Et je pense, dist Geburon, que vous dictes verité et que l'ypocrisie, soit envers Dieu, soit envers les hommes ou la Nature, est cause de tous les maulx que nous avons.

Marguerite de Navarre. Heptameron (1550), la quatrième journée, trente troisième nouvelle.

Et toutesfois, si elle ne recherchoit que sa perfection, comme elle y est obligée par la raison, elle devroit rejetter bien loing ces considerations, puis que la nature nous a seulement donné les sens pour instruments, par lesquels nostre ame recevant les especes des choses vient à leur cognoissance, mais nullement pour compagnons de ses plaisirs

Honoré d'Urfé. L'Astrée (1610), p.17

Apres avoir choisi de l'oeil un lieu propre pour me reposer, je m'en allay coucher au pied d'un myrthe, où la mousse estoit plus espaisse qu'en nulle autre part, comme si mon sort m'eust conduit où la nature avoit preparé de long-temps un lit pour mon repos

J. de Gombaud. L'Endimion (1624), p.133

Ô merveille ! s'escria Lysis, en s'enfuyant, je sçavois bien que ce magicien avoit renversé l'ordre de la nature. Au lieu qu'aux autres endroits l'eau tombe du ciel et va contre la terre, icy elle sort de la terre, comme pour aller menacer le ciel.

Charles Sorel. Le Berger extravagant (1627), p.208.

Quelques beautez que la nature donne à la naissance des fleurs, et quelques aymables couleurs dont elle imite la peinture, rien n'est beau comme les lys qui sont au sein de Phillis !

Balthazar Baro. Conclusion de l'Astrée (1628), p.253.

Le bon vieillard pensa d'abord que la nourrice s'extravagast, et que la passion extréme qu'elle avoit pour Orixe, luy fist trouver en effect ce qui n'estoit que dans son desir, parce qu'il y avoit desja plus de quatorze heures que la pauvre princesse estoit demeurée comme morte, sans poux, sans chaleur, et sans mouvement : mais quand il s'aprocha d'elle, il luy trouva les mesmes signes de vie que la nourrice avoit remarquez, aussi tost il luy respandit de l'eau froide sur le visage, luy fit sentir des parfuns, et recourut à tous les remedes qui se pratiquent en telles extremitez, parce que veritablement la princesse que l'on croyoit morte, estoit seulement tombée en la derniere crise de son mal, dans un assoupissement mortel, que les grecs appellent lethargie, qui, à ce que nous dit Evandre, ne signifie autre chose qu'oubly, non pas tant parce qu'en ce miserable estat on oublie toutes choses, que parce que la nature s'oublie elle-mesme, et se suspend de toutes ses fonctions.

F. de Boisrobert. Histoire indienne (1629), p.349.

L'intention du Prince Marucie estoit de faire reconnoistre si l'on pourroit aller par la mer Adriatique dans la Germanie, royaume le plus riche et le plus fecond de la terre, d'où l'on tire aujourd'huy tout ce que la nature a de plus rare, et qui peut remplir la boutique d'un marchand. L'Acarnanie avoit receu un grand profit des voyages que ces peuples avoient faits dans la Germanie pour y trafiquer ; mais il estoit si long que les chemins consumoient tousjours la moitié de tout leur gain, d'autant qu'il falloit faire un grand circuit tirant devers la ligne du midy, pour passer de la Mediterranée dedans l'ocean ; et l'on vouloit sçavoir si de l' Istrie il y avoit de la mer jusques là, et si l'on pourroit racourcir par cét endroit un tour si long et si penible. Voila donc les vaisseaux preparez à ce voyage, on met la voile au vent, et ils partent du port avec les acclamations et les voeux d'un peuple qui ne faisoit d'autres prieres aux dieux que pour leur retour ; mais ils furent arrestez entre l'isle de Corcyre et de Cephalenie, par l'avarice du roy Marchedan, qui fallit à luy faire perdre ces deux isles.

