Abdoulaye Gueye
CELAT, Université Laval à Québec
Souvent, les chercheurs appréhendent la question de la fuite des cerveaux à la manière de disciples qui estiment que la vérité sur cet objet a déjà été prodiguée par "les maîtres". L'on ne se préoccupe pas de sa texture sémantique, l'on ne se soucie guère de montrer que le terme est approprié au contexte où on l'emploie. La présente réflexion se veut d'abord un exercice épistémologique. Elle interroge la pertinence de l'usage du terme fuite de cerveaux africains en mettant en exergue des données sociologiques qui rendent compte de sa dimension équivoque, et donc de l'utilité de le définir. Cette réflexion cherche ensuite à établir des faits socio-historiques significatifs qui attestent la réalité de ce problème. Je montrerai ainsi, dans le second pan de mon analyse, que démarche inenvisageable, puis décriée, l'expatriation est devenue par la suite une étape valorisante dans la trajectoire de la classe intellectuelle africaine.
UNE EXPRESSION CONCEPTUELLE IDEOLOGIQUEMENT CONNOTEE |
Alors qu'un nombre assez important d'ouvrages en traitent, la thématique de la fuite des cerveaux reste encore parsemée de beaucoup de zones d'ombre et la lecture des études qui lui ont été consacrées soulignent des problèmes de plusieurs ordres.
Le sens de fuite en contexte d'internationalisation de l'activité scientifique |
Le déplacement du continent africain à l'Europe ou l'Amérique du Nord est une étape presque normale dans la vie des ressortissants de l'Afrique qui bénéficient d'un niveau d'études supérieures. Cette démarche s'explique par plusieurs raisons : la politique de coopération universitaire des États africains avec quelques pays occidentaux qui répond au besoin des premiers de pallier les limites de leur système d'enseignement ; le fétichisme du diplôme délivré par les universités occidentales dans la plupart des pays africains ; et l'internationalisation de l'activité académique qui amène les universitaires à des séjours d'enseignement ou de recherche hors de leur pays.
Les chercheurs s'entendent pour ne pas considérer comme fuite les départs s'inscrivant dans ce cadre, parce qu'ils intègrent une date de retour fixe. Toutefois, cette vision est sujette à caution au regard d'exemples de migration comme celui de V. Y. Mudimbe dont la présence aux États-Unis découle de l'obtention d'une bourse Fullbright[1]. Il faut remarquer que dans de nombreux cas la convoitise du diplôme universitaire occidental et le séjour de recherche en Europe et en Amérique du Nord sont au service de la stratégie d'installation en Occident. En raison d'une telle connexion, il me semble que seul à l'acte d'installation hors de son pays de départ en vue de l'exercice à long terme de sa profession renvoie le mot fuite à la thématique ici proposée.
Qu'est-ce qu'un cerveau ? |
Outre l'acception du mot fuite, un autre problème est de savoir, d'une part, sur quoi est fondée l'identité des individus définis comme des cerveaux, d'autre part, si dans les sociétés africaines traditionnelles ou contemporaines était (ou est) opérée entre les acteurs sociaux une distinction basée sur un qualificatif équivalent ?
Dans la littérature consacrée à la fuite des cerveaux, une définition consensuelle du terme cerveaux n'existe pas, que l'Afrique ou un quelconque continent en constitue le cadre d'analyse. Si certains textes réfèrent par ce terme à une catégorie de personnes ayant bénéficié d'une formation universitaire de haut niveau dans l'une des branches de la science, d'autres textes désignent aussi par le même mot des individus dotés d'un talent distinctif qui n'ont pas forcément bénéficié d'une formation universitaire. C'est ainsi que, dans ses statistiques, le bureau de l'immigration américain prend en compte aussi bien des chercheurs titulaires d'un doctorat que des artisans du secteur de l'alimentation, les pâtissiers par exemple[2]. En France, le rapport remis au premier ministre le 12 juillet 2001 sur les moyens d'éviter "une fuite des cerveaux massive", en conséquence de l'unification monétaire de l'espace économique européen, comprend dans le même mot diverses professions comme celles d'universitaire, de chef d'entreprise et de sportif[3].
De manière implicite, ces études commanditées ou réalisées par des structures administratives renferment un certain économisme. Elles considèrent comme des cerveaux, en particulier des individus dont l'activité professionnelle répond à une demande réelle et atteste une rentabilité tangible dans le champ économique. Ainsi, en ce début de siècle, le titulaire d'une maîtrise d'arts plastiques, peintre de profession, peut ne pas être compris dans cette catégorie, tandis que le bachelier exerçant la profession d'informaticien y est intégré.
