Hélène Jaccomard
University of Western Australia
A Lisette
En France, l'écriture de la mort d'un proche ou de celle à venir du narrateur autobiographique se situe inévitablement dans l'interculturel. A titre d'illustration de ce point, voici une citation qui suppose une comparaison implicite avec d'autres cultures :
(historiens et thanatologues[1]) déplorent et dénoncent ce qu'ils croient devoir constater, à savoir, si on peut dire, une sorte de disparition de la mort dans l'Occident moderne et dans les sociétés industrialisées. La mort serait chez nous, en Occident, dans nos frontières, et de plus en plus, comme frappée d'interdit, dissimulée, expédiée, déniée...[2]
Marie de Hennezel, la célèbre psychanalyste qui a introduit et adapté en France les conceptions d'Elizabeth Kübler-Ross sur l'accompagnement et les soins palliatifs, établit également une rapprochement culturel pour suggérer une carence en Occident:
Les Tibétains parlent de la mort en riant, sur l'éclat de rire qu'ils ont, souvent, devant l'inquiétude de l'Occident, qui vit dans l'attachement, qui n'accepte pas que tout passe.[3]
Alors, que faire si l'on pense que "Quand je mourrai la mer se noiera" ?[4] Prenant acte du vide spirituel créé par la démission de l'Eglise (catholique) dans la prévention et la compréhension du sida[5] et « dont l'accompagnement a été longtemps la mission mais qui, à titre collectif, a refusé de s'impliquer dans la lutte contre le sida »[6], certains auteurs témoignant du sida vont tenter une réappropriation de la mort par des rituels venant d'autres cultures non imprégnées de culture judéo-chrétienne. Auréolées des mystères de l'inconnu, celles-ci auraient une attitude plus saine, plus philosophique que 'nous' vis-à-vis de cette mort, la nôtre, celle de nos proches, de nos bien-aimés, taboue et déniée, mais annoncée. Ainsi Hervé Guibert, célèbre écrivain du sida, racontait au début des années quatre-vingt-dix l'espoir de conjurer sa mort annoncée par des pratiques superstitieuses : cérémonies au Temple de la Mousse au Japon ou visite à un guérisseur marocain...[7] Mais rien pour penser son après-vie. Car il y a, en fait, trois phases bien distinctes dans le discours sur la mort: l'avant (le deuil), le pendant (l'inconnaissable) et l'après (l'eschatologie).
L'avant, c'est le deuil annoncé. En l'occurrence, l'Occidental est beaucoup moins silencieux qu'il n'y paraît, peut-être parce qu'il doit agir et c'est pourquoi on réfléchit beaucoup à l'accompagnement de vie et de mort[8], en se passant du secours d'autres cultures, comme on le verra dans les deux témoignages du sida étudiés ci-après. En revanche, le pendant reste « l'instant inénarrable » de Vladimir Jankélévitch:
La mort joue à cache-cache avec la conscience: où je suis, la mort n'est pas; et quand la mort est là, c'est moi qui n'y suis plus. Tant que je suis, la mort est à venir; et quand la mort advient, ici et maintenant, il n'y a plus personne. De deux choses l'une: Conscience, ou présence mortelle! Mort et conscience, elles se chassent et s'excluent réciproquement, comme par l'effet d'un commutateur...[9]
Dans les deux témoignages suivants, le récit d'agonie, celle de l'être aimé, n'est guère plus qu'une approximation pour retenir le secret emporté dans la tombe.
C'est pour l'après-vie que les auteurs montrent une certaine diversité, comme s'il existait un axe thanatologique sur lequel nous nous rangeons forcément. Les deux écrivaines étudiées ci-après empruntent à d'autres cultures ce dont elles ont besoin pour parler de la mort qu'elles ne peuvent nier. Ketty se met en quête de sagesse auprès des mystiques occidentaux certes mais surtout orientaux (L'histoire de Ketty : j'ai le sida, je veux vivre de Mariane Richard et Charles Tauxe, Le Mont-sur-Lausanne : Editions Ouverture, 1993), tandis que Colette Guedj aboutit à une configuration d'après-vie de sa fille morte qui n'est ni tout à fait occidentale, ni tout à fait autre (Le Baiser papillon, Paris : J.C. Lattès, 1999).
Syncrétisme |
Charles Tauxe, docteur ès philosophie, et Marianne Richard, accompagnante au "Soleil Levant", émanation de l'organisation suisse "Le Levant"[10], recueillent le récit de Ketty par amitié et aussi du fait que son cas est atypique, donc pathétique. Il s'agit en effet d'une femme hétérosexuelle contaminée par un premier mari coureur de jupons. Ignorant tout de son état jusqu'à un test de routine avant d'entamer une grossesse, Ketty contamine à son tour son second mari. Ce dernier vivra six mois après l'annonce de sa séropositivité, déclin foudroyant pour un sidéen, et Ketty lui survivra un an de plus. Ce livre est important pour le thème qui nous intéresse ici car il inscrit la double confrontation avec la mort : celle d'un proche et la disparition du sujet autobiographique, c'est-à-dire la mort en troisième et en première personnes, selon la typologie de Vladimir Jankélévitch[11].
