RESUME |
Ricard Ripoll Villanueva
Universitat Autònoma de Barcelona
1. De l'autre à soi : rupture et renaissance |
Etre l'autre, tout en étant soi-même ; écrire l'angoisse de la séparation, tout en acceptant la langue dans laquelle cette séparation se dévoile ; repenser, du départ - qui est un rejet de l'autre vers soi - à l'arrivée - qui est marquée par le rejet de soi à l'autre, l'itinéraire d'un déplacement qui devient co-naissance ; évoquer sans cesse les figures d'origines qui, jusqu'alors, n'avaient aucune prise ; revisiter les lieux d'une présence mythique, pour se souvenir d'un passé qui n'a jamais existé (si ce n'est dans le désir d'identité qui, tout d'un coup, devient primordial), ou pour construire un futur au-delà des angoisses du temps... Telles sont, parmi d'autres, les figures d'un exil bien particulier : celui de l'écrivain qui abandonne son pays et qui ajoute au déplacement physique le déplacement de ses repères identitaires. Le Romantisme a sans doute reçu l'influence de ce genre de départ : de Madame de Staël à Victor Hugo, l'écrivain exilé conserve les liens avec sa patrie puisqu'il continue à écrire dans sa langue (et donc à communiquer avec ses mêmes lecteurs), contre le "mal du siècle" qui est en partie redevable à ces départs ignominieux. Mais que se passe-t-il lorsque l'écrivain, en s'exilant, s'exile également dans sa langue ? Lorsque son départ devient cassure, partage entre deux espaces, entre deux langues, entre deux cultures ?
La Guerre Civile espagnole (1936-39), et l'émigration politique postérieure, a provoqué ces exils particuliers où l'écrivain, soit parce qu'il ressent le besoin d'intégration, soit parce qu'il prétend oublier son passé, choisit de s'exprimer dans la langue du pays d'accueil. De grands écrivains Espagnols (ou Français ?) témoignent de cette situation : Michel del Castillo, Fernando Arrabal, Jorge Semprún, et Agustín Gómez-Arcos.
Ce dernier, en écrivant Ana Non, en 1977, évoque la nécessité d'écrire cette angoisse du rejet en reprenant l'histoire moderne de cette Espagne qui l'a abandonné et, en choisissant la langue française, il adopte un ton didactique qui lui permet d'expliquer (de s'expliquer) les raisons d'un exil aussi cruel. Car cet exil, non seulement éloigne le sujet de son espace familial, mais surtout le sépare de ce qui jusqu'alors n'était aucunement senti : sa propre culture. C'est dire que, pour reconnaître son identité, il aura fallu la perdre ou la sentir vaciller auprès d'une autre culture au moment où cette dernière est susceptible de la nier. Les lieux communs culturels deviennent alors le lieu commun d'une origine à retrouver pour s'accepter comme étranger, ayant une culture passée, et pour construire une nouvelle identité, culture future, qui évite à l'écrivain d'être un "corps étranger".
Ainsi l'exil apparaît telle une bataille entre des origines recréées et de nouveaux repères qui se construisent au fil d'une grammaire tardive ; et l'Autre qui accueille devient le lecteur d'un drame qui se dévoile comme fiction - écriture - d'un Réel personnel. Ana Non, le personnage du roman de Gómez-Arcos, représente la figure de cette confusion. Son périple, du Sud au Nord de l'Espagne[1], montre au lecteur Français une géographie culturelle qui s'accompagne, par l'évocation de la Seconde République Espagnole confrontée à l'Espagne franquiste, de la présentation d'une histoire très largement mythiques.
2. Le voyage : structures du déplacement |
Les romans d'Agustín Gómez-Arcos constituent une recherche obstinée des origines. L'auteur, né en 1939 à Almeria (Andalousie) et mort à Paris en 1998, quittait l'Espagne en 1966 à cause de la censure ; il abandonnait sa langue et publiait son premier roman en français, L'agneau carnivore (Stock), en 1975. Cette double déchirure - exil géographique et exil culturel - va sans aucun doute modeler son écriture. Le thème de l'Espagne franquiste traverse ses romans : Maria Republica (1976), Ana Non (1977), L'enfant pain (1983), Un oiseau brûlé vif (1984), etc. Dans Ana Non (Stock), l'Histoire concerne deux moments antithétiques : la Seconde République (1931 - 1939) et le franquisme (1939 - 1975). Cette Histoire, double, est à lire comme le recto-verso d'une feuille sur laquelle s'écrirait une histoire particulière, celle de l'écrivain, organisant sa fiction dans un espace marqué par la rupture, l'ouverture et la création d'une linéarité spatiale.