Dans le champ spécifiquement académique, le terme de cerveaux est supposé renvoyer à une catégorie d'individus détenteurs d'une expertise scientifique. Ainsi, il est parfois défini à l'aide de mots considérés comme des équivalents : professionals (au sens anglo-saxon, à savoir des gens de métier, des techniciens, experts...), scientifiques, étudiants, etc[4]. Cette définition procède en fait plus d'une démarche descritpive que conceptuelle.
À la polysémie du terme de cerveaux s'ajoute la difficulté de déterminer sa pertinence dans les sociétés africaines. Sur cette question, le chercheur peut être partagé. Compte tenu du rapport qui est souvent établi dans la pensée occidentale entre la production ou l'émergence de cerveaux et l'écriture, compte tenu aussi de l'origine exogène de l'enseignement livresque en Afrique, la tentation est grande de récuser le bien-fondé de ce terme dans le contexte africain, au moins pendant la période antérieure à l'expansion européenne. Cependant, cette articulation était perceptible dans plusieurs sociétés africaines d'avant la conquête où l'on reconnaissait une catégorie d'individus rompus à la morale et à la jurisprudence islamiques qui bénéficiaient, de ce fait, d'un statut social enviable se manifestant par la déférence et la sollicitation de la part de leurs compatriotes. La littérature romanesque et scientifique[5] relate ainsi l'expérience de personnages comme Cheikh Ahmadou Bamba, le père de celui-ci ou Kali Madiakhaté Kala consultés aussi bien par des princes que des sujets pour éclairer un problème de société, proposer une solution à des conflits entre individus ou groupes sociaux[6].
Par ailleurs, le folklore africain laisse entendre que, dans une acception du terme cerveaux qui leur était probablement propre, plusieurs sociétés de l'Afrique avaient ainsi désigné une partie de leurs membres indépendamment de leur rapport à l'écriture. En premier lieu, la lecture des Contes d'Amadou Coumba[7]et de Contes et Lavanes[8] en fournissent une illustration percutante à travers le personnage de Leuck-le-lièvre. Défini par son ingéniosité, sa capacité d'analyser toutes sortes de situations et d'avancer des propositions résolutives aux problèmes de ses compatriotes, celui-ci symbolise le savoir et l'intelligence dans l'imaginaire sénégalais ; ainsi, comme l'écrit B. Diop, parce qu'"il savait beaucoup [...] tous avaient recours à lui à toutes les occasions de la vie quotidienne"[9]. En deuxième lieu, certaines langues africaines comprennent des expressions ou terminologies qui attestent la reconnaissance des cerveaux dans l'Afrique traditionnelle. Par exemple, dans la langue wolof existe l'expression "borom xam-xam"[10] (littéralement le(s) détenteur(s) de savoirs) qui réfèrent à un ou des individus dont le jugement et le conseil étaient considérés d'une valeur supérieure au sein de leur société[11]. Enfin, en admettant la synonymie entre le terme de cerveaux et le don ou pouvoir d'invention, de création, la possession d'un talent, "la capacité humaine d'être original et de marquer sa différence dans des compétences et domaines de connaissances particuliers"[12], on peut soutenir, sous l'inspiration de Jane Guyer, la réalité et la reconnaissance de cerveaux dans l'Afrique d'avant la présence arabe et européenne. À partir d'une recherche en Afrique équatoriale, cette anthropologue découvre que dans cette région, "on reconnaissait les talents plutôt qu'on ne les fabriquait" grâce au triple procédé consistant à observer pour déceler le talent d'une jeune personne, le stimuler, et lui assurer la latitude nésssaire pour s'exprimer harmonieusement[13].
Africain : une identité problématique |
Le troisième problème à la charge du chercheur a trait à l'entendement d'africain. A lui seul, ce terme identificatoire est problématique. Est-on africain par sa nationalité ? Par son lieu de naissance ? Par son lieu de socialisation ? Par sa caractéristique phénotypique ? Par l'ensemble de ces variables ? S'arrêter sur ce terme n'est pas inutile car sa définition détermine la pertinence de l'expression fuite des cerveaux africains.