La narratrice ne s'y trompe d'ailleurs pas : si le virus du sida est bien « une saleté » (14), elle voit dans cette double catastrophe une chance d'élévation morale. Elle consacre pourtant la plupart de son texte à lutter contre ce qu'on peut nommer « la mort sociale », cette attitude de rejet vis-à-vis des séropositifs qui oblige à taire son état et celui de son mari de peur d'être rejetée. Ketty a internalisé la notion que le sida est bel et bien la « maladie du secret »[12], en raison de son origine sexuelle. De fait, le déclin rapide d'Albert peut s'expliquer aussi par l'ostracisme général contre les grands malades :
La société contemporaine jette souvent sur la personne en fin de vie, malade ou atteinte par le grand âge, un regard qui la dévalorise, l'isole, qui aggrave sa souffrance, fait naître en elle un sentiment d'indignité. Cette attitude, ce regard et le discours qui les accompagne, conduisent au désespoir et à l'exclusion quand ils ne conduisent pas à provoquer délibérément la mort du malade.[13]
Avec le récit du trépas d'Albert, Ketty approche, comme tout accompagnant qui écrit son autobiographie, de l'autothanatographie, ce genre irréalisable :
Accompaniment witnessing [...] seeks to correct autobiography's most obvious the inability of anyone to write their own death while maintaining the power, as an act of witness, that inheres in the genre as its main strength: its status and authority as a first-hand report of first-hand experience.[14]
Ketty narre de l'extérieur, forcément de l'extérieur, la mort de son bien-aimé. C'est une agonie modèle, digne de figurer dans les ars moriendi du passé, qui forment encore la base de notre imaginaire d'une belle mort[15] en Occident. En effet, à l'encontre de la malédiction ancienne de la « mort inaperçue »[16], la faucheuse par le sida donne le temps de se préparer. Albert peut agoniser chez lui, et non à l'hôpital, cet enfer moderne que tant de grands malades redoutent. La sollicitude du personnel ironiquement appelé soignant y entraîne des tortures de toutes sortes au nom du maintien sacré de la vie, au détriment de la qualité de vie, de la dignité. Surtout, Albert est accompagné de sa femme et de sa mère. Il y a quelque chose de rassurant dans cette thanatographie en forme d'image d'Epinal avec des femmes au chevet du mourant, clôturant idéalement une vie commencée aussi comme une affaire de femmes. Compte-tenu des limites de l'autothanatographie, c'est l'épouse qui est le témoin idéal. Investie de cette mission, Ketty s'inspire des belles morts et de leurs figures obligées, comme les derniers mots. Dans le cas d'Albert, ce sont de belles paroles:
Tard dans la nuit, quand l'obscurité régnait sur la Terre, Albert a repris conscience ; il a réclamé une cigarette, je l'ai allumée, il s'est mis à me caresser tendrement, je lui ai demandé pourquoi il était si gentil avec moi, il m'a répondu que je le méritais...
Et ce furent ses dernières paroles, les mots qui sont sortis de sa bouche d'homme en train de mourir, un ultime message d'amour, avant qu'il ne s'enfonce dans le néant, à jamais absent, sur un versant inconnu de l'univers [...] (87)
Désormais seule avec ses deux filles de 13 et 15 ans, la narratrice, atteinte d'un lymphome au cerveau, écrit son progressif déclin physique, tout en se cherchant une philosophie de la mort pour lui permettre de gérer et son deuil et sa mort annoncée. Dans le passage qui suit, oublions un moment les contradictions dans la logique du raisonnement, pour nous concentrer sur le réconfort que procure le classique dualisme corps/esprit pourtant décrié par les post-modernes:
Après une semaine passée à la maison, je suis obligée de garder le lit, mes jambes ne me portent plus, tout mon côté gauche est paralysé, mon visage est devenu insensible, je perds la vue progressivement, mon élocution s'est ralentie [...] Le pire est que j'ai conservé toute ma lucidité, comme si la conscience était seule à survivre dans mon cerveau, alors que j'aimerais tellement tomber dans le coma [...] C'est ça l'horreur suprême de notre état, quand le miracle même de la vie devient une malédiction dont nous aimerions nous débarrasser... Mais il y a toujours ce mouvement extraordinaire, la vie qui ne cesse de rebondir sur le néant, sur la mort, cet amour d'exister qui ne me quitte pas [...] (114)
Avec cette page, L'histoire de Ketty prend un tour plus spirituel que narratif, en accord avec l'objectif avoué de l'éditeur, les Editions Ouverture, spécialisées dans les témoignages où « l'Esprit souffle, qui anime, qui vivifie [...] notre maison entend contribuer à ce travail de longue germination. Les livres que nous vous proposons sont écrits par des gens qui cherchent comme vous » (124). Le lecteur est convié à une quête spirituelle qui est aussi la sienne, nous dit-on, comme l'est sa condition de mortel. L'autobiographie revient ici à ses sources lorsque l'exhortation à la sagesse l'emportait sur la description d'une vie ou d'une personnalité. Il n'est pas exceptionnel que de graves maladies entraînent ce désir inhabituel chez un être relativement jeune (Ketty n'a pas 40 ans) de transmettre la somme d'une vie. Le corpus du sida dans son entier recèle de ces passages où il s'agit surtout de contrebalancer le matérialisme ambiant, la valorisation de l'avoir sur l'être, ce qui est clairement l'intention de Ketty:
Nous dépouiller de notre moi, de nos angoisses, de nos petits désirs de notre besoin de sécurité, faire le vide en nous-mêmes, jusqu'au moment où nous n'appartenons plus à ce monde et pouvons le quitter sans crainte, n'importe quand, dans n'importe quelles conditions... (120)
... Mais pour aller où ? Ketty n'arrive à se contenter de l'imagerie chrétienne, exprimée par Marianne Richard qui écrit ce manuscrit pour elle et affirme que les morts « deviennent des anges gardiens que nous retrouverons » (119). La narratrice diverge de l'eschatologie chrétienne : « Le néant est notre avenir indépassable » (112) et achoppe sur une forme de scepticisme qui, paradoxalement, lui restitue une certaine maîtrise sur sa destinée:
La vérité est que nous ne savons rien et que c'est ici-bas, au coeur de la condition humaine, que nous devons trouver la sérénité et la force de faire face à la mort, de l'accepter, sans recourir à des consolations faciles et illusoires. (119)
Sa quête montre bien l'erreur commune qui consiste à confondre religion et spiritualité, comme l'exprime Marie de Hennezel:
[...] il faut au préalable lever un tabou tout aussi pesant que celui de la mort: le tabou de la spiritualité. Dans une société laïque comme la nôtre, le spirituel n'est pas reconnu. Pire, il est suspect, parce que confondu avec le religieux.[17]
« Le déclin des religions traditionnelles ne signifie pas pour autant la fin des croyances »[18] et de fait, Ketty aboutit à une forme de syncrétisme, au-delà de toute religion, même si, en matière thanatologique, les religions se rejoignent dans des universaux.[19] Ce syncrétisme se manifeste dans la dizaine de citations sur la vie et la mort que Ketty a relevées chez les penseurs, occidentaux certes (Saint Jean de la Croix, Camus...), orientaux (Tchouang-tseu, Tseu-Li, Krishnamurti, Drupna Kunley, bouddhistes convoqués pour construire un « néobouddhisme version occidentale »[20]), voire arabes (Khalil Gibran, qui fournit deux longues citations).
