Cécile Pacaud
Universisté de Haute-Bretagne, Rennes
Republié avec l'aimable autorisation de la revue Les Cahiers du Cériem [https://www.uhb.fr/sc_humaines/ceriem/cahiers.html] |
Un homme doit avoir une nationalité comme il doit avoir un
nez et deux oreilles,
qu'un de ces détails vienne à faire
défaut n'est pas inconcevable et arrive
de temps en temps, mais
cela paraît la conséquence d'une
catastrophe et constitue
une catastrophe en soi.
Ernest Gellner
A une époque où les nationalismes tendent à s'exacerber, où les revendications d'autonomie de groupes ethniques se multiplient, où l'attachement passionné aux traditions nationales, aux caractères distinctifs de la nation redevient le substrat de certains partis politiques recueillant bon nombre de suffrages, l'idée de nation apparaît comme universelle et normative et l'appartenance nationale naturelle et prééminente sur toute autre. Pourtant la nation et la nationalité ne constituent nullement des attributs naturels de l'humanité. Ni l'une ni l'autre n'ont existé ou n'existent en tout temps et toute circonstance.
Si la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948 proclame le droit à la nationalité comme un des droits fondamentaux de l'homme, certaines personnes peuvent en être privées : elles sont apatrides. L'idée selon laquelle un être humain a forcément une nationalité comme il a "un nez et deux oreilles" est donc mise à l'épreuve de la réalité par ceux qui précisément sont privés de tout lien juridique de rattachement à un territoire national.
Être national de tel ou tel pays fonctionne comme une évidence que nous avons choisi de déconstruire en nous demandant "comment peut-on être a-national ?" Les "dérèglements" ou "dysfonctionnements" constituent des moments privilégiés de discernement et d'observation d'une réalité cachée.
L'apatridie est le résultat d'une construction sociale dont la genèse se situe dans le processus de construction sociale des États-nations eux-mêmes. La fin du XVIIIe siècle marque un tournant décisif dans l'histoire des sociétés européennes. Les deux Révolutions, politique et industrielle, dont elles sont le théâtre constituent une période fondatrice des États-nations, elles sanctionnent l'émergence d'un nouveau type d'appartenance, l'appartenance nationale. La fin du XVIIIe siècle marque également l'émergence d'un État souverain qui, au fil du XIXe siècle, s'arroge une omnipotence administrative et judiciaire et acquiert une compétence absolue dans les affaires de la cité.
Tandis que l'État-nation s'impose comme le modèle d'organisation sociale et s'universalise, tandis qu'il travaille à l'intégration de ses nationaux en réglementant toujours plus la vie sociale et économique de ses ressortissants à partir du critère de la nationalité, l'apatridie apparaît largement comme une anomalie.
L'homme dépourvu de nationalité devient, à l'image de Pierre Schlemihl, le héros d'Adelbert de Chamisso (1781-1838), "un homme sans ombre" qui défie les catégories socialement établies.
C'est donc dans un ensemble de déterminations créatrices d'un nouvel ordre social et politique qu'il convient en premier lieu de rechercher comment le national est devenu une catégorie fondamentale de la vie sociale et l'identité nationale une dimension essentielle de l'identité sociale.
C'est également à travers elles que l'on peut rendre compte de l'émergence d'une nouvelle catégorie juridique et sociale permettant de régler le sort de ceux qui apparaissent comme des "infirmes du national" et mettent en danger le type de rationalité qui préside à l'organisation sociale des sociétés modernes.
Si l'ordre social nouvellement défini est, par un processus de légitimation, un ordre imposé, il est aussi un ordre vécu par les acteurs sociaux a-nationaux qui s'y inscrivent et l'ont intériorisé. Quand avoir une nationalité est devenu une nécessité sociale, comment peut-on être apatride? Quelles sont les incidences de l'absence de ce référent identitaire que constitue l'appartenance légalement établie et reconnue à un État-nation dans le processus de construction de l'identité sociale et personnelle de l'acteur social a-national.
L'APATRIDIE OU L'ABSENCE DE FATALITE NATIONALE |
Comment peut-on être national ? |
La nationalité, au sens juridique du terme, opère un lien de rattachement permanent entre un État et une personne physique. D'une manière générale, les États retiennent deux critères fondamentaux qui peuvent être utilisés séparément ou se combiner : les liens du sang ou l'origine qui fondent le jus sanguinis (droit du sang) et le lieu de naissance, base essentielle sur laquelle repose le jus soli (droit du sol). Que l'on naisse dans un pays dont le droit de la nationalité est régi par le jus soli, le jus sanguinis ou la combinaison des deux, l'acquisition de telle ou telle nationalité est toujours le fruit du hasard : on ne choisit pas ses parents, on ne choisit pas non plus son lieu de naissance. L'appartenance à telle ou telle collectivité nationale est donc involontaire. Quand bien même elle peut apparaître naturelle, elle n'est que le résultat d'opérations juridiques, de l'application de dispositions législatives adoptées par un État donné à un moment donné.
Le droit de la nationalité en vigueur dans les différents pays est fortement dépendant de la conception de la nation elle-même et des modalités de construction nationale qui, exigeant la création de barrières, physiques certes, mais aussi institutionnelles, politiques et culturelles pour se différencier des autres collectivités nationales, revêtent elles aussi un caractère purement arbitraire.
Cette dernière considération nous invite à évoquer en dernière instance le caractère exclusif que revêt l'institution juridique qu'est la nationalité.
Être reconnu national de tel ou tel pays n'a de sens que dans un rapport d'opposition aux autres collectivités nationales. Le national ici est étranger là-bas. Ainsi, la nationalité n'est en aucun cas une essence transmissible de génération en génération, n'en déplaise aux fervents défenseurs du jus sanguinis; elle s'hérite mais n'est pas héréditaire.
Objectivée dans sa définition juridique, la nationalité comporte en elle la velléité de chaque État de reconnaître telle ou telle personne comme son ressortissant par application du droit du sang et/ou du droit du sol. Droit arbitraire, le droit à la nationalité évolue en fonction du contexte socio-politique au sein duquel il prend corps. La révision, la restriction du droit à la nationalité, lorsqu'elle aboutit à la perte du lien de rattachement légal au territoire d'origine, révèle elle aussi que la nationalité ne s'acquiert ni naturellement ni définitivement. La situation des personnes dites apatrides révèle l'absence de fatalité nationale.
Comment peut-on être apatride ? |
L'article premier de la "Convention de New-York du 28 septembre 1954 relative au statut de l'apatride" qualifie d'apatride "la personne qu'aucun État ne reconnaît comme son ressortissant par application de sa propre législation". La réalité donne à observer différentes formes d'apatridie.
1. L'apatridie dite de naissance
Dénommée également "apatridie originelle" ou "institutionnelle", la situation apatride émane ici de l'absence d'acquisition de nationalité à la naissance. Ce type de situation apparaît presque exclusivement dans les pays où la nationalité repose uniquement sur le jus sanguinis comme c'est le cas en Allemagne ou en Pologne. Dans ces terres d'élection du droit du sang, l'attribution de la nationalité est fondée sur la descendance. L'application du jus sanguinis tend alors à rendre l'apatridie "héréditaire".