Le personnage du roman, Ana, décide dès le départ d'abandonner son lieu habituel (sa maison - univers de la clôture) pour emprunter une route qui va la conduire jusqu'au Nord où elle veut rejoindre son fils emprisonné. Cette rupture apparaît comme un cri, cri de vie, de naissance, et, en même temps, comme création d'un itinéraire tragique qui ne peut déboucher que sur la mort. Naître, c'est déjà mourir. Il s'agit également d'une descente aux enfers, le Nord devenant l'image de la Mort. Mais cette rupture nécessaire va ouvrir le personnage sur un monde inconnu qui n'est autre que celui de la société espagnole[2]. A partir de là, l'espace va se construire autour de la figure du tourbillon qui avale, par attraction, tout ce qui s'en approche. L'oeil du tourbillon, ici, est le centre de l'Espagne : un lieu d'abîme, d'engouffrement, de répétition.
L'espace du livre lui-même réfléchit cette force d'attraction. Il est composé de seize chapitres, notés de 1 à 16. Or l'un de ces chapitres est noté "8 et 9". Chapitre central où il est question du Centre de l'Espagne, de la Castille. Ainsi, les sept premiers chapitres représentent le Sud (éloignement progressif et linéaire vers le Centre) ; les sept derniers chapitres représentent le Nord (éloignement du Centre).
Le périple d'Ana devient donc symbolique et doit être lu par rapport à la confrontation de deux temps (Passé de la République vs Présent du franquisme) et de deux espaces (espace de l'exil, porté vers le futur vs espace de la Culture, inscrit dans le hors-temps). Ce voyage confronte le personnage au destin d'une Espagne éternelle. En particulier, lorsque Ana arrive au Centre du livre - Centre de l'Espagne -, elle rencontre un aveugle-voyant qui va suspendre le mouvement du personnage. Ce personnage, appelé Trinidad, devient un "Lazarillo" qui va enseigner l'Espagne à Ana, et son destin tragique.
Ainsi, la Culture centrale est suspension, elle devient éternité : elle échappe au Temps. Ana apprend ce que signifie être Espagnole. Son nom n'est que la fin de "Espana" lorsque ce mot est lu par un Français, sans "tilde"[3]. Le déplacement du personnage organise donc un schéma symbolique : éloignement du Passé, de l'univers familial, de la mer, et connaissance du tragique, du destin de l'Espagne, qui est assomption de la mort. Le déplacement, de plus, permet de donner une vision panoramique de l'essence espagnole à travers des références politiques et culturelles : "Valle de los Caidos", "Tormes", "Salamanque". Au Centre du livre se concentrent les allusions littéraires : Saint Jean de la Croix, Fray Luis de Leon, Unamuno, Garcilaso de la Vega... Ana dit : "nous sommes dans le berceau de toute notre culture, autrement dit de notre angoisse" (p. 145)[4].
3. Figures d'une absence |
Ainsi Ana Non construit un espace-temps autour d'images antagoniques : Sud vs Nord, Seconde République vs Franquisme et contribue à mythifier un Passé glorieux : celui de la Seconde République. Mais, en même temps, ce qui nous intéresse davantage, c'est que l'image du Nord acquière, au fil du roman, un caractère mythique. C'est le lieu de la libération. Ana apprend le Nord dans la violence (rupture). Pour Gómez-Arcos, l'Espagne est le lieu de la confrontation des instincts de vie et de mort. Elle est l'espace tragique d'Eros et de Thanatos : la Mère originelle, comme Ana. Ce personnage oscille de la Vie à la Mort, de la Nature (retour mythique au passé) à la Culture (instinct de protection). Le personnage adopte ainsi une dimension métaphysique : Ana est en proie à une ubiquité où l'espace et le temps se fondent et deviennent éternels.
Le voyage qu'entreprend Ana doit être lu comme une allégorie de l'existence. Ana se dépouille peu à peu de son nom de famille (Ana Paücha) pour créer sa propre vie, ce Non qui est négation du nom et, en même temps, revendication d'une culture. La route qu'elle suit est une sorte de cordon ombilical qui l'unit à son fils mais aussi à un futur qu'elle ne connaît pas : à un exil en devenir.