Démontrer cette pertinence est un exercice difficile dans la mesure où l'hybridité qui caractérise notre époque n'aide pas réellement à rendre intelligible le mot africain. Comment confiner un individu dans l'unique identité d'Africain lorsque, par exemple, la détention de la double nationalité (celle d'un pays d'Afrique et celle d'un pays occidental par exemple), la socialisation en terre européenne du fait de la déportation ou de la fuite d'une guerre en Afrique ou le métissage culturel et phénotypique le caractérise ? J'aimerais être plus concret un instant afin de mieux mettre en évidence la dimension heuristique de cette question. Sachant que le poète David Diop est né à Bordeaux et qu'il a été élevé ensuite à Paris par des parents venus du Sénégal, pour l'un, et du Cameroun, pour l'autre, peut-on péremptoirement le considérer comme un cerveau africain en fuite en France ? La trajectoire identitaire de certains de nos contemporains est du reste tout aussi éclairante. Un exemple est Mahmood Mamdani, né et élévé en Ouganda par des parents indiens, il est actuellement professeur d'anthropologie et directeur de l'Institute of African Studies à Columbia University. Doit-on le citer comme un cerveau africain en fuite? Plutôt un cerveau indien en fuite ? Un autre cas tout aussi instructif est celui de R. Bazenguissa-Ganga : sociologue, maître de conférences à l'université de Lille III, né au Congo Brazzaville de parents congolais, il est venu s'installer, avec les siens, en banlieue parisienne alors qu'il avait à peine 10 ans. Aujourd'hui, les trois quarts de sa vie se sont déroulés en France, pays dont il maîtrise mieux les codes normatifs, les choix ethiques et les us et coutumes que ceux du Congo. Sachant que l'État français a investi énormément plus pour l'éducation scolaire, pour la santé, bref pour l'épanouissement socio-professionnel de ce chercheur que ne l'a fait l'État ou le peuple congolais, doit-on le désigner comme un cerveau africain bénéficiant à la France ?
Les remarques précédentes sont appropriées pour deux raisons :
a) La première est la proposition avancée par J. N. Baghwati[14]. Ce chercheur indien proposait dans les années 70 un système de taxation destinée à atténuer, sinon à corriger le préjudice supposé corrélatif à la fuite des cerveaux. Cela eût consisté pour les pays du Nord à verser aux pays du Sud, dont ils emploient les ressortissants qualifiés, une manne financière en guise de remboursement des frais consentis par ceux-ci pour la formation professionnelle, le suivi médical de ces travailleurs avant leur installation en terre étrangère.
Ce que l'argument de Baghwati contient d'intéressant, c'est l'idée que le professionnel considéré comme un cerveau est économiquement redevable à un pays, et, par conséquent, est lié tacitement à celui-ci par un contrat de dette qu'il se doit d'honorer soit directement en se mettant au service de ce pays, soit indirectement par la décision de son pays d'installation de verser une somme compensatoire au premier. Une telle analyse met en évidence la dimension réprobatrice et normative qui se dissimule dans cette conception de la fuite des cerveaux. Du reste, en approfondissant la réflexion, on peut supposer que, à certains égards, le mot fuite est utilisé pour rendre compte de cet aspect normatif. Car si l'on fuit pour échapper à un bourreau par exemple, l'on fuit aussi pour éviter de payer sa dette envers la société ou envers un individu, alors que s'acquitter de cette dette est considéré comme un devoir.
Peut-on déduire de cette conception de la fuite des cerveaux que le non-entretien d'un chercheur par l'État de son pays d'origine l'émancipe vis-à-vis de celui-ci et par conséquent le rend libre de s'en détacher, de l'abandonner ? Est-ce à dire que tout savant expatrié dont la vie dans le pays de naissance est une succession de souffrances et de privations n'est nullement à considérer comme un cerveau en fuite ? Il s'agit de questions à considérer étant donné que l'idée qu'elles véhiculent structure en partie la lecture par nombre d'intellectuels africains de leur présence permanente dans un pays autre que leur pays de naissance. Les enquêtes que j'ai faites auprès d'intellectuels africains exerçant leur profession en France et au Québec en témoignent. Parfois, pour répondre aux critiques implicites ou explicites de leur choix d'installation en Occident, ces acteurs, d'autant plus qu'ils sont jeunes, précisent que, pour accomplir leur formation, ils ont dû faire face eux-mêmes ainsi que leurs familles jusqu'aux obligations et aux devoirs qui incombaient à l'État :
b) La seconde raison qui justifie ces remarques est que l'expression fuite des cerveaux charrie, sinon renferme une idéologie essentialiste rarement perçue par les chercheurs qui, pour la plupart, en usent sans distance critique. Il s'agit d'une idéologie qui veut que l'individu soit forcément et nécessairement d'un lieu et non point dans un entre-deux géographique, et donc enserre celui-ci dans une allégeance prioritaire et invariable à ce lieu. En fait, l'individu, quelle que soit sa trajectoire géographique est considéré comme le produit et la propriété naturelle d'un pays dont il ne devrait se départir.
Sous cet éclairage, on s'aperçoit que le terme de fuite des cerveaux est d'inspiration nationaliste en ce sens qu'il valorise et établit le "pays d'origine" comme le lieu d'attache légitime. En cela, il est à contre-courant d'un idéal post-moderniste. En effet, en privilégiant l'origine au détriment du choix[16], il refuse la mobilité géographique de l'individu ainsi que sa liberté de multiplier et de hiérarchiser ses appartenances identitaires, il nie aussi le trajet historique d'un monde où l'appartenance au pays, à la nation procède plutôt d'une démarche élective et non pas d'une prédétermination biologique ou ethnique.