Les parents de Mme I. étaient Juifs polonais. Ils sont arrivés en France au début des années 1930. Lorsqu'en septembre 1939 la guerre est déclarée, le père de Mme I. s'est engagé dans l'armée française comme volontaire puis a été démobilisé en 1940. "Je pense que c'est après l'invasion de la Pologne par l'Allemagne que les Juifs polonais ont été déchus de leur nationalité... Donc ni Polonais, ni Français... la seule qu'ils avaient c'était Juif, et qui n'était surtout pas considérée comme une nationalité" explique-t-elle.
Enceinte de Mme I., sa mère a dû accoucher dans la clandestinité et sous X afin de protéger sa fille d'un patronyme qui sans doute lui aurait porté préjudice. Liliane-Michèle X est née en mars 1944. Juifs polonais déchus de leur nationalité, M. et Mme I. ne pouvaient plus transmettre leur nationalité d'origine à leurs enfants. Mme I. est donc née apatride ; situation qu'elle a découverte alors qu'elle avait quatorze ans.
2. L'apatridie résultat d'un conflit de droit
Certaines législations dénationalisent automatiquement la femme qui épouse un étranger et ceci indépendamment du fait que le mariage lui confère ou non une nouvelle nationalité. Cette disposition était prévue par la loi allemande du 22 juillet 1913. En France, le Code Napoléon disposait qu'en cas de mariage d'une femme française avec un étranger, celle-ci perdait la nationalité française. Elle devenait donc apatride si l'État dont le mari était ressortissant n'avait pas prévu de lui conférer de plein droit la nationalité de son époux. Certains États ne confèrent pas leur nationalité aux étrangères qui épousent des nationaux, c'est le cas du Maroc par exemple. Et, quand bien même cela est possible comme en France aujourd'hui, pour le conjoint ou la conjointe, il faut en faire la demande expresse.
La dissolution du mariage accroît, quant à elle, le risque d'apatridie dans la mesure où certains pays dénationalisent la femme d'origine étrangère dont le mariage est dissous. Cette dénationalisation n'est que rarement subordonnée à la réintégration de la nationalité de départ.
La situation d'apatridie dans laquelle se trouve Nadia est le résultat d'un conflit d'une autre nature. Elle est née en France de parents vietnamiens. Ces derniers sont arrivés en France en 1946. "Mes parents ne sont pas arrivés comme réfugiés, du moins je ne le pense pas, je crois qu'ils étaient étudiants et après, seulement, ils ont demandé à rester en France". Elle ne pouvait devenir française qu'à sa majorité alors fixée à 21 ans. Elle n'était pas non plus Vietnamienne et offre deux hypothèses explicatives à cet état de fait. "Mes parents étaient Vietnamiens mais nous, les enfants, on n'était reconnu par personne, même pas la France où on est né puisque nous ne pouvions devenir français qu'à notre majorité. Je pense que nos parents ne pouvaient pas nous transmettre leur nationalité parce qu'on n'était pas né sur le territoire vietnamien. J'étais née ailleurs pour le Vietnam et je ne pouvais pas acquérir automatiquement la nationalité vietnamienne. En plus je pense que mes parents ne voulaient pas nous donner cette nationalité de peur qu'un jour on soit appelés sous les drapeaux, parce qu'il ne faut pas oublier que lorsque je suis née, le Vietnam était en guerre".
La législation en vigueur lorsque Nadia est née était-elle prioritairement liée au droit du sol ? Craignant que l'attribution de telle nationalité ne porte préjudice à leurs enfants, M. et Mme N. ont-ils délibérément refusé de porter à la connaissance des autorités vietnamiennes la naissance de leurs enfants ? Ou ont-ils "omis" simplement d'entreprendre quelque démarche que ce soit ? Toujours est-il que Nadia à découvert son apatridie lorsque, mineure, elle devait effectuer des voyages à l'étranger avec la troupe théâtrale à laquelle elle appartenait alors. Lorsqu'elle a souhaité voyager, "un titre d'identité et de voyage" lui a été attribué sur lequel figurait la mention "apatride d'origine vietnamienne".
3. L'apatridie liée à une initiative volontaire ou "par négligence"
Certaines législations, telles celles figurant dans le Nationality Act de 1940 aux États-Unis, permettent à leurs nationaux de renoncer purement et simplement à leur nationalité sans égard aux risques d'apatridie. Dans certains droits internes, il suffit qu'un national réside continuellement à l'étranger pour que sa nationalité lui soit retirée d'office. Il arrive également que des législations prévoient de délivrer à leurs nationaux, à leur demande, un permis d'expatriation.
C'est la situation dans laquelle se sont trouvés précisément Mérita et Victor B. Le père de ces deux jeunes était originaire du Kosovo, enclave yougoslave où demeure, comme on sait, une importante communauté d'origine albanaise. Lorsque les parents de M. B. sont décédés, il a été pris en charge par un oncle venu s'établir avec l'adolescent en Albanie ; M. B. avait alors 16 ans. Il s'est marié en Albanie et a acquis la nationalité albanaise qu'il a transmise à ses enfants. Lorsqu'en 1991 le régime communiste s'est effondré en Albanie, M. et Mme B. ont souhaité quitter le pays afin de regagner le Kosovo. Une demande d'expatriation a donc été formulée par la famille B. Mérita est en possession d'une copie d'une page du journal officiel stipulant que tous les membres de la famille B. ne sont plus ressortissants Albanais. Le passeport délivré par les autorités albanaises est sans équivoque, il porte la mention suivante : "aller simple pour le Kosovo".
Les événements politiques qui se déroulaient alors en ex-Yougoslavie ont conduit Mérita à quitter le village du Kosovo où s'était établie sa famille. Arrivée en France, elle a formulé une demande d'asile politique qui a été rejetée par l'OFPRA, puis par la Commission des Recours. Les travailleurs sociaux du foyer qui l'accueillait et l'avocat qui l'accompagnait dans ses démarches ont découvert qu'elle n'était reconnue ressortissante d'aucun État.
Victor, quant à lui, était arrivé en France quelques années auparavant. Son exil est lié aux événements politiques qui se sont déroulés en Albanie, entraînant la chute du régime communiste au pouvoir alors. Victor, à son arrivée en France, a sollicité un statut de réfugié politique qui lui a été accordé. Ce n'est que plus tard, à l'occasion des démarches engagées par sa soeur Mérita, qu'il a découvert que lui non plus n'était plus Albanais, la demande d'expatriation de la famille s'étant soldée par une perte de nationalité pour tous ses membres sans qu'une autre nationalité ait pu être acquise par ailleurs. Réfugié politique de statut, Victor est désormais "réfugié-apatride".
La situation d'apatridie dans laquelle s'est trouvé M. S., Juif d'origine irakienne, est également consécutive à une expatriation. La présence de communautés juives au Moyen-Orient est très ancienne et l'hostilité des autorités gouvernementales à leur égard également. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, l'empire Ottoman est disloqué. L'Irak et la Palestine sont placés sous la tutelle politico-administrative de la Grande-Bretagne.
Ce nouveau partage du monde tend à créer un fort sentiment d'hostilité des États arabes à l'égard des Juifs, hostilité qui atteint son apogée dans les années 1930. Il se concrétise par l'alliance d'une majorité des pays arabes avec l'Allemagne nazie. Ce climat de tension est renforcé par le soutien offert par les Britanniques au mouvement sioniste.