Qu'ont-ils de commun à dire, ces mystiques d'horizons culturels si disparates?
Ils disent qu'il est impossible de comprendre la mort : « Car tout est destin, comprendre ce mystère est impossible » (Tchouang-tseu, 86).
Ils disent que la vie « n'est qu'un emprunt » (Tchouang-tseu, 72), une illusion, chose qui unit donc bonheur et malheur en une rassurante fadeur:
Atteindre le but de sa vie est un bonheur illusoire
Voir le corps et l'esprit se séparer dans la mort est une tristesse
illusoire (Drupna Kunley 106)
Ils disent que le bonheur est toujours un devenir :
La lutte elle-même vers les sommets
Suffit à remplir un coeur d'homme.
Il faut imaginer Sisyphe heureux. (Albert Camus, 37)
Ils disent l'hypothèse, ni plus ni moins que l'hypothèse, d'un au-delà :
Si dans le crépuscule de la mémoire
Nous devions nous rencontrer une fois encore,
Nous parlerons à nouveau
Ensemble et vous me chanterez
Un chant plus profond
Et si nos mains devaient
Se rencontrer dans un autre rêve,
Nous construirons une autre tour
Dans le ciel. (Khalil Gibran, 121)
Dans les témoignages du sida, ce poème est en fait un des rares développements sur l'après-vie et encore est-ce sous forme d'hypothèse. Quelle sobriété, quelle mesure, quelle simplicité si l'on pense à la richesse, l'extravagance même des images de la vie après la mort des cultures judéo-chrétiennes ou encore du Bouddhisme[21]. Malade en fin de vie, la narratrice repousse sa quête spirituelle dans les marges de son texte; elle se contente de citer ces sages: le temps, l'énergie lui manquent pour élaborer sa propre version de ce qui aurait pu ouvrir une troisième voie entre Occident et Orient.
Signes du « nomadisme spirituel »[22] en vigueur dans les pays occidentaux, cette dizaine d'aphorismes a une singulière résonance quand on est dans la disposition particulière de la mort annoncée. Pour cryptiques qu'ils soient, il ne fait pourtant pas de doute qu'ils accordent à la narratrice la grâce de de transcender, par l'écriture autobiographique, son vécu, son deuil, sa souffrance physique et morale, et sa culture, puisque c'est le sage chinois, Tseu-Li, qui a le dernier mot: « Ici le Tao, maintenant l'éternité... »
Coïncidences pétrifiantes et écriture |
Dans le Baiser papillon, le personnage atteint est une jeune fille, et c'est sa mère, Colette Guedj, qui écrit son histoire. Alors qu'il s'agit d'une contamination par transfusion de sang, l'auteur ne prend pas les médecins et les politiques à partie comme le font les livres plus connus d'Agnès et Patrice Gaudin, ou le pamphlet de Claude Dubois[23], par exemple. Professeur de lettres et auteur de livres de critique littéraire notamment sur le surréalisme et la poésie contemporaine, son oeuvre narrative commence avec ce récit. Comme pour Hervé Guibert, il est clair que le sida est la circonstance qui stimule la créativité de l'auteur, bornée jusque-là à l'étude des textes des autres. Ce témoignage prouve bien que Thanatos, ce Dieu muet, inspire Logos[24], mais qu'il a besoin de ressources extérieures au monde occidental pour le faire à visage découvert.
A l'âge de 19 ans, Muriel se fait renverser en vélo à Nice par un bus et subit une transfusion de sang. Elle est diagnostiquée séropositive lors d'un séjour au Canada trois ans plus tard, entre en sida déclaré peu après, et meurt exactement le jour de ses 27 ans. Muriel a eu le temps d'étudier le droit et l'économie, de se passionner pour la littérature, les langues, la psychologie (elle passe son dernier oral de licence, trois mois avant son décès), la biologie, d'apprendre la couture, le piano, le yoga, le dessin, d'avoir des amis, de voyager en France, en Europe, en Afrique du Nord, aux Etats-Unis, au Canada. En 27 ans, la narratrice aimerait penser qu'il a été accordé à Muriel de mener sa vie à son terme (11). Sa vie s'est tout simplement accélérée :
En l'espace de 27 ans tu es ainsi passée de l'enfance à l'adolescence puis à l'âge mûr et à la vieillesse. Tu as condensé en toi, tour à tour l'espièglerie de la gamine, la gravité de l'adulte et la sagesse d'une vieille femme, courbée sur sa fatigue. (38/9)
Tous les sidéens ont remarqué la concentration de leur vie en un petit nombre d'années. D'où, l'intensification de leurs actes :
Ta vie, tu l'as remplie comme on bourre une valise, en poussant les vêtements afin de pouvoir la fermer et parfois en s'asseyant dessus pour faire tout rentrer. Ce temps compté, tu en as fait aussi un temps extensible jusqu'à ses plus extrêmes limites, et si dense. (39)
Il est important de garder à l'esprit que ce récit introduit une nouvelle logique dans les histoires de sida : la vie de Muriel s'est accomplie, ce n'est donc pas l'histoire d'une vie ratée. La clé du livre, c'est une citation de Kafka mise en exergue qui la fournit : « Les raisons qui poussent à écrire sont multiples, et les plus importantes sont, il me semble, les plus secrètes. Celle-ci surtout, mettre quelque chose à l'abri de la mort » (9).
