Clarisse Herrenschmidt
CNRS, Laboratoire d'Anthropologie Sociale, Paris
L'Internet constitue un moyen pour envisager une question lancinante: que se passe-t-il en ce moment entre les Hommes, au moins dans les sociétés du monde appelé occidental, de si neuf et particulier que tout leur semble avoir changé et continuer de changer? Le propos exprimé dans les pages qui suivent n'a pas pour but d'y répondre, mais pour programme de montrer des pistes de réflexion et de recherches.
Les changements qu'a vus le XXe siècle sont innombrables et variés, touchant la vie privée comme publique, les modes de vie et les apprentissages, la constitution des sujets individuels comme les échanges. Ce sont ces derniers qui nous retiendront.
À la veille de la Première Guerre Mondiale, comment les Hommes échangeaient-ils? D'abord par la parole orale. La parole en situation de co-présence constitue, par définition, le lieu où se forge l'identité sociale de tout sujet humain: l'enfant y apprend son nom, les noms et les titres de ses proches, sa place parmi eux, il apprend non seulement à dire "je" mais encore que tout le monde qui parle dit le même "je"; il enregistre la langue dans laquelle, peut-être, il en viendra à transmettre les mêmes données à ses descendants - mais peu importe que ce soit la même langue, car il s'agira du même processus. L'enfant accueille encore les façons de parler: le supérieur coupe la parole de l'inférieur, hommes et femmes sont différents dans la parole, les enfants ne doivent pas tout dire et auront plus de droits quand ils seront grands, etc.
La parole vive, tout au long de la vie d'un sujet, demeure omniprésente: dans la sphère privée et surtout dans la vie politique, car tout groupe en tant que groupe dispose d'un lieu où se prennent les décisions qui le concernent - prise de décision qui se fait toujours dans la parole, il y a dix mille ans comme de nos jours. Si l'apprentissage de la parole et de la langue se construit dans une relation de dépendance, de soumission de l'enfant aux règles grammaticales et sociales, et donc dans une verticalité incontournable, l'usage de la parole politique peut répondre à une autre organisation: élaborer et discuter de projets et d'actions, dans un régime républicain ou démocratique, dans des groupes informels ou des partis, se fait sur un plan horizontal. Parle qui a quelque chose à dire, ayant obtenu par sa présence au sein d'un groupe la possibilité de le faire. La parole politique ne s'inscrit pas par définition dans l'axe vertical de l'acquisition linguistique, elle constitue une construction sociale volontaire qui le négocie, le contrecarrant ou le déployant. Si certains régimes politiques s'appuient sur l'axe vertical et le renforcent, ainsi l'autorité d'un roi sacral entretient des relations avec une parole, une élection et une révélation divines, républiques et démocraties se fondent sur le caractère universel de la parole et valorisent l'horizontalité de son usage politique.
Quelles que soient les solutions, les façons de parler ont a priori toutes les chances de rester stables, semblables à elles-mêmes sur de longues périodes de l'histoire.
Au XXe siècle, ce ne fut pas le cas.
La parole orale a changé parce que la démocratie a fait oeuvre de nivellement, parce que les classes sociales ne sont plus les mêmes, parce que tous les enfants sont allés à l'école, certes. Mais elle a surtout changé parce qu'elle ne s'inscrit plus dans le même système des échanges. Jusqu'à l'invention du télégraphe et du téléphone, ce système des échanges linguistiques se limitait à l'équilibre entre parole orale et texte écrit; on confiait depuis des siècles à l'écriture les fondements du social (religion, constitutions politiques, titres), leurs prolongements et le savoir qui permet de les comprendre (journaux, livres), des actes de la vie économique et sociale (documents notariaux, lettres d'affaires et d'amour).
À l'opposition oral-écrit s'ajouta un troisième terme: la parole téléphonique. Orale, elle n'en est pas moins fondée sur une technique dont les inventeurs, promoteurs et installateurs savent lire et écrire. Il exista dès lors au moins deux oralités: la première, liée au corps et à la co-présence, et la seconde, déliée de la présence, dépendant de techniques savantes dont l'utilisateur peut tout ignorer. Le téléphone, bien implanté aux États-Unis dès la fin du XIXe siècle, changea les usages de parole: on alla droit au fait, parla plus vite et plus clair pour économiser temps et argent, on évita les formules élégantes, souvent ambiguës, car la compréhension effective de ces expressions nécessite le contexte de leur énonciation, signes du visage et du corps et audition parfaite que le téléphone ne donne pas. La parole téléphonique permit et développa les échanges factuels de données (santé, départs, décès, du côté de la vie privée; prix, découvertes, mise en ventes, etc. du côté de la vie économique; alliances, défections, manoeuvres du côté de la vie politique): elle fut d'emblée beaucoup plus proche de la monnaie, médium des échanges économiques, que de la littérature. Le concept d'information qui régit toutes nos analyses de l'Internet et des échanges, n'eût jamais pu naître sans l'existence du téléphone, qui compte le temps où l'on parle, matérialisant les impulsions. Pour une part, la parole allait désormais appartenir à la technique.