A. Mareschal. La Chrysolite (1634) pp.191-192.

Il n'y a personne qui ne s'imagine un paradis terrestre : mais, quoique l'art y fasse tous les jours quelque nouveau travail, c'est un lieu qui semble être maudit du ciel, où la nature ne produit rien que de fâcheux et d'insupportable. Les palissades ne sont que de regrets et d'inquiétudes ; il n'y a pour fleurs que des pensées noires, des soucis renaissans, et des espérances perdues ; pour plantes, de l'absynthe et des amaranthes, et, pour fruits, des poires d'angoisses, et quelques autres qui n'ont pas meilleur goût. Les fontaines y jaillissent de tous côtés, mais les eaux en sont toujours amères, et de leur chute, elles font le lac de confusion, au bord duquel est un salon à l'italienne, nommé la berne des coquettes, fort haut et spacieux, élevé sur des colonnes mêlées de mépris et d'ingratitude. En cet endroit s'assemblent à certains jours les plus fameux coquets, tous d'esprit rare et d'adresse singulière ; et choisissant telle dame qu'il leur plaît ou qui leur déplaît entre celles que l'imprudence a conduite dans le palais des bonnes-fortunes, ou que le dépit en retire, la font venir au milieu d'eux ; et l'ayant fort promenée dans toutes les allées du jardin, et suffisamment rassasiée des fleurs et des fruits qui s'y recueillent, la mènent dans le salon, où ils la mettent dans un fauteuil pour en jouer au roi artus ; et après plusieurs croquignoles imprévues, genuflexions grotesques et turlupinades ingénieuses, ils la dépouillent insolemment de tous ses ornemens, jusqu'à ceux qu'ils lui avoient donnés, l'arrosent par trois fois de l'eau de confusion qu'ils ont toujours prête à cet effet, et lui font en jolis vers, un reproche public de toute sa vie, qu'ils lui chantent au nez sur l'air des petits sauts de bordeaux.

Abbé d'Aubignac. Relation royaume coquetterie (1654), p.320

- Monsieur, luy réplicqués-je, voicy les raisons qui nous obligent à le préjuger : premièrement, il est du sens commun de croire que le soleil a pris place au centre de l'univers, puis que tous les corps qui sont dans la nature ont besoin de ce feu radical, qui habite au coeur du royaume pour estre en estat de satisfaire promptement à leurs nécessitez , et que la cause des générations soit placée esgallement entre les corps où elle agit ; de mesme que la sage nature a placé les parties génitales au milieu dans l'homme, les pepins dans le centre des pommes, les noyaux au milieu de leur fruit ; et de mesme que l'ognon conserve à l'abry de cent escorces qui l'environnent le précieux germe où dix millions d'autres ont à puiser leur essence : car cette pomme est un petit univers à soy-mesme dont le pépin, plus chaud que les autres parties, est le soleil qui respand autour de soy la chaleur conservatrice de son globe ; et ce germe dans cet ognon est le petit soleil de ce petit monde qui reschauffe et qui nourrit le sel végétatif de cette masse. Cela donc supposé, je dis que la terre ayant besoin de la lumière, de la chaleur et de l'influence de ce grand feu, elle se tourne autour de luy pour recevoir esgalement en touttes ses parties cette vertu qui la conserve. Car il seroit aussy ridicule de croire que ce grand corps lumineux tournast autour d'un point dont il n'a que faire, que de s'ymaginer quand nous voyons une allouette rostie qu'on a, pour la cuire, tourné la cheminée à l'entour.

Cyrano de Bergerac. Estats et empires de la lune (1655), p.11.

Le mariage assaisonne ce que la nature a laissé de trop crû, et qui pourroit estre indigeste à des gens de mon age.

Abbé Michel de Pure. La Prétieuse (1656), p.260.

C'est pourquoy je me contenteray de prier celuy qui doit estre mon juge de repasser dans son imagination la beauté du sallon, de la belle veuë, des jardins differens, des bois, des fontaines, des canaux, des allées, du quarré d'eau, de ce jet merveilleux qui va presque attaquer le soleil, et de cette cascade admirable où l'art fait vne si douce violence à la nature, où les fontaines deviennent torrens, où les torrens se changent en paisibles rondeaux, et où l'on voit enfin ce qu'on ne peut mesme voir en la superbe Italie, ni en nul autre lieu du monde, puisqu'il est vray que depuis que les hommes ont trouvé l'art de tyranniser les eaux et de les assujettir à suivre leur volonté, on ne les a jamais employées ni avec tant de magnificence, ni avec tant de beauté.

M. de Scudéry. Les Jeux servant de préface (1667), p.105.

Maître de philosophie:

Est-ce la physique que vous voulez apprendre?