Lorsqu'en 1948 est créé l'État d'Israël, le choix est donné aux ressortissants juifs irakiens de s'y rendre. "Une grande majorité d'entre eux choisiront de partir, ils se sont inscrits, ont donné leur carte de nationalité irakienne qu'ils abandonnaient et ont pris l'avion Bagdad-Tel Aviv ; il y en avait tous les jours" raconte M. S. "Il s'agissait là d'une option et non d'une obligation, sauf que régnait un climat de terreur extrême et que bon nombre des Juifs irakiens étaient persécutés. Mon père n'a pas choisi cette option parce qu'il ne savait pas trop bien ce qu'il pourrait faire en Israël. Il est allé en Angleterre parce qu'il avait beaucoup de liens avec l'Angleterre et pouvait faire des choses intéressantes là-bas. Mais les autorités britanniques donnaient les visas au compte goutte, donc, il a opté pour la France". Alors qu'il avait vingt ans, M. S. obtient un visa pour la France d'une durée de 6 mois. Passé ce délai, il perdait la nationalité irakienne. "C'était inscrit textuellement sur le passeport", précise-t-il. M. S. s'inscrit alors à l'Université en physique et en chimie à Paris et, devenu "apatride", se voit délivrer "un titre d'identité et de transport" portant cette mention.
Certaines personnes perdent leur nationalité sans l'avoir expressément voulu, faute d'avoir accompli les formalités nécessaires pour acquérir ou conserver une nationalité ou, pour ne pas s'être soumises à certaines conditions réglementaires (absence d'immatriculation auprès d'une autorité consulaire ou absence de résidence établie dans le pays).
Joseph est né dans un petit village situé dans la partie anglophone du Cameroun. Sa mère est originaire du Liberia et serait venue s'établir au Cameroun alors qu'elle était jeune fille. Elle n'a depuis vécu que dans ce pays et sans doute ne s'est elle jamais fait connaître des autorités camerounaises. Lorsque Joseph est né, aucune démarche de déclaration de naissance ou autre n'a été engagée.
"Tout ce que je sais, c'est que je ne suis pas né à l'hôpital mais dans la maison où on habitait... C'était très loin de la ville. Dans le village on ne s'occupait pas de déclarer une naissance ou même un décès. Vous, ici, vous êtes déclaré quand vous naissez... Pour moi il n'y a rien... On a fait des recherches par l'ambassade du Cameroun, mais ils ont répondu qu'ils ne me connaissaient pas".
4. L'apatridie résultat d'une mesure de déchéance de nationalité
Certains États privent contre leur gré des sujets de leur qualité "nationale". Constitutif d'une situation objective dont la volonté de l'État n'est jamais absente, le lien de nationalité ne peut être rompu que s'il le décide. Le retrait de nationalité peut entériner une situation de fait ; il est des exemples dans la législation française où "un national qui a acquis une autre allégeance et manifesté plus ouvertement son attachement à un État étranger"verra sa nationalité française lui être retirée.
Les mesures de déchéance de nationalité apparaissent fréquemment comme une sanction individuelle ou collective.
La déchéance de nationalité est prévue par bon nombre de législations internes pour sanctionner un manque de "loyalisme". Citons, à titre d'exemple, l'engagement dans une armée étrangère, l'emploi dans un service public étranger, la désertion, la trahison, ou encore des condamnations pénales graves. Le retrait de nationalité pour ces motifs concerne surtout les naturalisés ; on parlera alors de dénaturalisation et non plus de dénationalisation.
La législation française dispose dans les articles 97 et 98 du Code de la nationalité qu'une mesure de déchéance frappera le national né étranger qui dans un délai de dix ans suivant l'acquisition de la nationalité française, fera l'objet de condamnations pénales graves. Ainsi la nationalité serait-elle garante de la valeur morale du ressortissant qui en est pourvu ; elle est la marque de sa loyauté à l'égard de son pays et renferme en elle-même l'éthique du "bon national".
Rappelons qu'en France, pour acquérir la nationalité française certaines conditions dites objectives doivent être satisfaites par le candidat, telle la résidence habituelle en France depuis au moins cinq ans, mais il en est d'autres nettement moins objectives et dont le pouvoir d'appréciation est laissé à l'arbitraire de l'administration française à savoir : "être de bonne vie et de bonnes moeurs", "faire preuve d'une assimilation suffisante à la communauté française". Pour être reconnu national de tel ou tel État, il faut le "mériter" et faire ses preuves. Celui qui se soustrait à ses obligations de "bon national" peut être lourdement sanctionné, c'est à dire "excommunié".
La nationalité peut être considérée par certains États prônant l'adage "une nation, une culture", comme le seul lien probant de l'appartenance à "la nation ethno-culturelle". Le lien de nationalité est censé, dans cette conception, témoigner de l'appartenance non pas tant à l'État qu'à une culture, une religion, un peuple considéré dans sa dimension ethnique et culturelle uniquement. Ainsi tous les individus ne satisfaisant pas au modèle ethno-culturel édifié par ces États peuvent être frappés par des mesures de déchéance de nationalité.
Nous disposons d'exemples historiques et contemporains d'États qui, s'inscrivant dans une logique de purification nationale, ont ainsi promulgué des lois spéciales frappant collectivement des groupes ethniques décrétés politiquement suspects et inassimilables parce que dérogeant au modèle ethno-national prôné. Dans ce cas, le retrait de nationalité sanctionne juridiquement l'exclusion d'une collectivité à la fois nationale, religieuse, ethnique.
Il n'est alors que l'expression d'une politique de violence et d'exclusion à l'égard d'une fraction plus ou moins large des habitants du territoire national.
Un des exemples les plus anciens de cette déchéance collective de nationalité est celui de l'ex-Russie. À la suite de la Révolution bolchevique, les réfugiés russes ayant quitté leur pays ont été massivement dénationalisés par l'URSS. La politique raciale de l'Allemagne nazie est également exemplaire de l'ostracisme pratiqué à l'égard des ressortissants juifs allemands et autres groupes "d'indésirables" tels les Tziganes.
Ainsi, en Allemagne, la loi du 14 juillet 1933 interprétée par l'ordonnance du 26 juillet 1933 prévoit la déchéance de la nationalité allemande et la révocation de la naturalisation de tous les Juifs allemands. Cette loi est par la suite appliquée aux Juifs polonais, autrichiens et hongrois. Rappelons que le régime de Vichy a aussi pratiqué la déchéance de nationalité rétroactivement, en revenant sur la naturalisation de bon nombre de réfugiés ayant, à la faveur d'une simplification de la procédure de naturalisation en 1927, obtenu la nationalité française.
Mmes V. et J., Ms F. et Fi. sont a priori tous les quatre devenus apatrides consécutivement à la promulgation des lois nazies de déchéance de la nationalité polonaise qu'avaient leurs parents.