Dans le cadre d'une réflexion sur les cerveaux africains, on ne peut ignorer une telle idéologie étant donné que sa pertinence est parfois remise en question par les acteurs ainsi désignés. L'historien Achille Mbembe, par exemple, alors enseignant à l'Université de Pennsylvanie, aux États-Unis, faisait une remarque bien à propos dans un article daté de 1993. S'interrogeant sur les implications de sa naissance, Mbembe soulignait qu'il est certes lui-même le produit d'un malheur généalogique, c'est-à-dire d'un acte extérieur qui l'a "fait naître et grandir quelque part", précisément au Cameroun, sur le continent africain, toutefois:
Lorsque l'appartenance à l'Afrique est à ce point relativisée par ceux mêmes qui y sont enfermés ; lorsque l'idéologie préside aussi largement à la conception du terme fuite de cerveaux, il importe de faire connaître les critères ou les raisons sur lesquels on s'appuie pour l'approche de la thématique ici proposée.
Le désaccord scientifique |
Le dernier problème qui est apparu à la suite de la lecture de travaux sur la fuite des cerveaux africains a trait à l'approche méthodologique différente et parfois inexistante des chercheurs. Situation dont il résulte un désaccord entre ces chercheurs sur la réalité même de leur objet d'étude. Un objet d'étude surréaliste la fuite des cerveaux africains ? Phénomène ou épiphénomène ?
Si une multitude d'auteurs présentent la fuite des cerveaux africains comme un phénomène social, il ne manque pas toutefois de chercheurs pour minimiser une telle vision en adoptant une approche statistique étroite ou une analyse microsociale.On peut le relever aussi bien dans les travaux d'un groupe de chercheurs du Ministère de l'Éducation Nationale française[18] que dans ceux d'une équipe formée par le Programme Afrique de la Social Science Research Council (SSRC), aux États-Unis, autour de Mesky Brhane et Mark Pires. Les deux groupes de chercheurs estiment possible d'étudier la question en établissant le nombre d'Africains, titulaires de doctorat, qui regagnent leur continent d'origine après l'obtention de leur titre universitaire, établissant ainsi le taux de "retour au pays". Par cette méthode, tant le premier groupe de chercheurs que le second laissent entendre l'idée que la fuite des cerveaux africains est un fait très marginal. D'après les chercheurs français, sur 10 Africains titulaires d'un doctorat d'une université française, seul 3 restent en France. Les autres retournent en Afrique où ils occupent un poste correspondant ou non à leur profil académique, ou sont simplement en chômage. L'équipe de la SSRC dont la recherche était subventionnée par la fondation Rockefeller a réalisé une étude auprès d'Africains titulaires d'un doctorat délivré par une université états-unienne ou canadienne. L'étude qui porte sur 1593 Africains ayant obtenu leur doctorat entre 1986 et 1996 a établi que ces diplômés étaient 640 à avoir regagné leur pays d'origine ou un autre pays africain et 335 à avoir choisi de rester dans leur pays de formation (Canada ou États-Unis), tandis que 599 d'entre eux étaient non localisés ; ces derniers pouvant être aussi bien en Afrique, en chômage ou en activité, que dans leur pays de formation, voire un autre pays.
Ces résultats montrent toute la difficulté d'appréhender un tel objet de recherche. La méthode statistique utilisée dans les deux travaux mentionnés peut certes permettre de nous éclairer sur l'ampleur et donc la réalité de la fuite des cerveaux africains. Seulement, cette méthode souffre d'une insuffisance, c'est qu'elle livre plutôt une connaissance photographique d'un problème. En saisissant l'objet d'étude à un instant t 1, très éphémère, elle perd de vue la mobilité géographique des cerveaux africains à long terme. Or, comme j'ai pu le constater dans mes enquêtes en France et au Québec, en l'espace de trois années, le ressortissant d'un pays d'Afrique titulaire d'un doctorat d'histoire d'une université parisienne peut passer du statut de docteur sans poste en France, à celui de chercheur associé dans un centre de recherche québécois, puis de professeur associé dans une université états-unienne. Une étude statistique sur la fuite des cerveaux africains ne peut tenir et rendre compte de cette évolution que si elle est longitudinale, c'est-à-dire en suivant sur une longue période (mettons 10 ans) la mobilité géographique d'un échantillon de personnes définies comme des cerveaux africains, tout en acceptant que ces résultats ne sont pas pour autant définitifs.
ANALYSE SOCIO-HISTORIQUE DE LA FUITE DES CERVEAUX AFRICAINS |
Échouer à produire des statistiques qui montrent que le taux de retour des cerveaux africains est inférieur au taux d'installation dans les pays de formation n'équivaut pas à prouver que la fuite des cerveaux africains n'est pas un objet sociologique. Après tout, la statistique n'a pas pour fonction de prouver l'existence sociologique d'un objet, tout au plus contribue-t-elle à sa visibilité.