Le parcours du personnage est étrangement lié à celui de l'écrivain. Ana quitte sa maison, avec le regret du passé, vers un Nord qui devient l'espace d'une libération, d'une renaissance. Mais l'exil - l'abandon de la maison familiale - établit un manque. Il existe, entre le passé et le futur, entre le Sud et le Nord, un état intermédiaire qui, dans le roman, a pour nom "Centre" et qui est marqué par la présence obsessive de la figure maternelle. Gómez-Arcos, pour sa part, passe sans transition de l'Espagne (pays d'origine) à la France (pays d'accueil) et un vide est créé d'où naît une écriture qui vise à le combler. Le parcours de l'écrivain, dans son exil, entre deux mondes opposés (Espagne-France) masque ce vide qui se dévoile, sous une forme symbolique, lors de l'analyse du schéma lexical du roman. En effet, Ana Non est construit en trois parties dominées par trois instances : la "mer" (symbole des origines au début du roman), la "mère" (au milieu du livre où Ana met en scène des instincts maternels) et la "mort" (du fils, dans la dernière partie). Il est également possible de voir émerger un schéma culturel qui, en trois temps, tournerait autour de la culture d'origine (Andalousie), la culture a-temporelle (Essence de l'Espagne) et la culture d'adoption (France). Au schéma Sud/Mer/Origines'oppose celui de Nord/Mort/Adoption. Entre ces deux réalités le texte tisse un imaginaire qui fonctionne sur les éléments du Centre, de la Mère (patrie) et de la Culture (Tradition).
Ainsi l'exil suppose l'angoisse d'un vide comblé par le symbole et le regret d'un temps (la Seconde République Espagnole) et d'un espace (Le Siècle d'Or) mythiques. Le roman est à lire dans ce qu'il tait et qui s'inscrit dans un discours qui marque l'arrêt sur la permanence d'une culture mythifiée. L'Espagne de Gómez-Arcos, comme celle d'Arrabal - où l'absence du Père évoque une autre angoisse -, comme celle de Del Castillo (frappé par la tragédie de l'abandon, de son père puis de sa mère), est une Espagne qui indique un paradis perdu et ces auteurs le cherchent parmi les figures de la stabilité. Dans Ana Non, ces figures sont associées à la Castille représentant la Culture traditionnelle, Mère de l'Espagne. Ainsi, cette maternité reconnue vient sublimer le déracinement de l'écrivain. Il est à noter que le Père est souvent absent des romans de Gómez-Arcos ou alors il subit une violence extrême. Dans Scène de chasse (furtive) (Stock, 1978), le père a été assassiné par le chef de la Police d'une ville du Nord. Dans L'agneau carnivore, le Père est enfermé dans sa propre maison.
4. L'écriture de l'exil : l'image du Père cruel |
L'exil, dans les premiers romans de Gómez-Arcos, se traduit par une myriade de thèmes qui tournent autour de l'exclusion, la mémoire et la vengeance.
L'Espagne de Gómez-Arcos est double : celle officielle des vainqueurs, à qui l'on rend tous les hommages ; et l'autre, celle des vaincus, que l'on s'efforce d'oublier. L'exclusion est souvent vue comme une évangélisation. Il ne reste souvent que la mémoire. Il s'agit d'une arme qui prépare la vengeance. Dans Scène de chasse (furtive), Gómez-Arcos présente une mère qui prépare, pendant de longues années, son fils afin que celui-ci venge le père assassiné par le Chef de la Police. Le motif de la vengeance répond directement à celui de l'exclusion pratiquée par le franquisme. C'est la vengeance qui permet d'assurer l'identité des personnages. L'Enfant miraculée (Fayard, 1981), pour sa part, est l'histoire de la vengeance de Juliana, fille moralement violée par sa famille. Il n'y a que la mère qui ne participe pas à ce viol. La vengeance est un acte contre le Père, contre la Loi totalitaire.
Le Père est souvent l'image de la violence contre le passé : il est cause de l'exil, de la rupture. Il est angoisse et uniquement sa négation peut mener à la libération. Le Père, pour Gómez-Arcos, n'est autre que Franco. Et la Mère, cette Espagne mythique, a subi le viol qu'elle veut nier. L'écriture devient l'arme la plus efficace pour conserver la mémoire et en faire un instrument de vengeance. Mais cette arme ne devient "acceptable", pure, que si elle se sépare d'une nécessité naturelle pour s'inscrire comme arme culturelle. La langue n'est donc pas innocente, et le choix du français pour Gómez-Arcos répond à une stratégie du rejet en même temps qu'à la nécessité d'un éloignement du tragique.