Monsieur jourdain:

Qu' est-ce qu' elle chante cette physique ?

Maître de philosophie:

La physique est celle qui explique les principes des choses naturelles, et les propriétés du corps ; qui discourt de la nature des éléments, des métaux, des minéraux, des pierres, des plantes et des animaux, et nous enseigne les causes de tous les météores, l'arc-en-ciel, les feux volants, les comètes, les éclairs, le tonnerre, la foudre, la pluie, la neige, la grêle, les vents et les tourbillons.

Monsieur jourdain:

Il y a trop de tintamarre là dedans, trop de brouillamini.

Maître de philosophie:

Que voulez-vous donc que je vous apprenne ?

Monsieur jourdain:

Apprenez-moi l'orthographe.

Molière. Le Bourgeois gentilhomme (1670) Acte 2. Sc.4.

Jamais cour n'a eu tant de belles personnes et d'hommes admirablement bien faits ; et il sembloit que la nature eust pris plaisir à placer ce qu'elle donne de plus beau dans les plus grandes princesses et dans les plus grands princes.

Madame de la Fayette. La Princesse de Clève. (1678), p.7.

Celui-cy est si artistement applany, qu'on y marche plus à son aise, et qu'on croit même y voir plus clair que dans l'autre : ces deux guides se tuënt de crier, c'est icy, c'est icy l'unique route qu'il faut tenir pour découvrir tous les secrets de la nature : si l'on me demande lequel des deux a raison, je diray que l'un a pour luy la raison de l'ancienneté, et l'autre la raison de la nouveauté.

Charles Du Fresny. Amusements sérieux et comiques. (1699), p.135

Je me sentois ému et comme hors de moi-même, pour chanter les grâces dont la nature a orné la campagne. Nous passions les jours entiers et une partie des nuits à chanter ensemble. Tous les bergers, oubliant leurs cabanes et leurs troupeaux, étoient suspendus et immobiles autour de moi pendant que je leur donnois des leçons : il sembloit que ces déserts n'eussent plus rien de sauvage ; tout y étoit devenu doux et riant ; la politesse des habitants sembloit adoucir la terre.

Fénelon. Les Aventures de Télémarque (1699), p.79

La nature avoit pris plaisir à former en Afrique un naturel aussi riche qu'elle eût pu faire en Europe. Il trouva Elvire, au moment qu'il la vit, telle que tout le monde la trouvoit, c'est-à-dire pleine de charmes ; il remarqua sur son visage les restes d'une beauté touchante, que les fatigues de la mer et les approches de la captivité n'avoient pu tout-à-fait effacer ; et ses beaux yeux, au travers de quelques larmes, jetèrent des feux qui passèrent jusqu'à son coeur. Baba-Hassan s'approcha d'elle ; il la pria en des termes obligeants de ne se pas affliger : il lui dit que la servitude où elle étoit tombée seroit si douce, que la liberté l'étoit moins. Il la fit conduire à l'instant par un officier à l'appartement de ses femmes, qui ne purent voir sans une jalousie extrême les charmes de cette jeune odalisque. Le malheureux Zelmis fut présent à ce triste spectacle ; il crut voir Elvire pour la dernière fois, en la voyant entrer dans un lieu d'où l'on sort difficilement : mais quelle que fût sa douleur, je ne sais s'il n'aima pas autant la voir entre les mains de Baba-Hassan qu'au pouvoir de son mari, qui fut acheté presque aussitôt d'un nommé Omar. Zelmis fut vendu comme les autres. Il tomba entre les mains d'Achmet Thalem, de la race de ces maures appelés Tagarims, qui se répandirent sur la côte d'Afrique lorsqu'ils furent chassés d'Espagne.

Jean-François Regnard. La Provençale (1709), p.312.

C'étoit de tous les mortels celui qui avoit le plus pénétré dans les secrets les moins pénétrables de la nature : mais comme il se livroit tout entier à la spéculation, il négligea le gouvernement de ses états, pour s'informer comment les étoiles se gouvernent là haut. Son pays, arrosé par les deux plus grands fleuves de l'univers, étoit si riche, que ses sujets le devinrent trop : les plus puissans sentirent leur force, et connurent sa foiblesse. Chacun s'établit comme il voulut, tandis que leur prince, loin de s'en mettre en peine, parut ravi d'être débarrassé d'un pays sans montagnes ; il lui en falloit pour se perfectionner dans des connoissances qui lui coûtoient tant. Il quitta donc ses états pour en chercher ; et tandis que de montagne en montagne il s'entretenoit avec les mouvemens des cieux, on se mit paisiblement en possession de ce qu'il abandonnoit sur la terre.