Le téléphone ouvrit une brèche dans laquelle se sont engouffrées la radio, la télévision, puis l'Internet. Le téléphone permet à deux personnes de s'entretenir, qui, même si elles ne se connaissent pas, ont un objet de parole en commun, celui qui a justifié l'appel téléphonique. Le plus petit contexte possible de la parole téléphonique consiste en la parole elle-même. Si l'on compose un numéro au hasard, si quelqu'un décroche, une conversation peut s'engager et la séquence dialogique: "J'ai fait votre numéro par hasard", "Ah bon" constitue une amorce de relation d'où le hasard a déjà disparu. Le fait de se parler, d'être dans l'échange de parole vive signifie la construction d'un contexte.
La radio, je ne prendrai ici en compte que la transmission en direct, diffusée sur le mode one to many, s'adresse à des auditeurs indéfinis. Y a-t-il un contexte à la parole radiophonique? L'auditeur entend la voix de personnes a priori inconnues, hommes politiques, comédiens, chanteurs, journalistes, célébrités diverses. La radio donna donc dès les années 30 l'impression qu'une chose parlait à la place d'un corps doué d'une âme humaine, rappelant soudain une vieille question des Hommes: d'où vient le nom des choses, est-ce que les choses portent un nom propre que nous appelons nom commun, est-ce qu'elles "parlent", est-ce que certaines personnes savent entendre "parler" les choses? Il y a un aspect extrêmement irrationnel à la transmission radiophonique de la parole.
Par rapport au téléphone, le speaker radiophonique et l'auditeur ne partagent pas la parole, puisqu'un seul des deux s'exprime. Auditeur et speaker se situent dans ce que la parole suppose de verticalité. L'enfant apprend à parler par l'ouïe, que l'on corrige et limite, entend l'autorité, l'expression des liens sociaux et du savoir. Il me semble que la machine qui parle se trouva prise dans le caractère vertical de l'accès à la parole, où s'affirment des énoncés d'autorité.
Mais il y a plus. L'absence de tout contexte immédiat à la parole radiophonique, l'existence d'une parole dépourvue d'intention apparente, au contraire de celle qui emploie le canal du téléphone, a le résultat suivant: le lien social se trouva condensé et concentré en la langue. Un regard sur les programmes radiophoniques au moins français des années 30 à 60 montre la grande quantité d'émissions théâtrales et littéraires, d'émissions à base de sketchs distrayants ou critiques, ce qui ne s'explique pas seulement par la volonté de distribuer la culture et de divertir. Il s'agit aussi d'une politique de la langue.
Enfin, les voix qui sortent d'une boîte disent des choses que les pauvres humains limités à leur contexte immédiat de vie sociale et matérielle, à l'étroitesse de leurs expériences, ne peuvent ni voir ni savoir: ces voix venues d'ailleurs semblent entretenir un rapport avec l'inconnu, avoir des accointances parmi l'invisible.
Dans les années précédant et pendant la Seconde Guerre mondiale, la radio représenta une parole aux fondements neufs et impensés, ce qui explique en partie qu'elle constitua le support privilégié de toutes sortes de propagandes.
À première vue, la télévision, qui investit la vie sociale à partir des années 50, semble moins irrationnelle pour ce qui concerne l'environnement de la parole: que la transmission soit en direct ou en différé, les personnes que l'on voit sur l'écran et dont on entend les voix semblent situées dans un environnement reconnaissable: la rue ou un lieu public (il y eut davantage d'émissions prises sur le vif de la vie sociale, non artificielles, aux débuts de la télévision que de nos jours, du moins en France), un bureau, un studio, un plateau, etc.
Mais, comme le dit George W.S. Trow: "La télévision travaille à établir (...) un contexte sans contexte et à en tenir la chronique."[1] Trow décrivait en 1980 la télévision des États-Unis d'Amérique et pensait qu'elle se situait entre le lieu intime de chaque vie subjective et la masse des deux cent millions de citoyens, dont tout membre de la société étatsunienne a conscience. Il ajouta en 1997: "les deux échelles de la vie américaine, celle de l'intimité d'un individu isolé et celle des deux cent millions s'étaient tellement écartées l'une de l'autre que quelque chose devait nécessairement apparaître entre les deux".[2] Pour mes affaires de parole (acte de parler dans une langue selon les habitudes sociales d'une culture donnée) et de langue (système fait de signes et de règles), l'intuition de Trow est fort opportune. Après que la langue, grâce à la parole radiophonique, a représenté le noyau du lien social, la télévision statue de son origine. Le contexte télévisuel est flou, inconsistant, reconnaissable mais sans substance, tandis que le message revient à un mythe sur le fondement linguistique du lien social: la langue est oeuvre commune des locuteurs natifs, elle prend naissance dans un monde toujours présent et comme parallèle au monde réel, à l'intersection d'une subjectivité individuelle et d'une collectivité insaisissable; les Hommes font leur langue, elle se fait parmi eux, les relie et la télévision les montre en train de la tricoter.