5. Aventures des exils modernes |
Les textes de Gómez-Arcos sont l'exemple d'exils modernes qui posent le problème des origines, de l'inscription de la tradition au sein d'une société qui évolue sans cesse, du rapport entre cultures dans un même Etat. Le cas de l'Espagne est, de ce point de vue, paradigmatique. Alors que la dictature de Franco imposait une Espagne "une, grande et libre", la démocratie engagée sur des bases très faibles après la mort du dictateur n'a pas su (ou n'a pas osé) respecter la pluralité nationale (Galicie, Euskadi, Catalogne) sans la dissoudre au sein d'un fractionnement autonomique. L'idée d'une Espagne unique, où la diversité culturelle serait une question folklorique, s'impose de plus en plus à cause de la peur d'une perte de souveraineté devant l'ouverture à l'Europe. Si aujourd'hui le nationalisme espagnol - nationalisme de l'essence - combat les autres nationalismes internes sous couvert de modernité, pour l'exilé espagnol des années soixante[5], la Culture n'est compréhensible que dans l'assomption d'un passé commun, d'une Histoire commune plaçant le Centre comme point de référence et essence d'un caractère espagnol.
L'exil, comme au début des temps, est le point de départ d'une renaissance : table rase du passé contaminé par l'agression des vainqueurs, il permet d'échapper à l'angoisse. Ce sont des exils qui se construisent autour du viol symbolique de la Mère (Patrie) par le Père autoritaire : l'écrivain, en évoquant son histoire, montre son angoisse et le refus d'une culture imposée. L'écrivain qui change sa langue (Nabokov, Kundera...) continue, le plus souvent, dans une langue étrangère, à décrire un espace qui est celui de son passé.
Mais quel est le statut de cette langue étrangère ? Langue à laquelle il renaît, langue d'une culture d'adoption, choisie et non pas imposée, la langue étrangère pour l'écrivain exilé est l'espace d'une thérapie où il pourra se décrire sans y associer le rythme ou les sons d'un passé qui l'a frustré. Mais, surtout, la langue étrangère lui permet de combattre au lieu même où il voudrait que sa parole porte. Gómez-Arcos, en écrivant en français, présente "le problème espagnol" non plus d'un extérieur qui pourrait émouvoir, mais de l'intérieur en contaminant la littérature française du motif de l'exil.
L'exil marque donc le passage d'un "naître" à un être fictif : quelqu'un se construisant à volonté à partir d'une image. Mais la distance établie avec sa culture d'origine va gommer les traits distinctifs et se concentrer sur les images prototypiques, les lieux communs de cette culture, car l'exilé aura besoin de regarder avec les mêmes yeux d'où l'on regarde la culture d'où il vient. Gómez-Arcos, écrivain d'Andalousie, gomme cette particularité et adopte, comme culture d'origine, la culture castillane, l'essence même d'une idée d'Espagne qui était celle imposée à l'école pendant la dictature franquiste. De loin, l'Espagne "une, grande et libre", face à la peur de la dissolution des origines, reprend un sens : unité autour de l'essence espagnole ; grandeur des noms associés à l'histoire de la Castille ; liberté de l'intelligentsia dispersée.
Pour que le public français comprenne, il faut réduire à l'essentiel le problème espagnol qui devient alors angoisse de la mère patrie oubliée et à qui il faut rendre hommage. En s'exilant, l'écrivain pénètre dans une Culture a-temporelle qui lui permet de s'éloigner de sa propre tragédie. Il montre aux autres l'espace d'une angoisse à laquelle il prétend échapper en simplifiant les données du problème et en "inventant" une Culture capable d'échapper au temps et de devenir éternelle, mythique.