Mme J. est née en Pologne, à Varsovie. Ses parents sont arrivés en France alors qu'elle avait neuf mois. "À cette époque, c'était la grande crise économique et ils ont quitté le pays à cause des pogroms j'imagine... C'était la fuite du pays pour aller dans le pays des Droits de l'Homme. Avant la guerre, explique-t-elle, j'étais polonaise par mes parents et parce que j'étais née là-bas".Le père de Mme J. est décédé d'un accident du travail. Sa mère et sa soeur ont été déportées à Auschwitz d'où elles ne sont pas revenues. Mme J. était alors mineure. Ses parents morts, elle dit ne pas avoir pu, ni même d'ailleurs voulu réintégrer la nationalité que théoriquement ses parents lui avaient transmise, le droit de la nationalité en Pologne étant fondé sur le jus sanguinis. "Donc moi je suis devenue apatride après la guerre quand il a fallu faire des papiers d'identité... Je n'étais rien... Je n'étais pas française, je n'étais pas polonaise non plus... parce qu'il n'était surtout pas question pour moi d'être polonaise après tout ce qui s'était passé".
Mme J. dit ne pas penser que ses parents aient été déchus de la nationalité polonaise, néanmoins cela reste pour nous la seule hypothèse permettant d'expliquer qu'elle n'ait jamais été reconnue polonaise par application de la législation en vigueur fondée sur le droit du sang. Il reste vrai que, mineure et n'ayant jamais souhaité se manifester auprès des autorités polonaises, ces dernières pouvaient ne pas la connaître. De la même façon, il apparaît fort probable que les autorités françaises n'aient pas tenté, dans le contexte d'après guerre marqué par l'Holocauste, d'interpeller l'État polonais afin qu'elle réintègre la nationalité de ses parents.
Les circonstances ayant conduit M. F. et M. Fi. à devenir apatrides sont sensiblement les mêmes. Jamais ils n'ont réintégré la nationalité dont vraisemblablement leurs parents avaient été déchus. Rescapés du camp de Buchenwald, ils sont arrivés en France en juin 1945. Ils étaient âgés respectivement de seize et treize ans.
À la libération des camps de concentration, des pourparlers se sont s'engagés entre les dirigeants des différents gouvernements occidentaux qui ont réfléchi à des solutions d'accueil à vocation sanitaire pour les enfants dont les parents avaient péri ; accueil transitoire ou définitif ? La question reste en suspens. Finalement 270 enfants ont été accueillis par la Grande-Bretagne, 250 par la Suisse et 480 d'entre eux ont été reçus par la France.
M. F. et M. Fi. ont été accueillis dans une maison d'enfants de l'�uvre de Secours aux Enfants. "Nous avons été déportés de Pologne en 1941-1942 et nous avons été libérés en 1945... Etant sans parents nous ne pouvions et ne voulions pas retourner en Pologne. C'est le gouvernement français, le gouvernement provisoire du Général De Gaulle, qui nous a fait venir à Paris en juin 1945. Quand nous sommes arrivés notre intention n'était pas forcément de rester, de s'y installer",explique M. Fi. Mineurs et orphelins, un tuteur est nommé pour représenter chacun d'entre eux. On ne peut manquer de souligner ce paradoxe : Mme J., Ms F. et Fi. étaient tous trois pupilles de la nation et apatrides !
Ms F. et Fi. ont découvert leur d'apatridie à l'occasion de déplacements à l'étranger quand il s'est agi de "faire des papiers". À aucun moment ils n'ont, eux non plus, sollicité la nationalité de leurs parents.
La déchéance de nationalité, reflet d'un ostracisme forcené, expression directe de la volonté des États de purifier la nation conçue sur un mode uniquement ethno-culturel en superposant nationalité et ethnicité, appartient-elle au passé ? Assurément non, comme en témoigne la situation de trois ressortissants bhoutanais rencontrés.
Le Bhoutan est dirigé par le Roi Sigme Wanychuk. À l'intérieur du Royaume bhoutanais coexistent deux groupes ethniques : les Durpkas, dénomination regroupant deux groupes résidant principalement dans le Nord du territoire et sensiblement proches par leur religion, leur langue, leur culture - les Négalongs et les Sarchops - et les Bhoutanais d'origine népalaise établis dans le Sud du pays. Les Durpkas sont majoritairement bouddhistes tibétains et parlent le dzongha, érigé en langue officielle du Bhoutan. Les Bhoutanais d'origine népalaise parlent quant à eux le népali et pratiquent l'hindouisme.
Les Durpkas sont les représentants de la classe politique dominante tout en étant minoritaires en nombre puisqu'à la faveur de trois vagues d'immigration successives, à la fin du XIXe siècle, après la Seconde Guerre mondiale et enfin au début des années 1960, de nombreux Népalais sont venus s'installer au Bhoutan. Ils représentent actuellement 53% de la population bhoutanaise.
Se sentant de plus en plus menacées par la présence croissante de Bhoutanais d'origine népalaise sur le territoire à dominante Durpka, les autorités du pays vont considérer que la population de langue et de culture népali est généralement et massivement arrivée sur le sol bhoutanais après le premier plan quinquennal de 1961. Ce remaniement de l'histoire de la présence du peuple d'origine népalaise au Bhoutan constitue le point de départ du remaniement de l'arsenal législatif qui réglemente le droit d'accès à la nationalité bhoutanaise. La politique durpka de purification ethnique se met alors en marche...
Des modifications successives de la loi sur la nationalité interviennent avec pour particularité d'être rétroactives et aboutissent par là même, à la dénationalisation de bon nombre de ressortissants bhoutanais d'origine népalaise.
La loi de 1958 donnait la nationalité bhoutanaise, par simple décision royale, aux propriétaires terriens ayant dix ans de résidence sur le territoire bhoutanais ainsi qu'aux femmes de Bhoutanais.
En 1977, est promulguée une nouvelle loi portant de dix à vingt ans la durée de résidence. Elle introduit par ailleurs un élément fondamental quant à la velléité des autorités bhoutanaises de se constituer en nation ethno-culturelle, une et indivisible puisqu'elle impose la connaissance de la langue dzongha à tous les ressortissants du Bhoutan. En 1980 sont adoptés d'autres textes prévoyant la déchéance de droits divers tels celui d'emprunter, d'être soigné, d'acquérir des terres et exigeant le remboursement des frais d'éducation pour les Bouthanais d'origine népalaise qui épouseraient un étranger. Puis la loi de nationalité de 1985 cristallise l'affirmation du droit du sang en imposant l'existence de deux parents bhoutanais pour pouvoir acquérir la nationalité bhoutanaise. Elle exige également la présence sur le sol du pays avant 1958. En 1988, est promulguée la loi "une nation, un peuple" qui complète ces textes.
La politique de "bhoutanisation" menée par les autorités durpkas va bien au-delà de la restriction, voire la révision du droit de l'accès à la nationalité puisqu'elle organise la destruction de tous les marqueurs d'ethnicité des Bhoutanais d'origine népalaise : obligation est faite à la population du Sud-Bhoutan de porter le vêtement traditionnel bhoutanais ; l'enseignement du népali est interdit dans les écoles, il est désormais obligatoire de savoir lire, écrire et parler le dzongha. Interdiction est également faite aux Bhoutanais d'origine népalaise d'accéder aux services publics, de pratiquer la religion hindoue. Enfin, le code de valeurs bouddhistes est imposé à toute la population. Des peines d'amendes et d'emprisonnement sont légalement prévues pour ceux qui ne respectent pas ces dispositions. 1988 est également l'année du recensement de la population habitant la partie Sud du Bhoutan. L'illettrisme manifeste de nombreux ressortissants bhoutanais et l'absence de documents juridiques, valables au regard de la loi � ceux en possession des Bhoutanais étant antérieurs à la loi de 1988 � sont repérés précisément à l'occasion de ce recensement. Nombre de Bhoutanais sont alors déboutés de leur droit à la nationalité. Les Bhoutanais d'origine népalaise restés sur le territoire subissent des persécutions. Leurs maisons sont détruites, leurs cartes d'identité confisquées et un programme de défrichement et d'expropriation des terres de la frontière Sud, le programme "ceinture verte", est mis en oeuvre.
