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Ambroise Kom
College of the Holy Cross, Worcester
L'essentiel pour moi était avant tout de provoquer une réflexion sur les conditions d'appropriation et de légitimation du savoir en Afrique à la veille du troisième millénaire. Les réactions des collègues sont allées bien au-delà de mon attente. Chacun s'est senti interpellé et a écrit à partir d'un point de vue précis, en tenant compte des préoccupations qui sont les siennes. Chemin faisant, j'ai fait l'objet de quelques étiquettes que j'ai du mal à reconnaître. Mais c'est sans importance, somme toute.
Le sujet du débat est l'Afrique, peu importe la personne qui en parle. Sur ce plan-là, heureusement, nous sommes presque tous d'accord. Pour toutes sortes de raisons, les pays du continent ne se portent pas bien et il est urgent de repenser les discours les concernant. Je dois avouer que j'ai été peu impressionné par les quelques exemples qu'on croit porteurs d'espoir. Plus d'une personne a cité le CODESRIA comme un modèle de structure de recherches "authentiquement" africaine. Certes, le CODESRIA est géré par des Africains. Mais qui donc le finance? Comment sont définies ses priorités de recherches ? Pour quelles fins ? Qu'arrivera-t-il demain si les principaux bailleurs de fonds décidaient, pour une raison ou une autre de se retirer du projet ? Le CODESRIA est-il un projet africain ou simplement une structure de recherche en terre africaine ?
Certes aussi, la langue de l'Autre nous a permis de créer une littérature qui se renouvelle sans cesse et qui est goûtée un peu partout dans le monde. Mais comment ne pas souligner que, dans la plupart des cas, cette jolie littérature se publie ailleurs et, souvent, se lit partout ailleurs sauf sur le continent parce que les Africains n'ont pour ainsi dire pas les moyens de se l'approprier? À méditer.
J'ai été très sensible aux commentaires venus d'Asie car ils montrent avec éloquence comment évoluent des pays qui prennent véritablement leur destin en main. Ils nous indiquent aussi d'autres expériences de rapports qu'on peut établir avec l'Autre. Mais qu'on s'entende bien. Je ne suis point en quête de modèle, clés en main, pour sortir l'Afrique de l'ornière. C'est peut-être un truisme mais, pour moi, le savoir n'a pas de frontières et je milite pour que les Africains ou quiconque a le destin du continent à coeur, butinent, partout où besoin sera, pour trouver les matériaux utiles à la construction d'une société à notre mesure. Incontestablement, la mondialisation est avec nous mais pourquoi faut-il qu'elle soit à sens unique, l'Afrique étant toujours le réceptacle des énoncés venus d'ailleurs? Voilà qui explique la mise en question du corset francophone.
Bref, je m'étais refusé à relancer le débat pour ne pas tomber dans des querelles de clocher. Il me faut donc terminer en rappelant que "savoir et légitimation" m'a été inspiré, non seulement par de nombreuses années d'enseignement et de recherches dans des institutions africaines, mais aussi par une observation attentive des réseaux occultes et des structures tentaculaires plus ou moins officielles que l'ancien pouvoir impérial et les petits potentats locaux entretiennent sur le terrain pour s'assurer le contrôle des maigres ressources encore disponibles, ici ou là. Mais il nous faut tourner le dos au temps des procès!
Prof. Ambroise Kom
Université de Yaoundé et College of the Holy Cross, Worcester
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