En privilégiant l'observation sur la longue durée, je conçois la possibilité d'établir que la fuite des cerveaux constitue un fait social africain contemporain. J'entends par cerveaux africains des individus nés et socialisés en Afrique et détenteurs de la nationalité de l'un des pays de ce continent, que je définis comme des intellectuels en raison de l'acquisition de diplômes universitaires dont ils se prévalent pour justifier leur droit de servir d'analystes des dynamiques sociales africaines et de bénéficier du statut de guides ou de décideurs nationaux en Afrique.
Ces intellectuels ont été acteurs entre le début des années 50 et la fin des années 90 ; en fait une période historique qui dissimule deux cultures générationnelles valorisant et percevant chacune différemment l'idée du retour de l'intellectuel africain dans son continent de départ. La première était prépondérante du début des années 50 à la fin des années 70 et la seconde prégnante à partir des années 80. Leur comparaison permet de découvrir des faits sociologiques significatifs qui attestent l'apparition de la fuite des cerveaux comme une normalité dans l'Afrique contemporaine.
L'Afrique, unique destination professionnelle |
Durant les années 50-70, l'intelligentsia africaine en France largement constituée par les étudiants de la Fédération des Étudiants d'Afrique Noire en France (FEANF) estimait fermement que le continent africain devait être le seul lieu d'exercice de son activité professionnelle. Ainsi, déjà dans les années 50, le ton était donné. Par la voix du président de la FEANF, Benoît Balla, ces intellectuels insistaient sur la nécessité de renforcer leur solidarité sur le territoire français parce que, selon eux, la qualité de celle-ci devait augurer leur capacité à coopérer mutuellement lorsqu'ils auraient à charge les fonctions administratives en Afrique[19]. Clairvoyant et bien informé des desseins et des souhaits de ces acteurs, Alioune Diop ne faisait que rappeler leur destin professionnel lorsqu'il les désignait en 1953 comme les "futurs dirigeants du Monde Noir"[20]
La certitude d'un destin professionnel à vivre en Afrique traverse les pages de l'ouvrage daté de 1962 que le sociologue sénégalais, Jean-Pierre Ndiaye, a consacré à cette classe sociale. Est symptomatique le choix de l'auteur d'Enquête sur les étudiants noirs en France de n'avoir interrogé ces intellectuels ni sur le lieu préférentiel d'exercice de leur profession, ni sur l'éventualité de s'installer définitivement en France. Du reste, à aucun moment de l'enquête, ces derniers n'ont laissé échapper l'éventualité d'un non retour en Afrique, alors qu'il y avait suffisamment de questions ouvertes pouvant donner lieu à un commentaire ou une déclaration à ce propos. Par exemple, à la question concernant leur secteur d'activité préféré en Afrique, les étudiants le souhaitant pouvaient signifier qu'ils n'avaient pas l'intention de choisir entre la fonction publique et le secteur libéral africains, mais préféraient s'intégrer dans le secteur privé ou public français[21]. D'ailleurs, des entretiens que j'ai effectués moi-même avec l'auteur de cet ouvrage en 1996, alors que je commençais ma thèse de doctorat, il ressort que:
On peut jauger la conviction des intellectuels africains selon laquelle leur vie professionnelle se déroulera en Afrique en étudiant leur trajectoire géographique après leurs études. En considérant la trajectoire des étudiants les plus en vue, on constate en effet que le retour en Afrique a incontestablement été la norme au cours des années 50-70. Par exemple, par rapport à ses homologues contributeurs au numéro spécial de la revue Présence Africaine intitulé, "Les étudiants noirs parlent", A. Biyidi, dit Mongo Béti, est un des seuls auteurs à avoir été sous contrat avec une institution française durant toute sa vie professionnelle. Pour ne citer que deux autres contributeurs de ce numéro, Kader Fall, ancien membre du comité exécutif de la FEANF était rentré, dès le début des années 60, au Sénégal où il a exercé diverses fonctions dont celle de ministre de l'Éducation nationale sous le régime de L. S. Senghor. Quant à Majhmout Diop, originaire aussi du Sénégal, il a participé durant la décennie 60 et une partie des années 70 à la vie politique du Sénégal où il était le leader du Parti Africain de l'Indépendance.
Parce que la détermination au retour était forte à cette époque, les intellectuels africains acceptaient même, à défaut de regagner leur pays de naissance et de socialisation, de s'installer dans un pays africain quelconque qui leur était moins familier que la France. Afin d'échapper à l'incarcération pour atteinte à la sûreté publique sénégalaise, Majhmout Diop s'est réfugié en Algérie puis au Mali. Craignant de subir les effets de leur opposition radicale au régime guinéen particulièrement violent sous Sékou Touré, le mathématicien guinéen, Sékou Traoré, et son compatriote diplômé en médecine, Charles Diané, tous deux leaders du mouvement estudiantin africain à des dates différentes, ont choisi d'aller exercer leur profession respectivement au Congo Brazzaville et au Gabon, au lieu de s'installer en France. Parallèlement au cas que constituent les intellectuels cités, le retour au pays de naissance a été le choix d'autres leaders du mouvement estudiantin africain pourtant opposés à leurs dirigeants. C'est par exemple le cas de Noé Nkutukli, l'un des anciens présidents de la FEANF, dont le rejet de la position politique et idéologique du gouvernement du Togo nouvellement indépendant était flagrant.