Ladmal est âgé de 27 ans, il est arrivé en France en 1994. Militant actif du Bhoutan Popular Party, il a été contraint de quitter son pays après deux arrestations successives et avoir subi des tortures pour s'être opposé à la discrimination pratiquée par les autorités bhoutanaises. Ladmal et sa famille ont été déchus de leur nationalité par la loi de 1985 qui, outre l'exigence de savoir lire, écrire et parler le dzongha, impose la présence sur le sol avant 1958 ; ce qui pourtant est le cas de la famille du jeune homme. Ladmal situe la présence de celle-ci sur le sol bhoutanais bien avant 1958 : "Mon grand- père, le père de mon père, était propriétaire de terres au Bhoutan. Lorsqu'il est décédé, c'est le fils aîné, le frère de mon père, qui a récupéré les terres. Il a donc payé toutes les taxes avant 1958 mais aussi après. Mon père, lui, n'a récupéré des terres qu'après, quand il s'est marié, cela devait être dans les années 1960".
Le père de Ladmal ne pouvait donc prouver sa résidence antérieure sur le territoire bhoutanais du seul fait qu'il n'est devenu propriétaire terrien qu'après 1958. Toute la famille a ainsi, par simple application de la loi de 1985, été déchue de la nationalité bhoutanaise.
Rikmu est âgé de 21 ans, il est fils unique. Ses parents étaient agriculteurs et cultivaient des terres dans le Sud Bhoutan. Le jeune ainsi que sa famille étaient des militants actifs du B.P.P. En septembre 1994, deux policiers sont brutalement arrivés au domicile familial et ont arrêté père et mère. Puis, ils ont menacé l'adolescent et après interrogatoire l'ont sommé de signer et d'apposer ses empreintes digitales sur un document stipulant qu'il renonçait à la nationalité bhoutanaise.
Les différentes situations ci-dessus relatées révèlent que la nationalité ne peut être définie purement et simplement comme le lien juridique de rattachement d'un individu à un État. Si elle permet d'établir le "lien légal" qui fixe l'appartenance à un État dont on est ressortissant, elle apparaît également dans certains d'entre eux comme la "vitrine légale" qui officialise l'appartenance à une communauté culturelle, à une nation "unifiée" voire purifiée dans sa langue, sa religion, ses us et coutumes.
La privation du droit à la nationalité n'est jamais neutre. Elle est privation de l'ensemble des droits assortis à la qualité de national : droit d'accès à l'éducation, à la culture, aux soins, aux services publics, à certains emplois ; droit d'emprunter, d'acquérir des terres ; droit à la citoyenneté, autrement dit, elle est privation du droit de vivre dans le pays. Les mesures de déchéance de nationalité n'apparaissent dès lors que comme un instrument légal permettant de justifier et rendre légal des pratiques discriminatoires.
DE LA CONSTRUCTION DES IDENTITES NATIONALES A LA CONSTRUCTION SOCIALE DE LA CATEGORIE JURIDIQUE : APATRIDE |
Du processus de nationalisation des sociétés européennes |
À la fin du XVIIIe siècle, les sociétés européennes connaissent de profonds bouleversements de leur organisation politique et sociale. Le processus de centralisation étatique qui s'est amorcé au XVIe siècle favorise la disparition d'un monde reposant sur des relations sociales directes qui se développaient dans le cadre de collectivités locales cimentées par la tradition et l'interconnaissance, et sanctionne l'émergence de sociétés nationales correspondant à des territoires plus vastes, placées sous le pouvoir centralisé de l'État-nation - élaboration et caractéristique de la division social du travail - regroupant des individus liés les uns aux autres par les "fils invisibles" que sont la monnaie et le droit.
En France, la fin de la monarchie constitue une rupture radicale des relations entre gouvernants et gouvernés et s'accompagne nécessairement d'une reformulation des rapports sociaux. Avec la Révolution, c'est le principe de la nation souveraine qui s'impose et l'idée de souveraineté populaire qui triomphe. La couche dirigeante révolutionnaire, constituée pour l'essentiel de la bourgeoisie, ayant conscience qu'elle formait un groupe trop restreint, acquiert sa légitimité en se désignant comme fraction active du peuple tout entier. En s'érigeant comme nouvelle classe dominante, la bourgeoisie se dote d'un État nouveau, l'État national, dans lequel chacun est appelé à se reconnaître.
Dans son ouvrage Nations et nationalismes, Ernest Gellner montre le rôle joué par la Révolution industrielle dans l'émergence de l'État-nation. L'auteur considère l'industrialisation comme le facteur déterminant du modelage des identités politiques. Elle accompagne une logique économique qui n'est autre que l'accroissement permanent des gains de productivité. La société industrielle engendre alors un nouveau mode de division du travail reposant sur la spécialisation accrue, une grande mobilité professionnelle et une communication importante entre ses membres.
L'industrialisation et ses nécessités imposent dès lors l'homogénéisation d'un peuple jusqu'alors fractionné et largement analphabète. Le processus d'homogénéisation culturelle qui accompagne l'industrialisation des sociétés européennes est constitutif de l'émergence d'une culture dite nationale, culture dont l'État a le monopole, qu'il diffuse à l'échelle de la population tout entière et travaille à perpétuer. Ainsi l'émergence de l'État-nation comme modèle d'organisation des sociétés s'accompagne de celle de cultures qualifiées de nationales. L'État est une réalité politique. La nation renvoie quant à elle davantage à une communauté identitaire repérable à travers une communauté d'attitudes. Elle est communauté culturelle caractérisée par des valeurs, des moeurs, des rites, des normes et croyances partagées.
Le processus de nationalisation des sociétés européennes s'est progressivement universalisé. Il aboutit à la définition d'un groupe social composé de personnes ayant des intérêts communs et partageant le sentiment d'appartenir à une même communauté culturelle : les nationaux. Il tend à constituer l'appartenance nationale comme prééminente sur toute autre.
Au fur et à mesure que l'État commence à s'ingérer dans la vie économique et sociale de ses nationaux, s'opère le processus d'intégration nationale. La construction d'un intérêt national aboutit à la nationalisation en profondeur de la société française et favorise l'émergence d'un fort sentiment d'appartenance nationale. Plus que cela, il s'accompagne d'un processus de différenciation et de hiérarchisation accrue entre le national et l'étranger. Désormais la jouissance d'un ensemble de droits est subordonnée à la nationalité, devenue critère fondamental mis en oeuvre dans de nombreux domaines de la vie sociale et économique.
La rapide industrialisation que connaît la France dès le second Empire, la révolution des transports, l'urbanisation sont des mutations associées à la construction de l'État national. Elles multiplient les déplacements et par là-même le nombre des personnes échappant au contrôle de la société locale.