Antoine Hamilton. Histoire de fleur d'épine (1719), p.306.

Un peuple si juste devoit être chéri des dieux. Dès qu'il ouvrit les yeux pour les connoître, il apprit à les craindre, et la religion vint adoucir dans les moeurs ce que la nature y avoit laissé de trop rude. Ils instituerent des fêtes en l'honneur des dieux : les jeunes filles, ornées de fleurs, et les jeunes garçons les célébroient par leurs danses.

Montesquieu. Lettres persanes (1721), lettre 12, p.32.

Les chaldéens, les égyptiens, et les gymnosophistes avoient une merveilleuse connoissance de la nature, mais ils l'enveloppoient d'allégories mythologiques ; c'est sans doute ce qui a fait reprocher à l'antiquité de n'avoir connu la physique que très-imparfaitement. Zoroastre dévoila à Cyrus les secrets de la nature, non seulement pour satisfaire à sa curiosité, mais pour lui faire reconnoître les marques d'une sagesse infinie répandues dans l'univers, et par-là le préparer à des instructions plus élevées sur la divinité et sur la religion. Tantôt il lui faisoit admirer la structure du corps humain, les ressorts qui le composent, et les liqueurs qui y coulent ; les canaux, les pompes, les réservoirs qui se forment par le simple entrelassement des nerfs, des artéres et des veines, pour separer, pour épurer, pour conduire et pour reconduire les liquides dans toutes les extrêmités du corps ; puis les leviers, les cordes et les poulies formées par les os, les muscles et les cartilages, pour faire tous les mouvemens des solides. C'est ainsi, disoit le mage, que notre corps n'est qu'un tissu merveilleux de tuyaux sans nombre, qui se communiquent, se divisent et se subdivisent sans fin ; tandis que des liqueurs différentes et proportionnées s'y insinuent, et s'y preparent, selon les régles de la plus exacte mécanique. Il lui fit comprendre par-là, qu'une infinité de petits ressorts imperceptibles, dont nous ignorons la construction et les mouvemens, jouent sans cesse dans nos corps, et par conséquent qu'il n'y a qu'une intelligence souveraine, qui ait pû produire, ajuster, et conserver une machine si composée, si délicate, et si admirable. Un autre jour il expliqua la formation des plantes, et la transformation des insectes. On n'avoit pas alors nos verres optiques pour rapprocher et grossir les objets ; mais l'esprit pénétrant de Zoroastre, voyoit encore plus loin.

A.-M. de Ramsay. Les Voyages de Cyrus (1727), p.99.

N'est-ce pas un mal que notre infirmité nous oblige à vivre cachés presque continuellement sous un toit, et qu'elle nous prive ainsi de la vue du ciel, qui est le plus beau spectacle de la nature ? Cependant nous ne sçaurions nous dispenser de nous faire à nous mêmes ces espèces de prisons. Mais la raison ne demande point que nous y mettions des ornemens capables de nous y attacher.

Abbé Prévost. Le Philosophe anglois (1731), p.262.

La nature fait assez souvent de ces tricheries-là, elle enterre je ne sais combien de belles âmes sous de pareils visages, on n'y connaît rien, et puis, quand ces gens-là viennent à se manifester, vous voyez des vertus qui sortent de dessous terre.

Marivaux. Le Paysan parvenu (1734), p.39

La prairie étoit ornée dans toute son étenduë de bosquets délicieux, placés dans de justes distances pour plaire aux yeux, et comme si la nature aimoit aussi quelquefois à imiter l'art, comme l'art se plaît toûjours à imiter la nature, j'apperçus dans quelques endroits des especes de desseins réguliers formés de gazon, de fleurs et d'arbrisseaux qui faisoient des parterres charmans

Guillaume Hyacinthe Bougeant. Voyage du Prince Fan-Feredin (1735), p.24.