Toutes les sociétés humaines, bandes, groupes, cultures et civilisations, donnent à la langue et à la parole (cet ensemble que j'appelle ici le langage) une origine, une raison d'être là - et expriment cette origine et cette raison par des mythes.[3] L'image télévisuelle montre les Hommes (se) parlant, fondant l'humanité du langage, de façon d'autant plus efficace que le contexte n'a nul besoin d'être précis et véritable. Il me semble que la télévision a rabattu l'une sur l'autre verticalité et horizontalité de la langue et de la parole et que la transmission de la langue et des usages se fit, dès les années 70, autant au sein de la famille que devant le petit écran. On peut tout à fait envisager le désir de tant et tant de citoyens du monde occidental d'apparaître à la télévision, dans une émission quelconque, comme l'expression de la volonté de participer à cette fondation. On me rétorquera que la télévision s'est déployée dans des sociétés démocratiques et que le désir populaire d'y apparaître revient aussi à une volonté de participer à la notoriété démocratique; je répondrai qu'il s'agit du même phénomène, envisagé sous deux de ses nombreux aspects.
Certains auteurs reprochent aux médias de ne pas donner une version des faits, mais d'inventer un réel nouveau, et dénoncent l'irréalité de la vie moderne, arguant qu'une personne qui prend son parapluie le matin ne le fait plus après avoir observé la couleur grise du ciel, mais après avoir pris connaissance de la météo. Pour les modernes, il apparaît que le ciel de la météo n'a plus rien à voir avec le ciel de la nature.[4] Cette critique aux médias modernes constitue tout aussi bien une critique du langage: "ciel" en français, "sky" en anglais, ne sont pas le ciel de la nature, l'espace dans lequel se meuvent les astres et les planètes, dont la terre, espace infini que les humains conçoivent comme au-dessus d'eux, le percevant comme limité par leur horizon, ce qui n'est pas vrai. Les médias modernes amplifient la puissance contrefactuelle propre aux langues naturelles. Je veux dire que les mots des langues sont arbitraires et que l'arbitraire du signe linguistique constitue une machine à fabriquer des mondes qui ne sont pas le réel, mais le réel pour les Hommes.
La technique s'est emparée de la parole, le plus vieux moyen d'échange, le plus fondamental aussi, celui dans lequel les Hommes peuvent se reconnaître comme tels. Le téléphone s'imposa dans les affaires, faisant sentir comme un acte monétaire dans l'échange linguistique. L'autorité de la nomination et du savoir, loin de ses ancrages antérieurs, parole et écriture, investit des machines. Dans l'image télévisuelle, le langage parut comme sortir des Hommes en train de (se) parler. Il convient de prendre très au sérieux ces transformations: elles sont en première ligne dans les difficultés qu'ont rencontrées et que rencontrent les familles, depuis le début des années 60, à exprimer l'autorité parentale, les professeurs à enseigner aux jeunes, les hommes et les femmes à faire valoir leur point de vue d'hommes et de femmes dans l'égalité des statuts.
L'Internet transforme encore ce paysage complexe et déroutant. Il signifie un retour en force de l'écriture.
Celle-ci subit, comme la parole avec le téléphone des décennies auparavant, l'usure des rhétoriques: on écrit sur le réseau comme on parle, s'adressant à l'autre ou aux autres sans formule de politesse et de salutation différente d'un simple "Bonjour", grammaire et orthographe y évoluent sous nos yeux - dans la graphie du français les accents disparaissent, les oppositions singulier-pluriel et masculin-féminin tendent à être délaissées, tout comme le système complexe des temps verbaux exprimant le passé, la ponctuation se limite au point, etc. Je ne mets dans ces remarques aucune amertume, car il est clair que l'orthographe délirante du français devait être simplifiée. Elle va changer, par force, sous la pression de l'écriture réticulaire,[5] mais hors contrôle et irrationnellement.
L'on écrit vite, comme on clique - et cliquer tient davantage du réflexe que de la réflexion. Écrire sur le réseau (courriel, chat) se trouve à mi chemin entre parler dans la situation de co-présence et composer un texte, au sens littéraire et au sens de l'art de l'imprimerie. Comme souvent dans la parole, l'urgence du temps concentré de l'échange l'emporte sur la réflexion, l'émotion règne dans la réaction aux messages qui nous parviennent et des erreurs se glissent qui tiennent au clic et sont autant de lapsus; par ailleurs, écrire sur le réseau nécessite l'application d'un grand nombre de codes, comme il en existe dans la composition littéraire, imprimée et postale d'un texte, mais c'est la machine qui les gère, car les langages, logiciels et protocoles nécessaires à l'écriture réticulaire consistent en ces codes.