Par ailleurs, dès la fin du XIXe siècle, la volonté de protection du marché national du travail devenue primordiale, on assiste à la mise en place d'une nouvelle logique d'identification : l'identification nationale. Celle-ci est fixée par l'écriture et crée une "identité de papier" mémorisée et centralisée par l'appareil d'État disposant dès lors d'un moyen de contrôle des nationaux et des non nationaux appelés à pouvoir et devoir justifier de leur qualité de national de tel ou tel territoire. Le processus de "fermeture nationale", comme le qualifie Gérard Noiriel , se parachève en 1914 lorsque le passeport devient obligatoire. Le processus de nationalisation des sociétés européennes qui se traduit par une irruption toujours plus massive de l'État-nation dans la vie des acteurs sociaux, tend à transformer l'existence quotidienne des hommes. Il a conduit le national à devenir une catégorie fondamentale de la vie sociale. La rupture politique de la fin du XIXe siècle rend impossible toute existence individuelle ou collective qui ne soit fondée sur le principe de nationalité.
L'apatridie, une anomalie |
Le phénomène de l'apatridie et ses conséquences ne sont majoritairement apparus qu'après la Première Guerre mondiale, parce que les mouvements de populations susceptibles de l'occasionner étaient peu nombreux avant cette période, mais surtout parce qu'avant le début du XXe siècle le processus de nationalisation des sociétés européennes n'était pas encore pleinement accompli.
L'apatridie devient une anomalie dans les sociétés qui ont constitué le national comme catégorie fondamentale de la vie sociale. Elle est anomalie tant dans les régimes de droit interne que dans les règles juridiques internationales dans la mesure où l'apatride se situe en marge du droit et déroge à l'ordre juridique socialement défini.
Ressortissant d'aucun État le reconnaissant comme tel, l'apatride est dans l'incapacité de remplir les conditions de réciprocité requises par les lois et les traités. La conséquence majeure de cet état de fait est qu'il ne jouit pas de la protection juridique de ses libertés et de ses intérêts. Cette absence de droits garantis s'accompagne réciproquement d'une absence de devoirs. Dès lors "l'infirme du national" dépourvu de toute allégeance juridique représente, pour le pays qui l'accueille, une charge voire une menace. L'incertitude de sa condition juridique se traduit par la mise en doute presque systématique de son identité.
Par ailleurs le souci de protection du marché du travail et celui de contrôle de la main-d'oeuvre qui lui est assorti, conduisent à une volonté politique affirmée de connaître "l'origine nationale véritable" et les déplacements de la population étrangère. Il en va du maintien de l'ordre public. Dans ce contexte, l'apatride devient un homme sans ombre, mettant en péril le type de rationalité qui préside à l'organisation sociale, et engage les États-nations à classer l'inclassable en créant pour lui une catégorie juridique spécifique : l'apatride de jure.
Si l'élaboration d'un statut pour les apatrides est la prise en considération que l'absence de nationalité "est le résultat d'une catastrophe et constitue une catastrophe en soi", comme l'écrit Ernest Gellner, elle s'inscrit largement dans une logique de contrôle social et de catégorisation par l'origine nationale.
Obtenir le statut d'apatride et la carte de séjour qui lui est assortie devient pour la personne dépourvue de nationalité un enjeu fondamental, puisque seule la possession de ces documents lui permet d'exister tant juridiquement que socialement. L'obtention de ce statut est subordonnée à la mise en oeuvre de règles juridiques définies par la Convention de New-York du 28 septembre 1954 qui, telles qu'elles sont appliquées en droit français, rendent extrêmement difficile la reconnaissance de cette qualité et des droits qui l'accompagnent. Qu'il s'agisse de la procédure de reconnaissance du statut d'apatride ou de celle de régularisation du droit de séjour, l'administration française applique des normes officielles, définies d'un point de vue national et considérées par l'État français qui les édicte comme la référence absolue. Cependant, bien souvent les acteurs a-nationaux ne peuvent les satisfaire parce qu'ils ne sont pas en possession des documents exigés par les autorités françaises. L'administration de leur pays d'origine ne veut pas ou ne peut pas (lorsque par exemple, la personne n'a, à aucun moment, été enregistrée auprès des autorités concernées) leur fournir les pièces officielles qui leur permettent "d'administrer la preuve" de leur apatridie.
Par ailleurs, les circonstances de leur départ du pays d'origine et celles d'arrivée sur le territoire français ne leur ont pas permis de se munir des documents requis dont ils ont pu d'ailleurs être préalablement dépossédés. Leur entrée sur le territoire est alors considérée comme irrégulière par les autorité du pays d'accueil. Ainsi, les exigences d'administration de la preuve de sa qualité d'a-national et de son entrée régulière sur le territoire français posées à l'apatride sont ignorantes de la spécificité de sa condition sociale et juridique ; elles l'engagent bien souvent dans une voie sans issue.
DU PROCESSUS DE CONSTRUCTION SOCIALE DE L'IDENTITE D'APATRIDE |
Le processus de nationalisation des sociétés européennes et la logique d'identification qui l'accompagne ont favorisé l'émergence de l'identité nationale comme pan essentiel de l'identité sociale globale pluridimensionnelle. Lorsque de surcroît, dans les représentations alimentées par le discours nationaliste, ethnicité et nationalité sont amalgamées, le poids de l'identité nationale n'en est que décuplé. L'apatride déroge à l'ensemble normatif défini par le modèle dominant, celui élaboré par les sociétés nationalisées comme le seul légitime. Aussi convient-il de s'interroger sur la façon dont cette "réalité subjective extériorisée" se manifeste à la conscience ou autrement dit dans "la réalité objective intériorisée" des acteurs sociaux a-nationaux.
La logique d'identification nationale qui a accompagné le mouvement de nationalisation des sociétés européennes fait de la nationalité un attribut essentiel de l'identité sociale. Mise en oeuvre au moment de la reconnaissance du statut d'apatride et de la régularisation du droit de séjour, cette logique tend à réduire l'identité réelle du "demandeur" de statut à sa seule identité personnelle et à la seule dimension nationale de son identité sociale globale. Dans ses rapports à l'État d'origine et à l'État d'accueil ainsi que dans ses relations à la bureaucratie française qui traite la demande de statut et de droit de séjour, l'acteur social privé de nationalité n'est plus qu'un a-national, attribut essentiel de son identité sociale qui tend à supplanter tous les autres.
L'apatride, un acteur social désidentifié |
La perte de nationalité n'est pas seulement la perte du lien légal de rattachement à l'État d'origine. Elle est aussi perte de tous les droits rattachés à la qualité de national. Être a-national entraîne dans son sillage la perte de toute forme de reconnaissance pour ne pas dire d'existence sociale. Toutes les dimensions participant du processus de la construction identitaire sont affectées.
L'autre, celui à travers lequel l'acteur social peut construire son identité, n'est plus. Tandis que l'État d'origine ne reconnaît plus l'apatride comme son ressortissant, l'exil a occasionné la perte de nombreux repères identitaires dont il disposait dans le pays d'origine. Les appartenances familiales, socio-professionnelles, amicales etc., ne sont plus que virtuelles. "N'être plus rien" est une phrase récurrente chez les apatrides. La perte de nationalité signe leur mort sociale.
L'existence ou plus exactement la réexistence de l'acteur social apatride est subordonnée à l'obtention du statut du même nom et de la carte de séjour donnant droit au travail notamment. Dans l'acte de reconnaissance du statut, l'apatride apparaît comme un acteur social dépossédé par les instances bureaucratiques des attributs de son identité sociale réelle.