Pour mettre Muriel à l'abri de la mort, quoi de mieux que de « remettre sa fille en vie » une seconde fois (11)? Pour ce faire, la narratrice va tenter de prouver que vie et mort ne sont pas antinomiques; ensuite elle va enfouir le récit du décès de Muriel au creux du texte, et non le mettre en début ou en fin comme la plupart des écrivains-témoins du sida le font. Cette thanatographie et cette construction aboutissent à une eschatologie originale.
Le prénom de Muriel, nous dit la narratrice, est une anagramme de « lumière », expression de sa luminosité intérieure (35) et la lumière, c'est la vie:
la vie et la mort, loin d'être deux entités séparées, étaient bien une seule et même chose, mais labile, sujette à se métamorphoser en la part de ténèbres et de lumière qu'elles contiennent l'une et l'autre. (37/8)
Cependant, s'il contient la vie, le nom de Muriel contient aussi sa mort, comme dans l'adaptation de son prénom par son professeur d'anglais « Maureen, mort in : Muriel dans la mort. Muriel, mûre pour la mort » (36). La vie est si fragile, rien d'étonnant à ce que naissance et mort puissent se télescoper. Inévitablement, la mort habite la vie, ce que ce récit veut prouver, comme si la narratrice s'était imprégnée des paroles de Jankélévitch :
La vie nous parle de la mort, et même elle ne parle que de cela. Allons plus loin : de quelque sujet qu'on traite, en un sens on traite de la mort ; parler de quoi que ce soit, par exemple de l'espérance, c'est obligatoirement parler de la mort ; parler de la douleur, c'est parler, sans la nommer, de la mort.[25]
Colette Guedj s'étonne que l'agonie de Muriel connaisse tant de sursauts, comme si elle allait « accomplir un nouveau cycle. Tu refaisais le trajet, pratiquement jour pour jour, d'avant ta naissance, t'acheminant peu à peu vers les mystères de la métamorphose. » (33) La notion de métamorphose est cruciale : le titre du témoignage, Le baiser papillon, qui décrit le léger battement de cils qu'on fait sur la joue d'un enfant, est aussi une allusion à la fugacité, la fragilité ainsi que l'obstination paradoxale de la vie. Sa fille, à l'instar d'un radieux papillon, a connu plusieurs états, dont le tout dernier, à sa mort :
Quelques instants plus tard, j'ai senti sur ma joue un minuscule filet d'air, à la fois immatériel et si réel, c'était comme un imperceptible baiser dans lequel tu semblais avoir mis toute ta force et ton application, comme lorsque les enfants soufflent leurs bougies d'anniversaire. C'était un mouvement de ton âme qui nous disait un dernier adieu, mais après coup. Toi, tu n'étais déjà plus là. (63)
Le processus de métaphorisation donne un sens, par-delà le physiologique, à la survalorisation du dernier souffle que l'on trouve dans tant de cultures (par exemple, le « corps subtil » des Hindouistes).
Ayant mis naissance, vie et mort sur le même plan, une fois Muriel disparue, la narratrice trouve des traces de ses métamorphoses comme « la preuve désormais inaliénable, de [s]on entière présence » (112) dans le monde ordinaire : sur des photos vieilles de dix ans retrouvées chez un chirurgien esthétique dont l'une est reproduite à la page 113 , dans la marque du corps sur le fauteuil, dans les petits mots griffonnés à la hâte, dans des cahiers de notes « rangés tout en haut de ton armoire dans d'immenses boîtes qui ressemblent à de petits cercueils » (129), au sein d'impudiques radiographies, dans la vaste garde-robe surtout. Guedj aborde ce dilemme trivial que tous les survivants doivent résoudre :
Puis, après avoir fait don de quelques-uns de tes vêtements, je me suis torturée à l'idée de m'en être séparée, comme si c'était encore un peu de toi que j'avais perdu. [...] Et puis, hier en refermant la malle je me suis demandé s'il ne valait pas mieux cesser de mettre de l'antimite pour les conserver, et à quelles fins ? Peut-être vaudrait-il mieux les laisser doucement se décomposer, s'effilocher au contact du travail patient des insectes utiles. (226)
Le travail du deuil est semblable à celui de ces patients insectes mais il peut être entravé par une culture du déni de mort.
Le déni est incarné par le rabbin qui insiste pour procéder à une cérémonie religieuse que ni Colette ni son mari ne désiraient (73). Cela signifie entre autres que « dix hommes en noir venus faire la prière » se retrouvent dans la chambre de la jeune morte « Je n'avais jamais vu une telle concentration d'individus sinistres et poussiéreux dans ta chambre. Tu n'aurais pas aimé : heureusement que tu n'as rien vu » (84). Malgré ses rituels bien éprouvés depuis des siècles[26], le judaïsme n'apporte pas de secours à la mère en deuil. Mais la réaction de colère de Colette Guedj devant l'impuissance fondamentale des rituels quels qu'ils soient n'est-elle pas vécue par toute personne accablée par la douleur? Cette colère toutefois est agravée par les préjugés quant au sida qui ressortent à cette occasion (on est pourtant en 1993) :
Puis ce fut la visite des préposés aux Pompes funèbres, quel rapport avec toi ? Leur refus de toucher à ton cadavre, sous prétexte que le corps était toujours contagieux (sic) et moi acceptant tout ce que l'on me disait. Moi la gardienne de ton corps, j'avais baissé la garde devant les élucubrations de ces marchands de cercueils. Tu n'as donc même pas eu droit à la toilette des morts, et je ne m'en consolerai jamais, car c'est une obligation à laquelle nul ne peut déroger quelles que soient les cultures et les civilisations. [...] Giono appelle cela « approprier » un cadavre, c'est-à-dire le rendre propre et c'est un devoir sacré. (73/4)
S'accusant d'être « sujette à trahir » sa fille (75), Colette n'a pu empêcher « l'ultime humiliation : celle d'être un cadavre rejeté », comme le dit le sociologue Bernard Paillard[27], qui a ce commentaire lumineux dans son étude: « la mort est pacifiée quand elle passe au stade 'propre' » (ibid.)
