Le début du roman
Le Lys et le Flamboyant. Paris Seuil, 1997. (p.11)


Nous l'avons enterrée hier après-midi.
Combien étions-nous à l'accompagner? Je n'ai jamais su évaluer l'importance des foules.
C'est avec quelques jours de retard que j'ai appris la nouvelle de sa mort. La Semaine africaine lui a consacré un bref article, signé de deux initiales, et illustré d'une photo de médiocre qualité. Dans l'esquisse d'un déhanchement de rumba, elle arbore un sourire engageant et agite sa main en direction du public avant de quitter la scène. Un cliché déjà maintes fois utilisé par notre presse. Il date, je crois, du festival d'Alger. Mille neuf cent soixante-huit ou bien soixante-neuf...
Le matin, à un feu rouge, j'avais acheté à un vendeur à la criée le dernier numéro de l'hebdomadaire Etumba. Lui aussi a consacré quelques colonnes à la mort de Kolélé. L'article constitue une copie à peine adaptée de celui de La Semaine.
Kolélé y est présentée en Congolaise typique, Noire bon teint. Pas un mot sur ses origines. Sa biographie débute avec ses chansons des années soixante.
Je n'ai pas de mal à identifier les véritables auteurs des deux papiers: le Tamango d'Étumba aussi bien que les deux initiales de La Semaine. Aucune documentation sérieuse chez le premier. On ne pourrait même pas se servir de ses informations pour une brève entrée d'encyclopédie. Tamango fait de la chanteuse une espèce de Myriam Makéba de dimension régionale qui aurait consacré sa vie et sa carrière à la chanson patriotique et à la lutte anti-impérialiste. L'auteur se complaît dans l'énumération des tournées de Kolélé en Union soviétique, Chine et Corée.