En consignant les éléments de l'identité personnelle du demandeur de statut dans des documents administratifs considérés seuls comme officiels, c'est à un travail de reconstruction identitaire auquel se livre l'administration française.
Rapportés ci-après, les propos de Mme J. révèlent comment, dans ce travail de (re)construction identitaire qu'elle entreprend, l'administration peut parfois officialiser le point de vue de l'État national d'origine qui a rejeté la personne en situation d'apatridie.
"Regardez ce document, c'est le passeport pour enfant qu'avait mon mari quand il est sorti d'Allemagne... Les prénoms sont les suivants : Joachim, Horst, Israël... ça c'est un cadeau d'Hitler qui nous poursuit parce qu'avec ce papier, ce prénom figure sur tous les documents d'état civil. Mon mari s'est bagarré toute sa vie en France pour faire enlever ce prénom d'Israël mais il n'y a jamais rien eu à faire".
"L'identité de papier" ainsi recréé supplante l'identité réelle du demandeur, réduite à sa seule représentation symbolique.
Par ailleurs, lorsqu'elles exigent du demandeur de statut d'administrer la preuve de son apatridie, c'est sur la seule qualité de national que se concentrent les autorités administratives compétentes. "Être ou ne pas être national de tel ou tel pays, là est la question".Tous les autres pans de l'identité du demandeur de statut sont relégués à un second plan, voire ne sont nullement pris en considération. Ce procédé crée chez le postulant au statut d'apatride le sentiment de ne pas exister en dehors de la question de son appartenance ou non à quelque État que se soit.
L'APATRIDE : UN DEVIANT SOCIAL ACQUERANT PROGRESSIVEMENT LE SENTIMENT DE SA DIFFERENCE |
Il existe un type de normes s'appliquant à l'être, à l'identité. Dans les sociétés nationalisées, la nationalité est un attribut constitutif et hautement valorisé de l'identité sociale virtuelle. La catégorie apatride appliquée à l'acteur social qui déroge au modèle dominant, conduit la société globale à le considérer comme étant "différent" dans la mesure où il ne satisfait pas aux attentes normatives identitaires en vigueur dans les sociétés nationalisées. Aussi peut-on dire du "national" et de "l'apatride" ce que E. Goffman dit du "normal" et du "stigmatisé". Points de vue des autres sur soi et de soi sur soi-même, ils participent du processus de construction identitaire de l'acteur social a-national.
Les épisodes de contrôle à la frontière tels qu'ils ont pu nous être relatés, apparaissent comme autant de moments décisifs du processus de désignation de leur déviance. L'acteur social dont l'identité est amputé de la qualification nationale donne à voir cet attribut jugé négatif inhérent à son identité catégorielle. Il devient donc vulnérable à la présence d'autrui qui accède à un ensemble d'informations fixées par l'écriture.
M. Fi. témoigne : "Quand vous êtes apatride on vous regarde toujours d'un air soupçonneux, on se méfie de vous parce qu'on se dit : mais qu'est-ce qu'il a bien pu faire celui-là pour ne pas avoir de nationalité, un crime ?"
Intégrant le point de vue dominant selon lequel avoir une nationalité va de soi, l'acteur social a-national expérimente un sentiment d'étrangeté. La comparaison à l'Autre, le national-citoyen, est à ce titre déterminante, dans l'acquisition du sentiment de sa différence.
Mais ce n'est pas seulement absence d'un ensemble de droits politiques et sociaux rattachés à la nationalité et dont est doté le national-citoyen qui crée le sentiment de différence. D'autres attributs tels le nom, la couleur de peau, la religion séparent l'apatride du "bon Français, blanc et catholique", pour reprendre l'expression de Mme V. Bien souvent, la comparaison à cet archétype perdure quand bien même l'acteur social a pu acquérir la nationalité française ultérieurement.
Le processus de reconstruction identitaire. |
Devenir apatride introduit une rupture dans la conception de son identité fréquemment conçue sous l'angle de la continuité biographique. Tandis que l'État d'origine (en mettant un terme au lien de rattachement qui l'unit à son ressortissant) et l'État d'accueil (en mettant en branle la machine administrative de reconnaissance du statut et du droit de séjour) se livrent à un véritable dépouillement biographique, l'acteur social a-national est désigné comme déviant. Il tend à vivre sa condition d'apatride comme anormale comparativement à celle qu'il vivait dans son pays d'origine et à celle que vivent les nationaux du pays d'accueil. L'apatridie crée une situation de "défiguration sociale" se caractérisant par une distorsion importante entre le sentiment subjectif de sa propre personne et le résultat de traitement objectif de sa personne par l'administration.
Joseph est né et a vécu au Cameroun ; il se sent profondément Camerounais et ses pairs le reconnaissent comme tel. Néanmoins, sur le papier il n'est pas Camerounais. Ms Fi. et F., Mmes V. et J. ayant vécu très jeunes en France, déclarent se sentir profondément Français bien qu'ayant dû, des années durant après leur arrivée en France, être porteurs d'un titre d'identité et de voyage spécifiant qu'ils étaient apatrides d'origine allemande ou polonaise.
La continuité de l'image qu'ont donc d'eux-mêmes ces différents acteurs sociaux devenus a-nationaux est altérée. La menace constante qui pèse sur leur identité et sur leur vie sociale les conduit alors à déployer un ensemble de stratégies identitaires visant à la conjurer. Les remaniements identitaires, auxquels se sont livrées les personnes rencontrées au cours de cette recherche, sont repérables dans le récit biographique qu'elles nous ont relaté et dans lequel elles rendent compte de leur trajectoire ainsi que des transformations progressives de leurs attitudes face à l'événement qui les a affectées. Leur histoire personnelle et collective, les circonstances et les conditions de leur arrivée en France, les modalités de leur insertion sociale et professionnelle, constituent autant de facteurs déterminants du déploiement de stratégies identitaires différentes.
Mmes J. et V., Ms. Fi., F. et S. ont tous les cinq connu et vécu les oppressions et les persécutions perpétrées du fait de leur religion. D'origine étrangère, tous les cinq disent se sentir profondément Français puisque résidant en France depuis de nombreuses années "pour ne pas dire toujours", y avoir fait leurs études, y avoir travaillé et fondé leur foyer.
Unanimement, ils tendent à reléguer l'histoire de leurs origines dans un passé révolu, monde lointain et étranger avec lequel ils n'ont plus aucun lien. En rejetant leurs origines et tout ce qui peut leur être rattaché, la langue, la culture, les habitudes de vie, ils expriment leur rejet d'un groupe de référence "méprisable". Leurs cercles d'appartenance familiaux, associatifs ou professionnels ont dessiné les nouveaux cadres d'expérience dans lesquels ils se sont inscrits. En se déclarant "ex-Polonais" ou "ex-Allemand", c'est d'un groupe de référence normatif, groupe de non-appartenance initiale, qu'ils recherchent l'acceptation, et c'est le plus souvent en choisissant la voie de la naturalisation qu'ils semblent pouvoir la trouver.
La naturalisation est présentée par l'ensemble des personnes rencontrées comme le seul et unique moyen de recouvrir une identité sociale à part entière. En choisissant cette voie l'acteur social a-national "complète" son identité, comble le vide identitaire créé non pas tant par l'absence que par le manque de nationalité.