L'Internet, qui naît quand l'horizontalité de la parole parmi les hommes est un fait acquis - un fait de civilisation télévisuelle, la réalise, la donne à voir et la substantifie par l'écriture. La structure horizontale et non centralisée des réseaux, leur indépendance par rapport aux États, mettent en oeuvre visible, technique, commune que le langage, les langues, la parole et leur visibilité graphique n'ont pas une origine divine ou mystérieuse, mais que l'Homme se les donna à lui-même et continue de se les donner. La "démocratie de l'Internet", grandement célébrée, l'est souvent à tort, car elle n'est pas politique au sens propre. L'Internet montre la condition, dans le langage, d'une démocratie politique réelle historique: il ne peut exister de démocratie que si la possibilité de parole appartient aux acteurs politiques sans distinction, de race ou de sexe, sans distinction venant de la nature.
Mais cette horizontalité même prend sens de façon nouvelle et se trouve quasi symbolisée dans l'imaginaire de chacun. Les réseaux semblent vibrer d'une parole sans voix, sous-jacente et contenue car écrite, mais omniprésente et infiniment disponible, tant et si bien qu'ils paraissent matérialiser une invitation permanente à l'échange, substantifier l'intention de parole qui en chacun ne demande qu'à s'actualiser. Sur le réseau, chacun, quand il le désire, peut extérioriser son intention de parole grâce à son ordinateur, lequel est à l'occasion senti comme une extension de son cerveau gauche. L'échange met en jeu des absents-présents, des sujets éloignés dans l'espace, appartenant à des cultures différentes mais partageant cette forme appauvrie d'anglais qui est la lingua franca des réseaux.
Les transformations que nous vivons ne tiennent pas seulement à celles qui ont affecté la parole depuis le début du siècle dernier. Il convient de prendre aussi en considération les changements que l'on observe dans la monnaie.
À la veille de la Première Guerre mondiale, l'or constituait le fondement des monnaies européennes et américaine: l'étalon or régnait, des pièces d'or circulaient et les billets étaient immédiatement convertibles en or, sur simple présentation à la banque. La Guerre fit disparaître cette convertibilité-or des monnaies d'Europe, ce qui eut diverses conséquences; pour ce qui nous concerne ici, retenons que seul le dollar des États-Unis resta convertible et que les monnaies européennes se rattachèrent à lui, qui devint leur étalon. Mais à l'ombre du dollar étasunien, l'or continuait de constituer le référent matériel des échanges économiques.
Parallèlement, le XXe siècle vit la démocratisation des comptes bancaires et de la pratique du chèque. Attardons-nous un instant sur ce que peuvent signifier les billets et les chèques.
Le billet n'a pas de valeur en soi: ce n'est que du papier - un papier rare, difficilement imitable, mais du papier quand-même. Il n'a comme valeur que celle que lui attribue l'ensemble social où il fonctionne comme moyen des échanges, où l'on considère qu'il n'est pas un simple bout de papier. Le billet matérialise cet ensemble social et donne à voir ses fondements par les images qu'il porte: portraits des pères fondateurs aux États-Unis, figure du Roi ou de la Reine au Royaume-Uni, symbole féminin de la République française, symbole de l'Empire en Allemagne, etc. Par les textes qu'il donne à lire, il établit l'autorité étatique dans la langue de l'État, source de valeur et garantie du papier monnaie.
Le billet de banque constitue une unité de compte, il est inscrit de chiffres et matérialise des nombres. Ces nombres sont des nombres entiers de la monnaie de base et non pas des fractions: il y eut, de façon générale, des billets pour les dollars, les livres, les francs et non pour les cents, les pence et les centimes. De plus, ces nombres entiers représentent l'unité monétaire et ses puissances de 10 (sauf pour le système monétaire anglais jusqu'en 1976).
Le papier monnaie est en quelque sorte doublement abstrait; ce n'est qu'un signe sans valeur intrinsèque et le nombre qu'il représente joue encore, à son niveau, le rôle d'une référence: il ne s'agit pas d'un nombre quelconque (par exemple: 247, 31605), mais de l'unité ou d'une puissance de 10. Il est clair que le prix d'un bien, calculé sur le coût de production et de diffusion du bien en question, à quoi s'ajoutent les bénéfices, n'a a priori aucune raison de constituer un nombre rond multiple de 10. Le billet substantifie un nombre qui appartient à la structure arithmétique du système décimal.
On se souvient que le système décimal fut adopté par les divers États au cours du XIXe siècle, après qu'il a été imposé en France lors de la Révolution. Alors que l'Ancien Régime tirait de multiples profits des nombreux modes de mesures qui foisonnaient en Europe et qui faisaient régner de l'arbitraire dans les échanges et les estimations, le système décimal rend manifeste l'égalité des Hommes devant la loi arithmétique. Or, qu'il s'agisse des États-Unis ou des États européens après 1917, c'est l'État qui frappe monnaie, imprime les billets, autorise les banques et établit la relation entre la monnaie et l'or. Responsable de la convertibilité-or de ses émissions, des figures représentées sur le papier, enfin de la structure arithmétique d'engendrement des nombres, les États ont établi une relation directe entre le système décimal, les figures emblématiques de la communauté nationale et l'or, métal brillant, rare, précieux et inaltérable et traditionnellement associé à des puissances supérieures à l'Homme (le soleil, les dieux, l'amour, l'éternité).