La tendance inverse |
La particularité des années 80-90, comparativement à celle de la période précédemment évoquée, est que l'expatriation est devenue explicitement un choix individuel ou collectif. Des entretiens que j'ai effectués entre 1995 et 1998 avec les intellectuels africains présents en France, le fait majeur qui s'en est dégagé est l'effort concédé par les acteurs concernés pour faire valoir l'expatriation. Contrairement à leurs homologues interrogés par Jean-Pierre Ndiaye qui faisaient complètement abstraction de l'éventualité d'une installation définitive en France, ceux-ci déclarent à 67 voix sur 79 qu'ils sont concients d'avoir définitivement choisi l'installation hors de leur continent d'origine.
Incontestablement, cette démarche révèle une rupture au sein de la classe intellectuelle africaine, d'une période à l'autre. Rupture qui atteste la réalité sociologique de la fuite des cerveaux, d'autant plus que l'on considère l'idée, émise dans les années 70 par S. Traoré, un ancien leader du mouvement intellectuel africain, selon laquelle "l'installation en France est une solution de trahison" de la part de tout intellectuel qui s'y résoud[23].
Cependant, cette rupture n'est pas considérée comme une négation du rapport avec l'Afrique. Au contraire, les intellectuels interrogés inscrivent leur démarche dans la logique de solidarité avec ce continent. Pour eux, elle est une condition de la matérialisation du devoir socio-économique à l'égard de l'Afrique. De nombreuses initiatives individuelles et collectives viennent conforter cette position. Ainsi l'activité scientifique et l'action militante de ces intellectuels ont souvent trait aux problèmes de l'Afrique qu'ils s'efforcent de rendre, à la fois, intelligibles et visibles à l'aide des ressources matérielles obtenues, ou parfois arrachées, en France. La lutte engagée depuis 1998 dans ce pays pour la reconnaissance institutionnelle de l'apport de l'Afrique à l'essor économique de la France est un exemple symbolique de cet engagement. De plus, ce continent à travers ses composantes démographiques fait l'objet d'une prise en charge matérielle de la part de ces intellectuels. Au sein de leur classe sociale, l'envoi régulier d'argent et d'autres types de ressources constitue une initiative commune censée assurer leur appartenance africaine, malgré l'installation en France.
Le besoin de France exprimé |
La réalité de la fuite des cerveaux africains se manifeste encore plus explicitement aujourd'hui à travers la prise de position insolite d'intellectuels africains dans le cadre de la société française. Initiée en 1997 par un historien d'origine congolaise, Charles-Didier Gondola, expatrié aujourd'hui aux États-Unis, cette position a consisté, d'abord, à déplorer la "marginalisation" des Africains dans le champ universitaire africaniste en France et, ensuite, à revendiquer une intégration convenable des Africains dans ce champ[24]. À l'instar de Ch.-D. Gondola, les intellectuels africains interrogés par mes soins expriment majoritairement le souhait d'un recrutement équitable qui soumette les Africains titulaires d'un doctorat aux mêmes critères que leurs pairs européens.
Une telle revendication est inédite, d'un point de vue historique. En aucun moment, les intellectuels africains de la première période n'avaient exprimé des signes de concurrence professionnelle avec leurs pairs d'origine européenne sur le territotire français même. Comme je l'ai relevé plus haut, pour eux, l'intégration professionnelle devait s'accomplir sur le territoire africain où, cependant, ils s'arrogeraient la préséance. D'ailleurs, l'indépendance politique et économique tant revendiquée, était supposée concrétiser la prise de possession du secteur économique par les Africains au détriment des non Africains.
En somme, la revendication d'une position confortable dans le champ universitaire français est révélatrice de l'inversion d'un ordre de raisonnement. Au lieu de l'installation professionnelle en terre africaine remise en question par la plongée du continent dans la précarité économique et l'instabilité politique qui ne sont que trop décrites par les chercheurs, l'expatriation en France, en l'occurrence, est imposée comme substitut. Puisqu'il leur semble vain de revendiquer un statut socio-économique en Afrique, continent dont l'état leur inspire plutôt la compassion, les intellectuels africains s'adressent à la France qui, du fait de sa santé économique, leur paraît apte à répondre à leurs attentes professionnelles.