Concernant les apatrides rencontrés, arrivés en France dans le début des années 1990, les mesures de déchéance ou autres prononcées à leur encontre et conduisant à la privation de leur qualité de national sont éprouvées comme le reniement de tout leur passé, un refus de reconnaissance de leur existence particulière, besoin le plus constitutif de la personne humaine.
Toutes ces personnes témoignent de leur attachement très fort à leur pays d'origine, pays pour lequel elles se sont la plupart du temps battues en s'engageant politiquement. Exilées, déracinées, apatrides, le seul lien assuré qui subsiste avec leur pays d'origine est celui de l'appartenance culturelle et plus globalement ethnique. L'usage indifférencié des termes de nationalité et culture dans les propos tenus atteste de l'ancrage de cette appartenance quand bien même le lien d'allégeance à l'État d'origine est rompu. Le fait de "conserver" et rester attaché aux traits distinctifs de l'identité du groupe auquel on a le sentiment d'appartenir encore, équivaut pour nos interlocuteurs à garder la nationalité d'origine. Il est invoqué comme preuve de la subsistance d'un lien avec le pays d'origine quand bien même des autorités gouvernementales en ont décidé autrement.
L'identité ethnique n'est cependant qu'une des identités particulières qui structurent l'identité sociale globale. Si l'acteur social privé de nationalité tend à la valoriser, il s'inscrit également dans d'autres cercles d'appartenance (appartenance locale, socioprofessionnelle, etc.) qui constituent autant de référents identitaires structurants.
Si le processus de désignation mis en oeuvre par la société englobante génère suspicion et méfiance à l'égard des acteurs sociaux a-nationaux qui progressivement acquièrent le sentiment de leur différence, ils ne sont cependant pas dépositaires de "super-organismes" leur imposant rigoureusement leurs déterminations. Possédant une capacité à manier et changer les hiérarchies instituées afin qu'elles leur soient plus favorables et leur permettent d'échapper, un tant soit peu, au sentiment d'occuper une position de mal classés, certains d'entre eux développent des stratégies identitaires témoignant de leur capacité à se distancier de l'image qu'ils ont d'eux-mêmes.
Ainsi, en dépit d'une intégration que l'on peut qualifier de "réussie" à la société française, Mmes J. et V., apatrides naturalisées, ont exprimé à maintes reprises le poids de "ces origines qui vous collent à la peau" et qui se manifestent dans certaines situations sociales. Ce constat effectué, toutes deux ponctuent leur discours relatif à la reconnaissance de leur qualité de françaises par un "et pourtant" permettant de signifier à l'interlocuteur qu'en dépit des apparences leur appartenance à la collectivité nationale est sans équivoque.
Susceptibles de ne pas être considérées par l'Autre comme de "vrais nationaux" - le lieu de naissance, le patronyme venant contrarier le mythe d'une appartenance nationale fondée sur la généalogie des ancêtres - elles mettent en évidence d'autres qualités susceptibles d'être rattachées au statut de national ou plus exactement dont est censé faire montre le "vrai Français". Leur maîtrise parfaite de la langue ou encore leur participation citoyenne active témoigne de leur véritable statut national. En cela elles se déclarent "bien souvent plus françaises que les Français eux-mêmes". Le passage d'un statut d'ex-apatrides naturalisées à celui de femmes citoyennes instruites et cultivées dessine le cadre d'un nouveau moi d'autant plus crédible qu'elles discréditent en retour "ces nationaux pure-souche" en les dotant d'attributs négatifs.
Une autre stratégie de contournement du stigmate est celle exposée par Nadia pour qui être apatride est "vraiment un grand avantage".Être apatride est surtout et avant tout être "citoyen du monde". L'apatride tel qu'il est envisagé par Nadia est une personne autonome, en état d'apesanteur social, sans racines, sans croyances religieuses, vivant en dehors de tout déterminisme social, libre de toute contrainte. Dépourvu de toute allégeance nationale, "l'apatride est international parce que sans frontière". L'ensemble des attributs attachés à la qualité de national est interprété négativement par Nadia. Les droits deviennent "douteux", l'allégeance nationale devient "dépendance qui entrave les libertés individuelles", et le national est converti en "nationaliste", usant de son pouvoir de couleur de peau "pour offenser et pourchasser". En opposant les deux figures stéréotypées que sont celle du national enfermé dans sa culture, arc-bouté sur ses droits, chauvin, soucieux d'asseoir sa différence en se battant perpétuellement d'une part, et celle de l'apatride libre de tout engagement politique ou religieux, tolérant "par nature", ouvert sur le monde entier parce que n'appartenant à aucun État, Nadia bouleverse les hiérarchies instituées. Exaltant les vertus de l'apatridie, elle érige le stigmate en emblème.
Qui est apatride est toujours apatride de quelque pays venu s'établir dans quelqu'autre pays. Qui est apatride est toujours d'ici et d'ailleurs.
Si la nationalité est l'expression politique de l'appartenance à tel État-nation, elle n'est cependant pas exclusivement constitutive du sentiment d'appartenance nationale. L'absence de nationalité n'altère que partiellement le sentiment d'appartenance à la collectivité nationale conçue dans sa dimension politique et culturelle, puisqu'en l'absence de ce référent identitaire les personnes en situation d'apatridie se reconnaissent membres de la "nation ethnique" dans laquelle elles ont été le plus longuement socialisées.
Néanmoins l'absence de nationalité engage l'acteur social a-national à remanier son identité sociale et personnelle afin de conjurer le stigmate dont il est affublé et le sentiment de différence négative qu'il a intériorisé.
Tandis que l'inscription de leur identité dans d'autres cercles d'appartenance que la seule appartenance à la collectivité nationale permet aux personnes en situation d'apatridie de maintenir une certaine continuité dans l'image qu'elles ont d'elles-mêmes, la naturalisation permet aux personnes issues de la vague d'immigration d'avant et d'après guerre de faire coïncider le droit et les faits et offre à celles issues d'une vague d'immigration récente la possibilité de compléter leur identité en accédant à la qualité de national-citoyen.
Est-ce à dire que l'apatride qui n'opte pour quelque nationalité serait quant à lui citoyen du monde ? Oui. Mais dans un monde sans frontières, ignorant des intérêts nationaux à faire valoir ou à défendre ; dans un monde garantissant à tout homme en tout temps et en tout lieu des droits universels, autrement dit dans un monde qui n'apparaît que pure utopie.
Cécile Pacaud demeure à Rennes, en France. Elle est titulaire du Diplôme d'Etat d'Assistante de Service Social et exerce ce métier depuis 7 ans au Conseil Général d'Ille-et-Vilaine. Elle est, par ailleurs, membre du laboratoire de recherche universitaire le CERIEM (Centre d'Etudes des Relations Inter-ethniques et des minorités). Dans ce cadre elle réalisé deux recherches portant sur le thème de l'apatridie : - en 1996 : "Ni d'ici, ni d'ailleurs... Analyse du processus de construction sociale de l'apatridie", une recherche sur laquelle s'appuie l'article publié ci-dessus. - en 2000 : "Comment peut-on être apatride ? Hier et aujourd'hui, l'exemple juif et palestinien" |