Le chèque s'inscrit dans cet ensemble et y ouvre un autre espace: le client d'une banque, sur un papier spécifique à en-tête de cette banque, écrit lui-même la somme qu'il doit; le nombre correspondant à cette somme appartient a priori à l'ensemble infini formé des nombres entiers et des nombres fractionnaires ayant 100 comme dénominateur (dans le cas où la monnaie divisionnaire est calculée sur la centième partie de l'unité). Il écrit des nombres en quelque sorte contingents ou accidentels (comme 247, 31605) et pas seulement des nombres structurels ou formels (comme par exemple 1, 10, 200, 3000, 40000, etc.).
Le chèque ne représente pas seulement de la monnaie pour un échange précis, mais encore de la monnaie quasiment émise par chaque acteur économique. Tel client d'une banque qui dispose d'un carnet de chèques émet en quelque sorte "sa monnaie", sachant bien que le carnet lui est donné dans la mesure où il a des fonds, que les banques sont reconnues par les États, que les monnaies sont nationales. Mais la signature du client garantit que c'est bien lui qui émet et non pas un autre.
Mais les Hommes du XXe siècle n'ont pas seulement échangé avec des pièces, des billets et des chèques, des nombres et des chiffres écrits: ils ont pensé leur monde avec des chiffres.
La science physique prit la place de la théologie dans l'explication de la création: elle raisonne depuis Newton sur la mathématisation du monde. Mais si Newton voyait encore la main de Dieu dans l'équilibre des corps célestes et l'attraction universelle, elle a disparu pour la physique contemporaine. La sociologie, par exemple Le Suicide de Durkheim, qui repose sur les enquêtes et statistiques, a inscrit le nombre comme paradigme pour penser l'Homme - les citoyens se voient eux-mêmes dans les pourcentages. Les individus sont représentés par des chiffres: leur date de naissance, leur adresse, leurs numéros de téléphone, de comptes bancaires, de police, d'assurance, etc.
Les billets répandirent l'usage d'une monnaie fiduciaire et abstraite, les chèques celui d'une monnaie écrite par les utilisateurs, ce qui eut un immense impact social et mental et mit les nombres et leur structure arithmétique au centre non seulement des rapports humains, mais des définitions des sujets.
Tant que dura la convertibilité-or des monnaies, puis seulement celle du dollar, les nombres et leur structure furent comme rapportés à l'or: ils portaient en eux quelque chose de cette matière stupéfiante, dont l'inaltérabilité évoque la vérité pure, hors de toute contingence. Critiquant la croyance en la vérité chiffrée des sociologues et des démographes, M. Cicurel,[6] lui-même démographe, parle du "vertige exquis des chiffres inéluctables".
Le 15 août 1971, abruptement, Richard Nixon défit la convertibilité-or du dollar: les monnaies allaient trouver leur référence entre elles, se fonder sur les rapports économiques que développeraient les citoyens à l'intérieur des différentes nations et les nations les unes avec les autres. Dès lors, les monnaies, au moins les monnaies européennes et le dollar,[7] "flottèrent". En même temps, l'or devint une matière comme les autres, vendable et mesurable, dépourvue de son ancienne qualité d'étalon de la valeur, de substance matérielle et pourtant transcendantale.
C'est donc aussi ce qui arriva aux nombres: finie la relation monétaire et arithmétique à l'or, les nombres parurent au fil des années humains et imparfaits, utiles mais à chaque fois discutables, comme les mots. Si le citoyen des trois premiers quarts du XXe siècle avait cru que la mathématique et sa raison, c'est à dire les nombres et leurs relations, constituaient la clé du réel, les choses en allèrent peu à peu autrement aux yeux du citoyen de la fin du siècle. Pour autant que la documentation française me le fasse connaître, c'est dans les années 80 et 90 que parut la critique de l'évaluation numérique des problèmes sociaux et de l'information. M. Cicurel insista sur le fait qu'un nombre, obtenu par calcul, devait être interprété,[8] c'est à dire qu'il convenait, pour en tirer une information, de comprendre les étapes qui avaient mené à sa constitution.
Il advint donc un changement dans la représentation du discours chiffré: on pouvait penser le monde avec des nombres, l'écrire avec des chiffres et si le texte produit pouvait avoir de la vérité, il n'en avait pas du fait de la nature des nombres mais de leur construction; pour finir, il n'en avait pas davantage qu'un texte pensé dans une langue, écrit dans l'alphabet ou tout autre système graphique et convenablement argumenté.