Comme tant de proches de sidéens avant et après elle, il lui faut imaginer un rituel personnel en substitution aux cérémonies traditionnelles. Pour Guedj, ce ne sera ni patchwork des noms, ni incinération (taboue, qui plus est, dans le judaïsme), mais rituel laïque.[28] L'enterrement va se transformer « en fête, très spéciale, on ne savait plus ce que l'on célébrait exactement, mais ce fut un grand jour » (84). Ce rituel est réussi parce qu'il télescope anniversaire et décès, qu'il est collectif, et qu'il mobilise le passé et ses traditions :
C'était comme un cadeau que tu nous avais fait, de nous avoir permis ainsi de nous retrouver, comme au temps de ma petite enfance, Juifs et Arabes mêlés, avec nos gestes respectifs, et nos rôles ancestraux [...] (85)
La narratrice va consigner tout au long de son texte les liens de Muriel avec ses origines juives, qu'elle avait embrassées avec plus d'enthousiasme que sa mère ne s'y attendait (46). Par exemple, elle remarque que Muriel « allait naître » à la mort (15), expression révélatrice, au moment exact où résonnait la sirène pour la minute de silence en l'honneur de l'holocauste à Jérusalem où elle-même se trouvait pour une conférence. C'est la première de ces nombreuses « coïncidences pétrifiantes » (35) selon la formule d'André Breton que Guedj reprend à son compte. Ces coïncidences pétrifiantes parsèment l'existence et lui donnent un sens, une épaisseur supplémentaires, en l'occurrence, l'affirmation d'un lien de destin entre Muriel et tous les Juifs du monde. Il ne s'agit pas ici pour la narratrice de comparer, comme cela a été fait jusqu'à l'insensibilisation (voir par exemple, Hervé Guibert dans A l'Ami qui ne m'a pas sauvé la vie), le corps du malade à celui d'un rescapé de camps de concentration (elle préfère parler quant à elle d'un portrait à la Giacometti), mais plutôt, par touches délicates, de montrer une continuité peu visible au premier abord, entre Muriel et la judéité sur les traces de ses ancêtres paternels « cabalistes réputés » (33). Par exemple, en s'accrochant à la vie quelques heures de plus que prévu, Muriel semble rejouer « le miracle de la petite lampe à huile [de la fête de Hanoucca] qui tint huit jours encore alors qu'elle n'avait de quoi brûler que vingt-quatre heures », redonnant sens à un antique rituel. La narratrice se considère elle-même comme renégate ce qui ne signifie pas qu'elle ne soit pas façonnée par la culture juive sépharade. Sa fille, par une conception de sa filiation plus profonde, l'incite à se rapprocher des croyances et pratiques juives que Colette a connues enfant, en Algérie. La carence des rituels juifs pour la biographe est d'autant plus douloureuse.
Trois nouvelles 'coïncidences' vont donner à Colette l'impression, à défaut de la conviction, que sa fille participe encore du monde concret, et c'est sur leur récit que le livre s'achève. Elle retourne à Séville où, trois ans plus tôt, Muriel et elle avaient assisté à l'Exposition universelle et a le sentiment que Muriel « étai[t] devenue positivement cette blancheur lumineuse très pure dans un halo de grand solitude » qu'elle aperçoit le long d'un chemin de berge. Elle lui dit adieu et la forme blanche semble lui répondre par un signe de la main (236). Puis en Inde, dans un temple, des enfants lui demandent son nom et, osmose ? réincarnation ? elle écrit sur leurs paumes tendues le nom de Muriel. A sa sortie, une nuée d'enfants l'accueillent en criant ce nom, comme un cadeau (237). Enfin, en Russie, Colette comprend enfin le sens d'une icône de la Vierge du Signe, qui « portait son enfant, non plus dans ses bras, ou sur ses genoux, mais au niveau de sa poitrine ». Elle s'identifie à cette « image d'une mère habitée en son coeur, de toute éternité, par la présence de son enfant » (237). Cette coïncidence lui apprend que son deuil est achevé : la mère est désormais dépositaire de la fille (238).
Ces trois épisodes ont pour particularité de se passer à l'étranger comme s'il fallait s'éloigner de sa culture pour trouver une réponse adéquate à la place de la mort dans la condition humaine: la scène en Espagne rappelle la croyance païenne dans les fantômes, la Russie apporte l'imagerie orthodoxe, tandis que l'Inde offre le mystère de la réincarnation. C'est l'Inde qui semble avoir le dernier mot puisqu'un ami indien, au nom prédestiné de Krishna, intègre la mort de Muriel dans le système de pensée animiste : « Ta fille [...] elle fait partie de l'univers, tout comme la terre, les arbres, les rochers, le ciel, la mer, ou les étoiles» (239) ce qui provoque chez la narratrice le commentaire suivant, rappelant le pari de Pascal :
Je n'ai rien à perdre de le croire, et l'implacable logique de son raisonnement te va si bien, Muriel. Je te vois me sourire du fond de ton infinie douceur et c'est comme si le monde entier baignait dans ta lumière. (238)
En la matière, paradoxalement et à l'instar de Ketty, le merveilleux et le scepticisme donnent force et courage davantage que l'eschatologie des religions chrétiennes.
