Bertaut. Les Oeuvres poétiques [1620] (Paris: Toussainct du Bray, 1620), p.366.
Allons où la vertu, et le sort nous convie,
Du Bellay. Les Regrets [1558] (Genève: Droz, 1966), p.118.
Ore aussi, MONSEIGNEUR, que l'on te tend le bras,
De la Gessee. Les Jeunesses [1553] (Paris: STFM, 1991), p.265.
Deussions nous voir le Scythe, ou la source du Nil,
Et nous donnons plustost un eternel exil,
Que tacher d'un seul poinct l'honneur de nostre vie.
Sus donques, et devant que le cruel vainqueur
De nous face une fable au vulgaire moqueur,
Banissons la vertu d'un exil volontaire.
Et quoy ? ne sçais-tu pas que le bany Romain
Bien qu'il fust dechassé de son peuple inhumain,
Fut pourtant adoré du barbare coursaire ?
Tu plais au lieu de nuire : et si retourneras
Non comme Alcibiade en
Où traistrement il fut assasiné des siens :
Mais en tes dignitez, pour survivre au contraire
Plus craint des Ennemys, et moins häy des tiens.
Mon sens en toutes parts suivant un mesme cours,
tu me verras tout tel que tu m'as veu tousjours.
Que si mon long
De Viau. Oeuvres poétiques [1623] (Genève: Droz, 1958), p.41.
Ainsi l'heureux anglois remporte la victoire,
tout respond à ses voeux, rien ne manque à sa gloire,
j'empesche seul qu'en tout il ne soit satisfait,
je manque à son triomphe, et le rends imparfait.
De mon desastre, amis, je n'accuse personne,
c'est le ciel qui le veut, c'est le ciel qui l'ordonne,
et si le bon succes eust suyvi le grand coeur,
Betford seroit vaincu, Charles seroit vainqueur.
Mais pouvant de ses mains estre encore la proye,
ostons à sa fureur l'espoir de cette joye,
ostons au sort injuste, à ses voeux complaisant,
le moyen de luy faire un si rare present.
L'Auvergne, pour finir mes tristes avantures,
me fournira de port en ses grottes obscures,
et je conserveray, dans ces sauvages lieux,
l'image de l'eclat, dont brilloient mes ayeux.
Que si le fier anglois, suyvant son entreprise,
vient parmy ces rochers attaquer ma franchise,
lors qu'il aura percé leurs espaisses forests,
je me puis bien ailleurs garantir de ses traits.
De l'aspre Daufiné je suis tousjours le prince,
il m'offre un doux refuge en sa forte province,
et je puis, sur ses monts, attendre en seureté,
ce que de mes destins les cieux ont arresté.
De là, quand nous verrons adoucir l'inflüence,
qui de tant de malheurs persecute la France,
nous reviendrons armés, en belliqueux torrens,
d'un cours impetüeux fondre sur nos tyrans.
Donc, pour ne tomber pas sous le joug du barbare,
que chacun à partir sans regret se prepare ;
quitons à l'estranger nostre propre maison,
et choisissons l'
Chapelain. La Pucelle (Paris: Courbe, 1656), p.31.
C'est ainsi qu'on dira chez la race future :
Philippe eut un coeur noble ; ami de la droiture,
politique et sincère, habile et généreux,
constant quand il fallait rendre un mortel heureux ;
irrésolu, changeant, quand le bien de l'empire
au malheur d'un sujet le forçait à souscrire ;
affable avec noblesse, et grand avec bonté,
il sépara l'orgueil d'avec la majesté ;
et le dieu des combats, et la docte Minerve,
de leurs présents divins le comblaient sans réserve ;
capable également d'être avec dignité
et dans l'éclat du trône et dans l'obscurité :
voilà ce que de toi mon esprit se présage.
ô toi de qui ma plume a crayonné l'image,
toi de qui j'attendais ma gloire et mon appui,
ne chanterai-je donc que le bonheur d'autrui ?
En peignant ta vertu, plaindrai-je ma misère ?
Bienfaisant envers tous, envers moi seul sévère,
d'un
Voltaire. Epitres [1778] (Oeuvres Complètes Paris: Garnier, 1877), p.236.
Placez-y les amis des hommes et des dieux,
ceux qui par des bienfaits vivent dans la mémoire,
ces rois dont leurs sujets n'ont point pleuré la gloire.
Montrez-y Fénelon à notre oeil attendri ;
que Sully s'y relève embrassé par Henri.
Donnez des fleurs, donnez ; j'en couvrirai ces sages
qui, dans un noble
Delille. Les Jardins (Paris-Rheims: Valade et Cazin, 1782), p.100.
Cléotas est perdu, son injuste patrie
l'a privé de ses biens ; elle a proscrit sa vie.
De ses concitoyens dès longtemps envié,
de ses nombreux amis en un jour oublié,
au lieu de ces tapis qu'avait tissus l'Euphrate,
au lieu de ces festins brillants d'or et d'agate,
où ses hôtes, parmi les chants harmonieux,
savouraient jusqu'au jour les vins délicieux,
seul maintenant, sa faim, visitant les feuillages,
dépouille les buissons de quelques fruits sauvages ;
ou chez le riche altier apportant ses douleurs,
il mange un pain amer tout trempé de ses pleurs.