La caution des autorités politiques |
La normalisation de la fuite des cerveaux africains transparaît dans la légitimation et donc l'encouragement officiel dont la démarche bénéficie depuis les années 90 de la part d'intellectuels agissant au sein de l'État. Au cours de la seconde moitié des années 70, pour empêcher que son autoritarisme politique et la crise de l'économie sénégalaise ne poussassent ses compatriotes étudiants à s'installer finalement en France, le président L. S. Senghor avait invité les autorités politiques françaises à leur refuser la possibilité de pouvoir y exercer à temps plein une profession. La même demande a vraisemblablement obtenu l'approbation d'une bonne partie des chefs d'Etats des pays de l'Afrique sub-saharienne anciennement colonisés par la France. Rendant compte de cette position, le ministère français de la coopération écrit : "Le retour des migrants de haute qualification est réclamé depuis plusieurs années par un nombre croissant de pays en voie de développement, dont plusieurs pays d'Afrique noire francophone [...]. Inquiets à juste titre du préjudice que l'exode des compétences fait subir à leur pays, un certain nombre de gouvernements des pays d'Afrique noire francophone ont demandé au gouvernement français de prendre des mesures pour limiter cette fuite des cerveaux"[25].
La prise de position de l'ancien ministre sénégalais, Ibrahima Sall, en 1998, montre l'évolution des points de vue depuis les années 70. Ce titulaire d'un doctorat de philosophie et ancien élève de Polytechnique, à Paris, membre d'une génération postérieure à celle des précédents, avance un argument en faveur de l'expatriation des cerveaux africains lorsqu'il fustige la politique française de l'immigration comparée, à l'occasion, à celle des États-Unis : "Votre pays n'a pas cherché à accueillir ou à retenir les élites africaines.", dit-il au journaliste français qui l'interrogeait, "Il a mené une politique d'immigration indifférenciée [...]. Tout devrait pousser nos élites vers votre pays. Or ce n'est pas le cas. Aux États-Unis, on vous juge sur vos compétences. Si un entrepreneur estime qu'un Sénégalais peut être utile à son entreprise, il l'embauche. En France, on le laisse en rade pour des raisons de bureaucratie ou autres. On ne peut pas avoir colonisé un pays, lui avoir imposé souvent par la force une autre langue et avoir obligé ses étudiants à employer l'imparfait du subjonctif pour leur répondre ensuite qu'on n'a pas besoin d'eux"[26].
En exhortant ainsi la France, originellement lieu de formation universitaire pour les Africains, à se concevoir aussi comme un lieu d'exercice de leur profession, certains hommes d'État inscrivent l'expatriation dans l'ordre de la normalité. En d'autres termes, investi d'une autorité politique nationale, il contribue par sa prise de position à extraire cette démarche du registre du tabou, de l'interdit, de la honte ou de la trahison.
CONCLUSION |
Étudier la fuite des cerveaux africains est donc possible si l'on adopte une définition assez souple des termes employés et si l'on s'en tient à une perspective socio-historique. Les discours et actions pris en compte depuis les années 50 révèlent la revendication d'une appartenance indéfectible à l'Afrique, de la part des intellectuels nés et socialisés dans ce continent. Le retour en Afrique, après les études, répondait, selon la vison de ces intellectuels, à la prééminence de l'appartenance identitaire à l'Afrique. En fait, en raison de cette appartenance, l'Afrique indépendante, en manque de cadres dirigeants, était, plus que toute autre entité socio-politique, la bénéficiaire légitime de leurs services et de leurs compétences, d'autant plus que ses richesses matérielles pouvaient leur assurer un statut socio-professionnel enviable. L'expatriation qui a résulté du décalage entre les compétences professionnelles et les attentes des intellectuels africains, d'une part, et les besoins ainsi que les moyens d'absorption de ces compétences par le secteur économique africain, d'autre part, ne remet pas en question l'appartenance à l'Afrique. Au contraire, puisqu'elle est aussi envisagée comme une extension des possibilités de promotion économique et politique de ce continent.
En définitive, la légitimation de la fuite des cerveaux qui se fait jour depuis les années 80 révèle une prise de conscience de la nécessité de l'extériorité dans l'effort du continent africain de sortir de sa léthargie. Du reste, n'est-ce pas par cette extériorité que passe aujourd'hui la sauvegarde d'une classe intellectuelle africaine au diapason de la pensée académique internationale ?
Notes
[1] Ce philosophe, né au Zaïre (redevenu Congo), a analysé sa trajectoire académique dans Les corps glorieux des mots et des êtres : esquisses d'un jardin à la bénédictin, Paris-Montréal, Présence Africaine-Humanitas, 1994. Il faut souligner que les clauses de la bourse Fullbright visent à contraindre les récipiendaires à regagner leur pays de départ à la fin de leur visite.
[2] Cf. A. M. Gaillard et J. Gaillard, Les enjeux des migrations scientifiques internationales : de la quête du savoir à la circulation des compétences, Paris, L'Harmattan, 1999, p. 42.