Presque tous les textes de témoins débutent par la mort du personnage sidéen pour remonter leur vie, en passant par le moment critique de l'infection par VIH et le diagnostic avec toutes ses conséquences. Mais puisque Guedj poursuit le but de faire renaître son enfant, elle évite d'inscrire l'inévitabilité de la mort dans la structure de son texte. Par prolepses et analepses, une construction en cercles concentriques triche avec l'événement détestable, puisque la narratrice s'en éloigne pour repartir vers d'autres scènes où Muriel est à nouveau bien vivante. La mémoire d'une vie n'étant pas linéaire, la mort de Muriel est annoncée, puis racontée au premier quart du livre (51-65), puis vécue intensément sous forme de «stratagèmes pour [la] soustraire à la mort » (106) et enfin rejetée au second plan à partir de la page 116 lorsqu'il s'agit de relater cinq années de maladie. Même le deuil semble nier la mort, comme lorsque la narratrice adopte le temps présent :
Le 19 [c'est-à-dire le lendemain de la mort de Muriel], j'entre à nouveau dans ta chambre et j'ouvre toutes grandes les fenêtres et la porte, je jette les fleurs de la mort et je les remplace par celles de ton anniversaire [...] Je lance alors à la cantonade un tonitruant : « Debout les morts » et j'annonce sur un ton qui ne souffre pas de réplique : « Le fchouch, c'est fini. » Traduction française : on ne joue plus la comédie. (100)
J'ouvre la porte pour que la pièce se remette à respirer au rythme de la maison et ne perde plus une miette de ce qui s'y fait, de ce qui s'y dit, de ce qui s'y vit. Pour que parviennent jusqu'à toi les bruissements de la vie domestique et les bruits du dehors : les cris, les rires, les éclats de voix, les voitures, la musique, et le chant des oiseaux. (101)
Le récit de la mort de Muriel mélange habilement le trivial et le symbolique, la naissance et la mort, la France et l'Algérie. Enrichie par ses deux cultures, la narratrice autobiographique peut, dans l'écriture, se positionner au croisement de termes opposés.
Mais la mort survient tout de même. Comme Albert, le mari de Ketty, Muriel parvient à mourir chez elle. Chaque geste s'accomplit alors dans la solennité digne d'une icône car puisqu'aucun médecin ne s'est interposé, la mort a une immédiateté et une intimité ancestrales[29]:
J'ai pris tes bras que j'ai enroulés autour de mon cou, car tu n'avais plus la force d'exécuter ce geste que tu faisais d'habitude avec tant de douceur et de bonne volonté [...] Nous t'avons soulevée à trois, mon endolorie. Tu étais lourde à porter, je me demandais bien pourquoi alors que tu pesais si peu, mais c'est ainsi, je devais l'apprendre beaucoup plus tard, quand on est paralysé. (60/1)
Quand enfin nous t'avons assise, tu avais les lèvres décolorées [...] Jacqueline a voulu te ranimer en te donnant des claques, mais j'ai hurlé : « Attention, tu vas lui faire mal. » Je ne peux encore aujourd'hui m'empêcher de sourire en pensant au caractère dérisoire et déplacé de cette mise en garde. (63)
La thanatographe décline amour et mort sur le mode tragi-comique, mode qui est peut-être un des effets du recours à plusieurs cultures:
« Les bras le long du corps », s'est écrié le rabbin quand il a pénétré dans ta chambre quelques heures après ta mort. [...] J'ai eu du mal à ne pas pouffer de rire et toi, de là où tu étais, il est impossible que tu n'en aies pas fait autant, tant l'incongruité de cette phrase ranimait l'une de nos plus anciennes connivences [...] c'était, tu étais toute petite, la formule péremptoire que je lançais à la cantonade quand nous entrions dans un magasin. (79)
Le passé et le présent sont ramassés dans le moment de l'écriture, et évitent d'« assigner des bornes » (10) à Muriel laissée pour toujours dans une stase temporelle, d'autant qu'on peut continuer à s'adresser directement à elle, en une apaisante litanie de « tu » et de « toi ». Non pas déni de la mort de l'enfant ou marchandage[30], mais summum de la régénération comme l'indique la méditation suivante, digne d'un cabaliste:
1939-1993, de la date de ma naissance à celle de ta mort, il y a l'espace de cinquante-quatre ans ; moi, à 27 ans, je te donnais la vie, toi au même âge, la mort te reprenait. Mais surtout, 93 n'est rien d'autre qu'un 39 renversé. De 39 à 93, le temps pour la vie de basculer en son contraire.
"La mort, coeur renversé", écrivait Paul Eluard. (38)
Renversement certes, ainsi qu'osmose : "Cette osmose avec toi je l'ai ressentie à nouveau dans les quelques jours qui ont précédé ta mort » (57). Il serait tentant de parler de réincarnation de l'enfant mort en la mère, mais ce serait prendre littéralement ce qui n'est que figuré :
Je ne suis pas morte de chagrin, comme ma grand-mère de Tiaret après la mort de sa fille ou comme cette femme qui perdit ses deux enfants noyés dans une piscine. Je n'ai pas sombré en même temps que toi, je vis, je mange, je dors, je ris, mais j'ai ta mort en moi, que j'héberge, que je berce, qui me nourrit. (127)
La mort rassemble deux êtres: enfant qu'on berce dans son corps, et qui nourrit le corps, image troublante, mais pas totalement inédite puisque la dévoration est une métaphore de la mort[31] quasiment taoïste, de résurrection de la chair.[32] Cela explique, à tout le moins, qu'elle vive encore, cette mère qui n'a pourtant plus d'identité sociale:
La langue sait désigner, par un mot très laid, veuf ou veuve, la perte de l'épouse ou de l'époux; elle sait désigner aussi l'état de l'enfant qui a perdu son père ou sa mère. Autant de séparations cruelles mais qui sont, ou peuvent être dans l'ordre des choses. Quel mot pour dire la mère qui a perdu son enfant? (54)
Le mot que la mère-scribe cherche, c'est le mot écrivain (ou thanatographe pour rester dans le ton), car c'est par l'écriture qu'elle met, non seulement, sa fille à l'abri de la mort, mais elle-même: telle est la puissance du témoignage du sida, puissance sous-estimée dans les analyses savantes de ce corpus. L'autobiographe est transformé, voire sauvé, par son travail d'écriture, expérience vitale que ne connaîtra pas le témoin qui n'écrit pas. De fait, Colette Guedj a reçu des lettres de lecteurs "en proie au même deuil" qui la remerciaient d'avoir "pu dire à leur place ce qu'eux n'auraient jamais pu dire"[33].