Errant et fugitif, de ses beaux jours de gloire
gardant, pour son malheur, la pénible mémoire,
sous les feux du midi, sous le froid des hivers,
seul, d'
Chenier. Bucoliques [1794] (Oeuvres complètes/Dimoff. Paris: Delagrave, 1919), p.210.
Ainsi l'aigle superbe au séjour du tonnerre
s'élance ; et, soutenant son vol audacieux,
semble dire aux mortels : je suis né sur la terre,
mais je vis dans les cieux.
Oui, la gloire t'attend ; mais arrête, et contemple
à quel prix on pénètre en ses parvis sacrés ;
vois : l'infortune, assise à la porte du temple,
en garde les degrés.
Ici, c'est ce vieillard que l'ingrate Ionie
a vu de mers en mers promener ses malheurs :
aveugle, il mendioit au prix de son génie
un pain mouillé de pleurs.
Là, le Tasse, brûlé d'une flamme fatale,
expiant dans les fers sa gloire et son amour,
quand il va recueillir la palme triomphale,
descend au noir séjour.
Partout des malheureux, des proscrits, des victimes,
luttant contre le sort ou contre les bourreaux ;
on dirait que le ciel aux coeurs plus magnanimes
mesure plus de maux.
Impose donc silence aux plaintes de ta lyre,
des coeurs nés sans vertu l'infortune est l'écueil ;
mais toi, roi détrôné, que ton malheur t'inspire
un généreux orgueil !
Que t'importe après tout que cet ordre barbare
t'enchaîne loin des bords qui furent ton berceau ?
Que t'importe en quels lieux le destin te prépare
un glorieux tombeau ?
Ni l'
Lamartine. Méditations poétiques [1820] (Paris: Hachette, 1915), p.147.
Ô République de nos pères,
grand Panthéon plein de lumières,
Dôme d'or dans le libre azur,
Temple des ombres immortelles,
puisqu'on vient avec des échelles
coller l'empire sur ton mur ;
puisque toute âme est affaiblie ;
puisqu'on rampe ; puisqu'on oublie
le vrai, le pur, le grand, le beau,
les yeux indignés de l'histoire,
l'honneur, la loi, le droit, la gloire,
et ceux qui sont dans le tombeau ;
je t'aime,
Hugo. Les Châtiments [1853] (Paris, Hachette, 1932), p.149.
exilés qui laissent derrière eux
Sully Prudhomme. Les Solitudes (Oeuvres poésies, t.2. Paris: Lemerre, 1869), p.35.
exil, vers l'oubli, vers la nuit,
De Banville. Les
exilés (Poésies complètes, t.2. Paris: Fasquelle, 1899), p.7.
Dimanche : un pâle ennui d'âme, un désoeuvrement
de doigts inoccupés tapotant sourdement
les vitres, comme pour savoir leur peine occulte ;
-ah ! Ce gémissement du verre qu'on ausculte ! -
dimanche : l'air à soi-même dans la maison
d'un veuf qui ne veut pas aider sa guérison
quand les bruits du dehors se ouatent de silence.
Dimanche : impression d'être en
Rodenbach. Le Règne du silence [1861] (Paris: Fasquelle, 1914), p.111.
Je ne me suis pas consolé,
bien que mon coeur s'en soit allé.
Et mon coeur, mon coeur trop sensible
dit à mon âme : est-il possible,
est-il possible, -le fût-il, -
ce fier
Verlaine. Oeuvres poétiques complètes [1896] (Paris: Gallimard, 1962, p.195)
Tout son col secouera cette blanche agonie
par l'espace infligé à l'oiseau qui le nie,
mais non l'horreur du sol où le plumage est pris.
Fantôme qu'à ce lieu son pur éclat assigne,
il s'immobilise au songe froid de mépris
que vêt parmi l'
Mallarmé. Poésies [1898] (Oeuvres complètes. Paris: Gallimard, 1965), p.68.
Choeur :
Maraudeur étranger malheureux malhabile
voleur voleur que ne demandais-tu ces fruits
mais puisque tu as faim que tu es en
Appolinaire. Alcools [1913] (Oeuvres poétiques. Paris: Gallimard, 1962), p.91.
Me voilà entré tout vermoulu dans la zone de noirceur,
embroché comme le tournant hémisphère, avec toujours ce
sourire
idiot qu'un
Tzara. Grains et issues [1935] (Oeuvres complètes, t.3. Paris: Flammarion, 1979), p.85.
Elle accompagne Oedipe hors des portes béantes
qui paraissent le vomir. Elle conduit le long des routes
de l'
Yourcenar. Feux [1936] (Oeuvres romanesques. Paris: Gallimard, 1991), p.1107.
Vois bouger l'entrelacement
des certitudes arrivées
près de nous à leur quintessence,
ô ma fourche, ma soif anxieuse !
La rigueur de vivre se rode
sans cesse à convoiter l'
Char. Fureur et mystère [1948] Oeuvres complètes. Paris: Gallimard, 1985), p.148.
Voici la peinture un imaginaire, bien qu'elle garde ses
yeux fixés sur l'évidence du monde. Ces images sont
solitude,
Bonnefoy. Rue traversière et autres récits en rêve [1987] (Paris: Gallimard, 1995), p.161.
Nous avons apprivoisé
la marche qui nous accompagne
Sur les chemins de l'
Boni. Il n'y a pas de parole heureuse (Solignac/France: Le bruit des autres, 1997), p.71