L'écriture des nombres devint pure commodité dépourvue de symbolisme et de tout enracinement dans une croyance (par exemple la vérité des mathématiques). Tel est pour finir le contexte conceptuel, sémiologique et social de la carte bancaire: son propriétaire est identifiable par une série de nombres, enregistrés sur bande magnétique ou sur une puce, il émet une "monnaie" purement graphique, sans support palpable, où seule sa signature (dans le cas d'une carte magnétique) évoque autre chose que des chiffres. Lorsqu'il désire disposer de billets, monnaie matérielle, il n'a de rapports qu'avec des machines et non plus avec des humains qui lui feraient face au guichet d'une banque.
Qu'est-ce qui permet d'associer l'Internet avec les aventures de l'or, de la monnaie et des nombres au XXe siècle? D'abord l'homogénéité des dates, fait qui peut avoir un sens historique et conceptuel ou ne signifier qu'une coïncidence. Les réseaux de commutation de paquets prirent leur essor dans le dernier tiers du XXe siècle, les protocoles d'Internet furent exprimés par V. Cerf et R. Kahn au début des années 70: les monnaies perdaient alors leur référence à l'or, les nombres leur symbolisme. Dans les années 70, quelque chose se défit: l'attachement des monnaies et des nombres à l'or, et parallèlement quelque chose était en train de naître: une nouvelle écriture, fondée sur l'utilitarisme numérique, un nouveau moyen d'échanger, l'Internet.
Que ces phénomènes entretiennent un lien représente une assez longue démonstration. Qu'il me soit permis de ne point la faire ici, mais de raconter les étapes d'histoire des signes telles que le lecteur puisse non seulement voir le lien entre l'Internet et la monnaie, mais aussi voir comment le réseau des réseaux, pour neuf qu'il est, nous rapproche malgré tout des Hommes de l'Antiquité et nous inscrit dans la longue histoire des inventions sémiologiques.
Il convient de commencer assez haut dans l'histoire, lors de l'invention de l'écriture à Sumer en Iraq et à Suse en Iran, vers -3200. Là, les Hommes matérialisèrent leurs échanges en fabriquant des documents comptables d'une forme très inattendue: une boule d'argile creuse, appelée bulle-enveloppe, dans laquelle on enfermait des calculi, petits objets d'argile de formes diverses (cônes, bâtonnets, disques, billes, vases) et sur la surface de quoi était imprimé un sceau, signalant la présence d'une autorité, religieuse, politique, administrative - les faits sociaux réels nous restent inconnus, à date si haute. Ce document attestait probablement de l'expédition, la livraison ou la réception de denrées et de la quantité concrète de ces denrées, car les calculi matérialisaient des nombres et des quantités spécifiques. S'il y avait contestation entre les parties, il était possible de casser la bulle-enveloppe et de comparer les quantités de denrées reçues à celles qui étaient promises.
Il vint à l'idée des utilisateurs de ces documents de représenter les calculi, leur forme et leur nombre, sur la surface de la bulle-enveloppe, à côté de l'empreinte du sceau. Ce furent là les premiers signes que l'on peut dire écrits: des chiffres pour des quantités. Désormais, casser la bulle et donc détruire le document n'avait plus de sens. Et l'on passa à la troisième étape: produire des tablettes en argile, pleines et offrant leurs surfaces aux signes, comme la Mésopotamie antique allait en produire par milliers, y écrire les chiffres pour les quantités et, avec d'autres signes, représenter la nature des denrées et les noms propres des acteurs de la transaction. L'écriture mésopotamienne sortit de ces usages économiques et comptables, en commençant par la matérialisation de nombres.
Si l'on observe l'histoire de l'écriture de la région antique qui va du Moyen-Orient à la Grèce, en passant par la Méditerranée, on constate que les écritures qui s'y déployèrent forment deux groupes: le plus ancien, où beaucoup de signes représentent des mots (hiéroglyphes d'Égypte, cunéiformes sumérien, akkadien, élamite, hittite, etc.) et celui où les écritures s'attachent à noter plus ou moins des phonèmes; ce second groupe, plus récent, est constitué par les alphabets et ceux-ci se distinguent en ce que les uns ne notent que les consonnes (alphabet sinaïtique créé vers -1600?, alphabets phénicien, araméen, hébraïque, nabatéen, sud-arabique, arabe, etc.) et les autres tous les phonèmes, consonnes et voyelles (alphabet grec créé vers -750? et tous ceux qui le suivent: alphabet étrusque, latin, cyrillique, etc.).
Dans cette région du monde, l'histoire de l'écriture des langues montre grosso modo deux univers distincts: les écritures qui écrivent le mot par lequel on nomme les choses qui sont plus ou moins évoquées dans le signe et les écritures qui, notant les phonèmes, rentrent dans la notation de la parole. Ces deux univers graphiques se ressemblent néanmoins sur un point essentiel: les nombres étaient écrits avec des signes qui ressemblaient aux signes pour les unités linguistiques. Cette ressemblance est plus forte encore dans les alphabets antiques, car les nombres étaient écrits avec des lettres (la première lettre servait de signe pour 1, la seconde pour 2, la troisième pour 3, jusqu'à la dernière qui valait pour 4 ou 8 centaines, selon le nombre de lettres de l'alphabet). Les alphabets, consonantique et complet, conquirent au cours des siècles la Méditerranée, le Moyen-Orient et l'Europe, et peu de changements intervinrent dans leur constitution, dont les programmes respectifs revenaient à rendre la parole.