Puisque vie et mort représentent les versants d'une même montagne, l'un ouvert l'autre fermé (203), puisque l'enfant se métamorphose et transmigre dans la mère, puisque le passage de vie à trépas se dissout quelque part dans la chrysalide du récit, la mère-Eurydice écrit cette phrase extraordinaire en conclusion de ce qui, rétrospectivement, a toutes les apparences d'une démonstration:
Je sais maintenant que tu ne m'as jamais quittée, pas plus que nous ne nous quitterons un jour, Muriel, toi l'enfant que je n'ai pas perdue. (238)
Il n'est pas certain que le lecteur, même touché par la beauté de ce texte, sortira convaincu par cette inscription très personnelle du deuil accompli, métamorphose ultime par le verbe, osmose de l'être et du mot, métempsychose, voire transmigration de l'âme à la mode occidentale. Toujours est-il que Le baiser papillon complète, plus qu'il n'oppose, les dispositions mystiques syncrétiques de Ketty devant le deuil à faire et sa mort annoncée. Ces deux auteurs nous rappellent que le facteur le plus déstabilisant du sida consiste à menacer « notre sentiment d'immortalité »[34] et, nous privant de la croyance que nous allons échapper à la mort, oblige « à penser l'impensable »[35]. Elles nous rappellent aussi que, puisque l'individualisme (les individualismes ?) est (sont) au centre de la société occidentale[36], il n'y a de thanatographies qu'individuelles, basées dans ces deux cas, sur une croyance en une vie après la mort[37].
En redonnant sa vigueur à la thanatographie trop négligée dans notre culture et en ouvrant son esprit à d'autres cultures, on parvient à se forger des rituels, un langage pour dire le passage de vie à trépas et une eschatologie pour dire l'après-vie.
Pour traduire la mort, cette « réalité qui nous invite à créer »[38], le dialogue culturel est plus que jamais nécessaire. C'est dire que, sous l'impulsion de l'accompagnement à la mort par le sida, ces auteurs traduisent indubitablement un moment historique : celui de la mort personnelle non plus niée et rejetée, mais retrouvée.
Notes
[1] « La thanatologie n'est pas une science de la mort mais le regroupement de tous les savoirs philosophiques, théologiques et surtout scientifiques qui en parlent », Thomas, Louis-Vincent. « Qu'est-ce que la thanatologie ?», https://www.mort-thanatologie-france.com/, consulté le 30 novembre 2002. A la suggestion d'un lecteur du Comité de Mots Pluriels, j'ai utilisé le néologisme "thanatographie" pour désigner l'écriture de la mort.
[2] Brohm, Jean-Marie. « Ontologie de la mort. Esquisses épistémologiques pour une thanatologie qui se voudrait scientifique », Philagora https://www.philagora.net/philo-fac/brohm.htm, consulté le 1er décembre 2002.
[3] Hennezel, Marie de. « Entretien avec Claire Legros », La Vie No. 2628, 11 janvier 1996.
[4] Duve, Pascal de. Cargo Vie. Paris : J-C. Lattès, 1993, 33 ; l'auteur, professeur de philosophie et sidéen atteint d'encéphalopathie, emporte pour une croisière transatlantique, deux livres, la Bible et le Coran, mais finira agnostique.
[5] « Le sida lance un défi à l'Eglise [écrit Maroun Tarabay, prêtre maronique, aumônier à la Maison du Soleil Levant] le péché la rétribution et le châtiment [sous forme de maladie] existent toujours, mais la condamnation et la sanction ont pris la forme d'une invitation [à se rapprocher de Dieu a maladie]. La maladie est une chance à saisir, une quête de sens profond, une occasion de grâce, un défi providentiel. » Tarabay, Maroun. Les stigmates de la maladie- Représentations sociales de l'épidémie. Paris: Payot, 2000, 65
[6] Ce sont les paroles d'un médecin de santé publique, qui occupa les fonctions de directrice de la division sida de la Direction générale de la santé (Direction administrative du Ministère de la Santé) entre 1991 et 1996, Catherine Patris dans son témoignage intitulé Ma planète sida. (Paris : L'Harmattan, 2000, 96).
[7] Guibert, Hervé. A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie. Paris: Gallimard, 1990. Voir mon article, "La thanatologie chez Hervé Guibert", Journal of European Studies XXV, 1995, 283-302.
[8] Godenzi, Alberto. Laura Mellini. Jacqueline de Puy. VIH/SIDA, Lien de sang, lien de coeur. Paris: L'Harmattan, 2001 ; voir aussi le site de l'association JALMALV (Jusqu'A La Mort Accompagner La Vie), https://www.jalmalv.org.
[9] Jankélévitch, Vladimir. La Mort. Paris : Flammarion, 1966, 31.
[10] La fondation « Le Levant » a été créée en 1971 par Pierre Rey pour offrir un soutien aux toxicomanes, et accueille désormais des PVA (personnes vivant avec le VIH) ayant besoin d'un accompagnement psycho-social. Voir https://www.fondation-du-levant.ch/ consulté le 11 septembre 2002, ainsi que le témoignage de l'aumônier de la Maison du Soleil Levant, Tarabay, Maroun. Le stigmates de la maladie, représentations sociales de l'épidémie du sida. Lausanne : Payot, 2000
[11] Jankélévitch, op. cit. 58.