[3] Voir le résumé de ce rapport dans le journal français Ouest-France du 13 juillet 2001, p. 3.
[4] Les ouvrages suivants, parmi beaucoup d'autres, sont des illustrations significatives de mon propos : W. A. Glaser, The Brain Drain : Emigration and Return, Oxford, Pergamon Press, 1978 ; Ch. Halary, Les exilés du savoir : les migrations scientifiques internationales et leurs mobiles, Paris, L'Harmattan, 1994; Nozipho Nomachul Nxumalo, Determinants of Repatriation among African Professionals as Perceived by Pre and Post-Graduated Scholars from Sub-Saharan Africa : An Empirical Study, thèse de doctorat, Ohio State University, 1991.
[5] Lire Ch. H. Kane, L'aventure ambiguë, Paris, 10/18, 1999 (nouvelle édition).
[6] Pour le cas de Bamba et de son père, voir D. Cruise O'Brien, The Mourides of Senegal : The Political and Economic Organization of an Islamic Brotherhood, Oxford, Clarendon Press, 1971.
[7] B. Diop, Paris, Présence Africaine, 1961.
[8] B. Diop, Paris, Présence Africaine, 1963.
[9] Idem, p. 178.
[10] Prononcer le x comme la jota espagnole.
[11] C'est le cas du penseur traditionnel Kocc [lire Kothj] Barma au Sénégal qui consistue l'un des rares personnages auxquels l'on prête la paternité d'idées, de maximes, de proverbes.
[12] J. I. Guyer, "La tradition de l'invention en Afrique équatoriale", in Politique Africaine, nº 79, octobre 2000, p.102.
[13] Idem.
[14] J. N. Baghwati, The Brain Drain and Taxation: Theory and Empirical Analysis, North Holland Publising Company, Amsterdam, 1976 ; voir aussi en collaboration avec W. Dellalfar, "The Brain Drain and Income Taxation", World Development, nº 1, 1973.
[15] Extrait d'un entretien avec un docteur ès lettres, chargé d'enseignement dans une université québécoise. Une partie des résultats de mes enquêtes a été publiée dans Les Intellectuels africains en France, Paris, L'Harmattan, 2001, Paris, L'Harmattan,
[16] Voir l'opposition qu'effectuent les théoriciens du transnational et de la globalisation entre identité-racine, identité-rhizome. Ainsi A. Appadurai, Modernity at large: Cultural Dimensions of Globalization, Minneapolis, University of Minnesota, 1997 et L. Malkki, "National Geographic: The Rooting of Peoples and the Territorialization of National Identity among Scholars and Refugees", in G. Eley and R. G. Suny (eds.), Becoming National: A Reader, N.Y/ Oxford, Oxford University Press. Voir, par ailleurs, les critiques de ces derniers (par exemple, J. Friedmann, "Des racines et (dé)routes: tropes pour trekkers", in L'Homme, nº 156, oct 2000).
[17] A. Mbembe, "Écrire l'Afrique à partir d'une faille", Politique Africaine, nº51, p. 88-89.
[18] Ces statistiques sont citées par P. J. M. Tedga, Enseignement supérieur en Afrique noire francophone: la catastrophe ?, Paris, PUSAF/L'Harmattan, 1988, p. 137.
[19] B. Balla, "Le mot du Président", in L'Étudiant d'Afrique Noire nº 1, janvier-février 1956, p. 2.
[20] A. Diop, "On ne fabrique pas un peuple", Présence Africaine, nº14, 1953, p. 11.
[21] J.-P. Ndiaye, Enquête sur les étudiants noirs en France, Paris, Réalités africaines, 1962, p. 231.
[22] Extrait d'entretien (14/11/1996).
[23] S. Traoré, Responsabilités historiques des étudiants africains, Paris, Anthropos, 1973, p. 100.
[24] Ch.-D. Gondola, "La crise de la formation en histoire africaine en France vue par les étudiants africains", in Politique Africaine, nº 65, Mars 1997, pp. 132-139. Pour plus de détail, voir le chapitre VI de mon ouvrage, Les Intellectuels africains en France, Paris, L'Harmattan, 2001
[25] Ministère de la Coopération, L'exode des compétences des pays en voie de développement vers la France, in Études et Documents, nº 35, Juillet 1979, pp. 1-2.
[26] Interview, Le Figaro, 8 décembre 1998, p. 10.
Abdoulaye Gueye est docteur de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales à Paris. Actuellement chercheur au CELAT, Université Laval, Québec, il est l'auteur de Les Intellectuels africains en France aux éditions L'Harmattan, Paris, 2001. Il a aussi publié plusieurs articles dans des revues scientifiques comme Les Cahiers d'Études Africaines et Sociétés Africaines et Diaspora |