Or il se trouva que dans la seconde moitié du VIIe siècle avant notre ère, en Grèce d'Asie, fut inventée la monnaie frappée: les cités ioniennes et lydiennes émirent des pièces de métal précieux pesant un poids régulier et frappées des symboles de la cité. Jusqu'alors, le métal servant de monnaie, essentiellement l'argent, était pesé sur place par les acteurs de la transaction. Les pièces nouvelles rendaient inutile cette manipulation délicate, en même temps que le pouvoir émetteur garantissait la qualité de sa monnaie et l'on établit au VIe siècle avant notre ère un rapport strict entre l'or et l'argent (de 10 à 1).
La monnaie frappée ne constitua pas seulement une transformation économique, mais aussi un renouvellement de l'invention de l'écriture des nombres. On sait que les anciens mathématiciens ioniens, Pythagore de Samos et son école d'Italie du sud, représentèrent les nombres avec des points, des segments de droite et des volumes, ce qui rendit possible l'établissement du théorème dit de Pythagore. Or on peut voir sur le revers de certaines pièces des VIe et Ve siècles avant notre ère des figures géométriques: un carré inclus dans le cercle de la pièce (problème de la quadrature du cercle), un carré divisé par ses médianes, ses médiatrices, par les deux, par six segments de droite se croisant au centre, etc. (problèmes d'angles égaux ou d'angles semblables), un cercle divisé par trois diamètres (division du cercle), un carré construit sur la diagonale d'un autre (problème de Pythagore). Dans la mesure où les Grecs ne possédaient pas de signes spécifiques pour les nombres, on peut penser que ces figures qui sont autant de représentations des nombres comme entités numériques, et non pas comme entités linguistiques - et voir dans la monnaie frappée un renouvellement de l'invention de l'écriture, un peu comme si les nouvelles pièces jouaient le rôle des anciens calculi enfermés dans les bulles.
Il importe de comprendre que la monnaie frappée constitua le vecteur d'une écriture spécifique aux nombres, et j'entends par vecteur son support social et conceptuel. Que se passa-t-il par la suite? Il n'y eut guère d'innovation pendant le reste de l'Antiquité et le Moyen-Âge en Europe et au Proche-Orient. Mais en Inde, les savants inventèrent l'écriture de position des chiffres de la base 10 et le zéro, qui se propagea en Iran, dans le Monde musulman et gagna l'Europe via l'Italie au XIIIe siècle de notre ère. Les chiffres indo-arabes et le zéro, signes neufs, différents des lettres et qu'on lit dans le sens inverse, conquirent les usages des commerçants internationaux italiens puis européens, alors qu'ils étaient interdits par l'Église romaine; ils prirent la place des chiffres romains, mal adaptés au calcul. La nouvelle écriture des nombres, celle des chiffres indo-arabes, modifia la monnaie, car les commerçants l'employèrent dans leurs lettres de change. L'écriture des nombres était décidément organiquement liée à la monnaie.
L'existence du zéro se trouve à la base du calcul binaire, connu des Chinois depuis l'Antiquité et retrouvé par Leibnitz, et fournit des décennies plus tard le mode arithmétique nécessaire à l'informatique.
Mais l'étape suivante de l'écriture monétaire arithmétique est constituée par l'imposition du système décimal pour toutes les mesures; le système décimal, que G. Ifrah appelle "alphabet arithmétique",[9] dépend de la base 10, de sa graphie avec 10 symboles et quelques règles (la position, la virgule ou le point des fractions, les puissances, etc.). Cet alphabet arithmétique eut un immense effet sur les langues qu'il transforma: jusqu'alors existait un très grand nombre de mots pour les différentes mesures, le pouce, le pied, le doigt, la paume, la ligne, la coudée, la lieue, etc., - pour nous en tenir aux mesures de longueur; brutalement ces mots disparurent, avec leur sens physique, et furent remplacés par des mots purement arithmétiques comme mètre (1), décimètre (0,1), centimètre (0,01), millimètre (0,001), décamètre (10), hectomètre (100), kilomètre (1000), etc. Si la langue parlée perdit de sa verdeur concrète, la pensée des nombres et dans les nombres gagna en simplicité, en immédiateté pourrait-on dire. Les nombres avaient acquis une sorte d'indépendance par rapport aux langues et pouvaient créer et conquérir un espace conceptuel à leur image.
Les monnaies, décimalisées et traitées comme les autres mesures, restaient rattachées à l'or, étalon des valeurs. La fin de la convertibilité-or du dollar décidée par R. Nixon le 15 août 1971 revint à couper un fil vieux de deux millénaires et demi entre les monnaies frappées, inscrites de nombres et le métal jaune. La monnaie, qui avait constitué le vecteur de l'écriture arithmétique, cessa de jouer ce rôle.
