Quand Djani arriva à la maison d'édition Rivage, il était dix-sept heures quarante-cinq. Il trouva à la réception un planton qui lui indiqua les bureaux de la direction générale. Ceux-ci se trouvaient au premier étage. Djani vit à sa gauche, en haut de l'escalier, une porte avec l'inscription: « Secrétariat » et il y frappa. Il entendit répondre. Il ouvrit la porte, traversa une petite salle d'attente et trouva une jeune femme en train de téléphoner.

La jeune femme le dévisagea des pieds à la tête et poursuivit sa conversation au téléphone. Djani, qui ne voulait pas avoir l'air indiscret, alla s' asseoir dans la salle d'attente. Il était en train de feuilleter le dernier numéro de Jeune Afrique quand il entendit la voix de la jeune femme l'invitant à venir.

--Bonjour Madame, mon nom est Taro, j'ai pris rendez-vous avec le directeur général pour dix-sept heures trente mais je suis un peu en retard. Est-ce que Monsieur le Directeur Général peut me recevoir?

--Monsieur Taro, hein? Ah oui, vous aviez téléphoné de Mono. Vous êtes en retard, le directeur est en réunion, je ne sais s'il pourra vous recevoir. C'est à quel sujet?

--Je voudrais lui soumettre un manuscrit que je compte faire publier. J'aimerais bien le rencontrer en personne pour pouvoir en discuter avec lui.

--Ah! Vous savez, le directeur est très pris ces temps-ci. C'est moi qui vous avais donné cette heure, croyant qu'il serait libre. Mais ce midi, il a reçu la visite d'un éditeur français et depuis, ils sont en séance de travail. Mais il a demandé à la directrice du service littéraire de vous recevoir. Les manuscrits à publier sont de son ressort. Vous voulez la voir? Je vais vérifier si elle est dans son bureau.

Elle composa le numéro du bureau de la directrice du service littéraire et n'obtint pas de réponse. Elle appela ensuite sa secrétaire qui lui annonça que la directrice était partie à un vernissage au Centre Culturel Français.

--Monsieur Taro je suis désolée, la directrice du service littéraire n'est pas là. Que décidez-vous? Vous revenez ou vous me confiez votre manuscrit?

--Et si j'attendais un peu que le directeur ait terminé?

--Ah, vous savez ça peut durer! Et comme il ne vous a pas programmé pour ce soir, il ne pourra vraiment pas vous recevoir. Il vaut mieux que vous reveniez un autre jour, disons, lundi après-midi à la même heure?

--Oui Madame, je préfère revenir avec mon manuscrit. Bien, merci pour votre amabilité, au revoir et bon week-end.

--Merci, à vous pareillement.

Djani quitta le bureau et revint sur ses pas. La secrétaire se préparait à partir.

--S'il vous plaît Madame, j'ai un service à vous demander. Je viens de Mono et je ne connais pas bien Kuta, pourriez-vous me dire où je trouverais un hôtel pas trop cher et de préférence en ville?

--Hum! Des hôtels, ça ne manque pas à Kuta. Mais s'ils ne sont pas trop chers, je n'en sais rien. Attendez un instant, je vais voir dans l'annuaire les hôtels qu'il y a au centre-ville.

--Merci beaucoup Madame, vous êtes très aimable.

La secrétaire appela différents hôtels et son choix s'arrêta sur l'hôtel Soleil qui louait des chambres à six mille francs la nuit. Elle demanda à Djani si cela lui convenait et lui réserva une chambre. Elle lui indiqua ensuite comment il devait s'y rendre, ferma son bureau et descendit avec lui. Puis prenant sa motocyclette Honda sur le parking devant l'immeuble et s'installant dessus, elle déclara à Djani:

--Je ne prends pas d'homme sur ma moto, sinon je vous aurais déposé à votre hôtel. Bon, au revoir, vous trouverez un taxi en face. Bon week-end à Kuta!

--Madame, je ne suis pas un homme, vous pouvez me prendre sur votre moto . . . et me faire visiter Kuta-la-belle?

La secrétaire rit à belles dents et dépassa Djani en lui faisant un signe de la main auquel il répondit avec son sourire des grands jours.