[12] Ruffié, Jacques. J.C. Sournia. Les épidémies dans l'histoire de l'homme- de la peste au sida. Paris: Flammarion, (1984) 2001. Voir aussi, Théry, Irène. « Le silence, le secret et l'itinéraire de la confidence », Informations sociales 71, 1998, 66-74.
[13] Professeur René Shaerer, « Bienvenue sur le site de la Fédération JALMALV (Jusqu'A La Mort Accompagner La Vie) », https://www.jalmalv.org, consulté le 30 novembre 2002.
[14] Chamber, Ross. "Aids and the Culture of Accompaniment in France. French Cultural Studies 9, 3, 27, October 1998, 399-409, 404/5.
[15] Voir McNamara, Beverley.. Fragile lives: Death, dying and care. Crows Nest: Allen & Unwin, 2001, en particulier Chapitre 4 "Constructions of a good death", 41-53.
[16] Ariès, Philippe. L'homme devant la mort. Paris : Seuil, 1977, 18.
[17] Hennezel, Marie de. Jean-Jacques LeLoup. L'art de mourir. Paris : Laffont, 1997.
[18] Beaugé, Florence. "Vers une religiosité sans Dieu". Le Monde diplomatique. Septembre 1997, 26.
[19] Picard, Michel. La Littérature et la mort. Paris : PUF, 1995, 20/1.
[20] Beaugé, ibid.
[21] A ce sujet, voir la synthèse de Long, J. Bruce. "The Death that ends Death in Hinduism and Buddhism", in Kübler-Ross, Elizabeth. Death the final stage of Growth. Englewood Cliffs: Prentice-Hall Inc. 1975, 52-72.
[22] Beaugé, ibid.
[23] Gaudin, Agnès. Patrice et Séphane Gaudin. Le Prix du sang. Paris: Le grand livre du mois, 1993 ; Gaudin, Agnès. Patrice Gaudin. Par amour et par devoir. (avec la collab. de Louis Marcel Quinod), Paris: France loisirs, 1999 ; Dubois, Claude. Histoire d'une contamination, Leur sang et mes larmes. Paris: Le cherche midi, 1999.
[24] Picard, op. cit. ; voir aussi l'analyse qu'en fait Jean-Marie Brohm à la lumière des écrits thanatologiques de Thomas et Jankélévitch, op. cit.
[25] Jankélévitch, op. cit., 58.
[26] Gordon, Audrey. "Jewish View of Death: Guidelines for Mourning", in Kübler-Ross, op. cit., 44-51.
[27] Paillard, Bernard. L'Epidémie. Carnets d'un sociologue. Paris: Stock, 1994, 102.
[28] Lamien, Eric. « De nouveaux rituels ». Le Journal du sida 6, avril 1994, 24.
[29] « Quand le médecin est parvenu à s'interposer entre l'humanité et la mort, cette dernière a perdu l'immédiateté et l'intimité qu'elle s'était acquise quatre siècles auparavant. » Illich, Ivan. Nemesis médicale. L'expropriation de la santé. Paris: Seuil, 1975 ; Points, 1981, 193.
[30] Une des phases du travail du deuil: déni, colère, marchandage, dépression (ou chagrin) et, finalement, acceptation. Voir Kübler-Ross, Elizabeth. On Death and Dying. New-York : MacMillan,1969. Dans Aids: the Ultimate Challenge (New York: MacMillan, 1987), Elizabeth Kübler-Ross argue que les proches et les malades ne seront pas en mesure d'aller au-delà des trois premières phases du deuil tant que les préjugés à propos du sida transmis sexuellement ne seront pas surmontés.
[31] Black, Helen K., 2001, "Jake's story: A middle-aged, working-class man's physical and spiritual journey toward death", in Qualitative Health Research 11, 3, 293-307 https://proquest.umi.com/ (accessed online, 16 December 2002)
[32] Le kabbaliste Virya considère que la Kabbale est suffisamment ouverte pour alimenter d'autres religions, dont le Taoïsme, et s'alimenter en retour auprès d'elles. Béresniak, Daniel. « Entrevue avec Virya», https://www.france-spiritualites.com/PIVirya3.htm consulté le 1er décembre 2002.
[33] Communication personnelle avec l'auteur, avril 2002.
[34] Delor, François. "La solidarité avec les personnes séropositives. Un paradoxe?", in Sojcher, Jacques. Virginie Devillers (sous la dir.). Face au sida, Revue de l'Université de Bruxelles. Editions de l'Université de Bruxelles : 1995, 53-73, 63.
[35] Titre de l'article de Souyris, Anne. "Une obligation à penser l'impensable", Le journal du sida 61, 1994, 22.
[36] Voir Renaut, Alain. L'Ere de l'individu. Paris : Gallimard, 1989 ; Gilles Lipovetsky dans L'Ere du vide. Essais sur l'individualisme contemporain. Paris: Gallimard, 1989; Van de Meulebroeke. Les individualismes. Editions de l'Université de Bruxelles, 1996.
[37] Ce en quoi elles rejoignent une majorité de jeunes Français, Beaugé, op. cit.
[38] Hennezel, 1997, op. cit.
Hélène Jaccomard is Senior Lecturer in French Studies, University of Western Australia. Her research covers literary life stories and autobiographies in France, Beur writings and AIDS testimonies. She is currently writing a book on AIDS testimonies by French women. Some of her articles include: en collaboration avec Jean-Marie Volet et Phillip Winn, "La littérature du sida : genèse d'un corpus", The French Review, 75, 3, February 2002, 528-541 "Ecrire le sida en Afrique francophone", La Revue Française, 12, December 2001, 111-123 "Les écrits du sida: heurs et malheurs d'un corpus", Essays in French Literature, 37, November 2000, 88-113. |