Mots pluriels
    no 12. Déembre 1999
    https://www.arts.uwa.edu.au/MotsPluriels/MP1299mlt.html
    © Marie-Léontine Tsibinda


    T comme Théâtre - T comme Théâtre - T comme Théâtre

    Tarentelle tropicale

    Extrait
    d'une pièce de théâtre

    de
    Marie-Léontine Tsibinda

    Prière de lire la notice sur la protection des droits d'auteur


    Cette pièce est dédiée à Olga MBEMBE
    et à tous les Humains qui disent non à la violence.

    * * *

    Scène 3

    Amwa

    (Il s'avance lentement vers la femme. A son oreille il crie:)
    Encore en conversation avec son Dieu
    (Elle sursaute)

    Dissey

    Mais...

    Amwa

    (Lui coupe la parole. Air fébrile).
    Et moi, tu ne me vois pas ? Tu ne peux pas me parler ? Tu ne veux pas me parler ? (Il tourne autour d'elle). Je n'existe pas pour toi ? Vraiment pas ? Lui, tu ne le vois pas ! Mais moi, je suis là (il se frappe la poitrine). Tu ne me vois plus ?

    Dissey

    Pourquoi te torturer ainsi, Amwa ? Tu peux lui parler toi aussi. Lui dire ce que tu penses. Il t'écoutera. Pourquoi es-tu révolté contre lui ?

    Amwa

    Pourquoi je suis révolté ? Tu me demandes pourquoi je suis révolté ? Il est le créateur de tout ce qui est sur terre, non ? Il est le Créateur de ma misère aussi.

    Dissey

    (Conciliante).
    Ta misère ? C'est l'homme lui-même qui est artisan de sa misère. C'est lui qui la met en route.

    Amwa

    (Malheureux).
    Regarde un peu quel genre d'homme je suis devenu. (Il se prend la tête entre les mains). Je ne peux même plus nourrir correctement ma famille. Ma maison est vide. (Il tourne des regards égarés à travers son salon) plus de musique, plus d'information, (débit rapide) plus de télévision, plus de meubles, (il marche dans le salon, lève les bras). Demain, ils viendront vider ma chambre ! Et demain, commencera sans doute une longue errance. (Il s'immobilise. Regarde le public). Où irai-je ?

    Dissey

    Tu veux dire où nous irons ? Les enfants et moi, nous existons. Tu ne les entends pas jouer, rire avec leurs amies ? Ils sont notre espérance. Ils sont la force qui nous permet de survivre. (Elle s'avance vers Amwa. Tu dois le croire.

    Amwa

    Comment croire quand ils vont encore chanter la faim ?

    Dissey

    (Essayant de lui donner courage)
    Je vends au marché. Demain je ferai autre chose. Ce n'est pas la fortune. Nous survivrons. (On entend la chanson de la faim. Amwa sursaute comme piqué par une guêpe. Il se bouche les oreilles. La chanson de vient de plus en plus forte. Dissey essaie de le consoler).

    Dissey

    Ecoute, j'ai une idée. J'irai voir Tembenye. C'est ton frère. (Son visage a un sourire). Il a une bonne situation. Il va nous aider.

    Amwa

    ( Amwa la regarde interloqué).
    Tu sais qu'il aime nager dans les eaux troubles. (Il ricane). Te souviens-tu de l'époque où il s'est mis à voyager, à ramener des voitures de toutes sortes ?

    Dissey

    Oui, bien sûr. Des individus bizarres ont commencé à nous fréquenter, la police aussi de façon plus discrète.

    Amwa

    Notre maison était surveillée nuit et jour. Lui demander de l'aide aujourd'hui, c'est creuser notre tombe. (Il secoue la tête). Je ne veux pas de cette aide. (Lentement, en la fixant dans les yeux) continue tes petites affaires. Je ferai tous les tours nécessaires au Bureau de liquidation. (Il essaie de se donner une contenance). Je finirai bien par avoir mon dû. Cet argent, je ne l'ai pas volé, je ne l'ai pas détourné, tu comprends ?

    Dissey

    N'empêche que ton frère peut nous aider.

    Amwa

    Et moi, je dis niet. Sais-tu où cette aide peut nous entraîner ?

    © Marie-Léontine Tsibinda

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