6. Conclusion |
L'exil conduit au mythe. L'image d'un Paradis perdu prend corps. Un manque s'inscrit qui demande à être comblé par le stéréotype car c'est l'Autre qui devient récepteur d'une angoisse à vaincre. L'Autre, comme destinataire d'un malaise des origines, filtre les tensions de l'Histoire et demande la concentration des faits. Résumer son angoisse, c'est la déformer pour qu'elle soit acceptable aux yeux de celui qui n'en connaît pas les raisons profondes, qui ne peut en saisir que des motifs de superficie. Pour qu'elle devienne mythe et soit adoptée, car l'écoute n'est pas suffisante, il faut encore que l'histoire réponde au besoin de l'Autre ; et son besoin est culturel. "Je veux connaître ta culture" dit l'Autre. Et la Culture s'impose à coups d'images grossières, de faits massifs, de noms inscrits dans tous les manuels. Car la connaissance n'est profonde que lorsqu'elle vise une naissance, un nouveau projet qui suppose une expérience : mais l'Autre ne prétend qu'un savoir essentiel, rapide, discret.
Ainsi l'exil suppose souvent la réduction des têtes, à la manière des Jivaros : pour mieux les faire rentrer dans la Culture d'adoption. Le jacobinisme français, par exemple, oblige à imiter une concentration vers le centre. L'Autre organise les stratégies et impose ses critères. L'exil est alors renonciation. Car toutes les images que l'on extériorise, en définitive, ne visent qu'à la compréhension de soi : que Je puisse être aimer de l'Autre[6].
L'exil de l'écrivain est souvent la recherche d'une écriture, d'une voie à tracer, la possibilité de dire une angoisse qui est commune à tous : l'angoisse des origines qui est aussi angoisse du Vide.
Notes
[1] De l'Andalousie au Pays Basque, le voyage mime le passage d'une économie primaire (peuple de pêcheurs où la mer est essentielle) à un ordre industriel. Il s'agit d'un micro-symbole qui se répète dans la confrontation Espagne/France ou Dictature/Liberté, ou encore : Passé/Futur, à lire comme questionnement de la propre identité.
[2] Le récit se construit au fil de scènes qui, tels des fragments de vies, montrent différents moments du caractère espagnol : recontre avec une chienne, description d'une fête de la Charité, connaissance d'un "aveugle-voyant", présence d'un cirque...
[3] Ana est en effet l'image d'une Espagne à donner à un public Français.
[4] Il est à noter que les références culturelles tournent autour de deux mouvements littéraires : le Siècle d'Or espagnol et la Génération de 98. Aucune allusion aux poètes de la Génération de 1927, pourtant plus proches des origines et du personnage et de l'auteur : Alberti, Lorca...
[5] Il faut toutefois constater que les exilés de Catalogne, d'Euskadi et même de Galicie qui avaient une forte conscience nationaliste maintiendront en général une fidélité à leur langue et à leur identité et feront de leur exil une parenthèse, ayant l'espoir d'un retour aux sources.
[6] L'exilé pense alors ainsi : "Puisque l'exil m'a éloigné des miens, je me rapproche de l'Autre en lui expliquant une expérience qu'il ne peut comprendre que si je la résume. Sa compréhension est le gage de son futur amour."
Ouvrages de Gómez-Arcos cités:
---. Ana Non. Paris : Stock, 1977.
---. L'agneau carnivore. Paris : Stock, 1975.
---. Maria Republica. Paris : Seuil, 1976.
---. Scène de chasse (furtive). Paris : Stock, 1978.
---. L'enfant miraculée. Paris : Fayard, 1981.
---. L'enfant pain. Paris : Seuil, 1983.
---. Un oiseau brûlé vif. Paris : Seuil, 1984.
Dr. Ricard Ripoll Villanueva (Sueca, 1959) est maître de conférences au Département de Philologie Française et Romane de l'Universitat Autònoma de Barcelona (Spain). Il enseigne la littérature française. Sa thèse de Doctorat était consacrée à l'écriture textuelle et, en particulier, à l'oeuvre de Philippe Sollers qui se situe dans les années Tel Quel. Spécialiste de la Modernité poétique et des avant-gardes littéraires du XXe siècle, il dirige un groupe universitaire, le GRES (Groupe de Recherches sur les Ecritures Subversives), qui prétend mettre en place une réflexion autour de l'illisible, de la fuite du sens et des limites de la littérature. Il a publié dernièrement "l'aventure du fictif" (Fabula) https://www.fabula.org/effet/interventions/14.php et prononcera, au I Congrés International du Groupe de Recherches sur les Ecritures Subversives (GRES) du Département de Philologie Française et Romane de l'Universitat Autònoma de Barcelona (qui se tiendra à Barcelona, du 21 au 23 juin), une conférence sur la fragmentation littéraire.