - Tshibamba; Dernière Genèse (1976) de Christine Kalonji), La nouvelle didactique (La palabre de la dernière chance (1977) publiée dans le recueil de Jean Pliya intitulé Le chimpanzé amoureux ; Les deux amis (1978) d'Isaïe Biton Koulibaly parue dans le recueil du même titre), la nouvelle psychologique (La petite gare de Guillaume Oyono Mibia dans Chroniques de Mvoutessi 1; Psychose de Dono Ly Sangaré dans Sucre, poivre et sel), La nouvelle - reportage (Le cicérone de la Médina (1972) de Guy Menga primée au ler Concours de l'ORTF). Signalons enfin l'apparition au cours de cette période du thème de l'émigration avec des textes comme Retour de Papa Samba Kébé primé au 2e Concours et O Balthazar! de Protais Asseng primé au 4e Concours.
Les actes du Séminaire Civilisations & Développement: L'Afrique en devenir (1995) sont disponibles auprès du C.A.E.C. - EDITIONS KHOUDIA. Renseignements sur les activités du Centre International d'Etudes, de Recherches et de Réactivation sur la Littérature, les Arts et la Culture (CIRLAC). |
[1] Cf. Mukala-Nzuji. "Entretien avec Tchichelle Tchivela", in Recherche Pédagogie et culture, no.52, mars - avril 1981, p.46.
[2] Volumes édités à Paris par l'ACCT, et Radio France en 1973, 1975, 1977, 1979, 1980 et 1982.
[3] Jacques Chevrier. "La nouvelle de langue française dans le concours de Radio France International", in Culture Française, no.1 et 2, 1981, pp. 104-109.
[4] Cf. J.P. Makouta-Mboukou. Introduction à l'étude du roman négro-africain. NEA/CLE, 1980, p. 216.
[5] Mukala Kadima-Nzuji. "Aspect de la nouvelle dans la littérature francophone d'Afrique noire", p. 84.
[6] Cf. Bilal Fall. "Le prix d'un voyage", in 10 nouvelles de..., no.3; Jean Ploya. "Le rendez-vous", in Le chimpanzé amoureux. 1977; Kitia Touré. "A la capitale", in L'arbre et le fruit, 1979; Dono Ly Sangaré. "L'élue du seigneur", in Sucre, poivre et sel 1980.
[7] Cf. Guillaume Oyono Mbia. Chroniques Mvoutessi 3. Madame Matalina ou comment grimper dans l'échelle sociale 1972; Jean-Baptiste Tati-Loutard. "La croqueuse de diamants", in Chroniques congolaises, 1974; Cheikh Aliou Ndao. "Quinze francs par jour", in Le marabout de la sécheresse, 1979.
[8] Cf. Francis Bebey. "Trois petits cireurs", 1972.
[9] Cf. Ibrahima Sall. "Enterrement d'une jeunesse", in 10 nouvelles de... no.4.
[10] Cf. Cheikh Aliou Ndao. "Paak Buteel", in Le marabout de la sécheresse, 1979.
[11] Cf. Henri Lopès. "L'avance", in Tribaliques, 1971.
[12] Peuples noirs - Peuples africains, no.10, 1979.
[13] Peuples noirs - Peuples africains, no.12, 1979. Cette nouvelle initialement prévue elle aussi pour Longue est la nuit qu'elle devait clore, a été écartée par l'éditeur. Caya Makhele affirme que c'est pour des raisons de fabrication (cf. Notre Librairie no. 91-93, mars-mai 1988, pp. 238-239). Peut-être l'éditeur a-t-il cherché à éviter une note finale trop dure. "Vivants sont les morts" sera repris sept ans plus tard dans L'exil ou la tombe (1986).
[14] Peuples noirs - Peuples africains, no. 14, 1980.
[15] Peuples noirs - Peuples africains, no. 18, 1980.
[16] Peuples noirs - Peuples africains, no 13, 1980.
[17] Peuples noirs - Peuples africains, no. 16, 1978
[18] Abdou Anta Kâ, "Le transistor" in Présence africaine, no. 83, 3e trim. 1972, p. 84.