L'Internet prend son essor, lentement, lorsque le fondement matériel inaltérable des monnaies disparaît, qui ne sont plus que des chiffres (billets, chèques, cartes bancaires), de simples signes d'écriture.
Mais il prend aussi son essor lorsque le téléphone, la radio et la télévision ont transformé les usages de parole et posé de façon nouvelle la question de la nature et de l'origine de la langue et de la parole. La parole constitue le vecteur de l'écriture alphabétique - et l'usage généralisé de l'alphabet complet n'a pas fait disparaître de la conscience humaine cette insatisfaction à l'endroit de la parole, qui s'évanouit dans son acte de naissance, puisque parler, c'est accepter que ses mots et leur sens disparaissent aussitôt. Vecteur d'écritures des langues, la parole continue de tracasser les parleurs, car elle est fondatrice de l'humaine condition.
Si l'écriture des nombres comme entités arithmétiques est en quelque sorte achevée, le problème de la valeur en elle-même demeure: car lorsque les Hommes échangent, ils rentrent dans des considérations sur la valeur.
L'Internet traite sur un même plan, par des bits, les signes d'écriture des langues, les chiffres, les images et encore les sons, les calculs, etc. L'Internet renoue avec l'invention d'une écriture, rassemblant les écritures des langues et celles des nombres.
Je propose donc de penser que l'écriture réticulaire constitue une héritière de l'écriture monétaire arithmétique et que l'Internet renoue avec la question de la valeur, forgeant les conditions d'une nouvelle façon de penser et de matérialiser la valeur, peut-être même d'un nouveau vecteur de la valeur, d'une nouvelle forme monétaire.
L'on peut donc dire que pour ce qui concerne le Moyen-Orient, la Méditerranée,
l'Europe et le Nouveau Monde conquis par l'Europe, trois
inventions de l'écriture ont pris place sur les derniers cinq millénaires
et demi: la première qui eut lieu en Iran, en Iraq et en Égypte
à la fin du IVe millénaire avant notre ère rendit visibles
les signes linguistiques, audibles par essence. La seconde qui prit son essor
en Grèce d'Asie et d'Europe au VIIe siècle avant notre ère
traita les nombres en ne considérant plus leur forme linguistique mais
leur nature arithmétique et utilisa la monnaie comme vecteur.
L'Internet est la troisième. Il constitue une nouvelle transcription de tout ce qui se fait dans l'échange: questions de grandeurs, questions de valeur, engagement du sujet dans sa parole écrite, autorité, énoncé de vérité, plaisirs, peurs, masques et dévoilements, échange pour l'échange. Il reprend et condense les inventions, les acquis et les développements des écritures antérieures, les propulse ailleurs, donnant une solution technique aux contraintes qui sont celles de l'échange: la limitation de la parole et de la langue, de l'espace et du temps, l'inconstante variété du désir et sa fécondité.
Dans ce monde neuf qui est le nôtre, dans ce monde terriblement inquiet et qui semble dépourvu de sens, l'Internet nous rattache aux Anciens.
Il ne répond pas aux questions: "Que sommes-nous, Qui sommes-nous, Qui es-tu toi qui me parles me disant qui je suis, Pourquoi sommes-nous là, Comment en sommes-nous arrivés là?" mais montre qu'elles sont toujours parmi nous.
Notes
[1] G.W.S. Trow, Contexte sans contexte, suivi de L'Effondrement du dominant, Paris: Fayard, 1999, p.80; traduction française de Context without Context (1980) et Collapsing Dominant (1997). La citation est issue du premier texte de Trow (1980).
[2] Op. cit., p.174; la citation est issue du second texte de Trow (1997).
[3] Voir à ce sujet C. Herrenschmidt, en collaboration avec J. Bottéro et J.-P. Vernant, L'Orient ancien et nous: L'Écriture, la raison, les dieux, Paris: Albin Michel, 1996; traduction anglo-saxonne Ancestor of the West: Writing, Reasoning, and Religion in Mesopotamia, Elam, and Greece, Chicago: The University of Chicago Press, 2000.
[4] Je pense à J. Cluzel, La Télévision, Paris: Flammarion, 1996.
[5] Il s'agit de l'écriture des réseaux. Voir: C. Herrenschmidt, "Écriture, monnaies, réseaux: Inventions des Anciens, inventions des Modernes", Le Débat, no.106, septembre-octobre 1999.
[6] M. Cicurel, La Génération inoxydable, (réédition Hachette Pluriel), 1989, p.40.
[7] J'avoue ignorer ce qui s'est passé pour la monnaie australienne.
[8] C'est également ce que démontre S. Gasquet-More, Plus vite que son nombre: Déchiffrer l'information, Paris: Seuil, 1999.
[9] G. Ifrah, The Universal History of Numbers, London: Harvill, 2000.