La nature est-elle muette, poursuivit-il en prenant l'enfant des bras de sa nourrice, et en le mettant dans ceux de Mylord D'Arondel ? Ne vous dit-elle rien pour ce fils ? Je vous le rends, ajouta-t-il, avec autant et plus de joie, que vous n'en avez vous-même de le recevoir. Il lui conta alors comment le hasard l'avoit mis en sa puissance. Mylord D'Arondel l'écoutoit, les yeux toujours attachés sur son fils, qu'il serroit entre ses bras, et qu'il mouilloit de quelques larmes que la joie et la tendresse faisoient couler. Je reconnois, disoit-il, les traits de sa mère ; voilà sa physionomie ; voilà cette douceur aimable qui règne sur son visage ; voilà ses graces. Ces discours étoient accompagnés de mille caresses, qu'il ne cessoit de prodiguer à ce fils si chéri et si heureusement retrouvé. Il sembloit que cet enfant, inspiré par la nature, reconnût aussi son père. Il s'attachoit à lui ; il ne pouvoit plus le quitter ; il lui sourioit ; il vouloit lui parler.

Marquise de Tencin. Le Siège de Calais (1739), p.50.

Le prince curieux de la nature, et de tous les secrets, je ne doute pas qu'il ne trouvât dans cet événement de quoi exercer son génie, et le porter peut-être à bien des réflexions. Ce qui me porte à le croire, c'est que le lendemain à son lever, il se plaignit d'avoir passé une mauvaise nuit, de s'être livré à mille pensées, et qu'il s'écria, comme un homme qui sortiroit moins du sommeil que d'une profonde méditation : ah que l'esprit de l'homme est borné partout !

J. de Varenne. Les Mémoires du Chevalier de Ravanne (1740), p.332

C'étoit pour nous que les jours se levoient clairs et sereins, que les fleurs s'épanouissoient, exhaloient leurs odeurs suaves, que la nature se paroit d'une verdure riante, que la terre et le ciel nous présentoient leur spectacle enchanteur.

François-Thomas-Marie d'Arnaud. Les Epoux malheureux (1745), p.288.

L'interêt que je prends à lui augmente, à mesure que son mérite se développe, et le rend plus digne de mes soins, c'est à moi d'achever ce que la nature et vos soins ont si heureusement commencé, je vais le transporter dans un nouvel élement, dans une cour brillante et tumultueuse, où j'avoue que le vrai et le faux sont difficiles à distinguer, l'un se pare sans cesse des couleurs de l'autre, et y ajoute peut-être des nuances, qui ne servent qu'à en rendre l'atrait plus dangereux.

Ch. J. La Morlère. Angola, histoire indienne (1746), p.225

Heureuse la nation qui n'a que la nature pour guide, la vérité pour principe, et la vertu pour mobile !

Madame de Graffigny. Lettres d'une jeune péruvienne (1747), p.160.

Il répondit que ces gens, que la nature semble avoir destinés à tout, n'étaient bons à rien.

Diderot. Les Bijoux indiscrets (1748), p.61.

Il faut avouer, dit Micromégas, que la nature est bien variée. Oui, dit le saturnien, la nature est comme un parterre dont les fleurs... ah ! Dit l'autre, laissez-là votre par-terre. Elle est, reprit le sécrétaire, comme une assemblée de blondes et de brunes dont les parures... et qu'ai-je affaire de vos brunes ? Dit l'autre. Elle est comme une galerie de peintures dont les traits... et non, dit le voyageur, encore une fois la nature est comme la nature, pourquoi lui chercher des comparaisons ? Pour vous plaire, répondit le sécrétaire. Je ne veux pas qu'on me plaise, dit le voyageur, je veux qu'on m'instruise.

Voltaire. Micromégas (1752), p.123.

Où sont ces amateurs de la nature, qui sçavent si bien jouir d'un beau tems et d'un joli paysage ? C'est pour eux que je parle ; car pour moi, j'étois alors moins occupé de cet objet, que d'une paysanne en corset et en cotillon blanc que je voyois venir de loin avec un pot au lait sur sa tête.

Stanislas-Jean de Boufflers. La Reine de Golconde (1761), p.11.

La sagesse ne contredit la nature que lorsque la nature a tort.

Jean-François Marmontel. Contes moraux (1761), T.1, p.83

Si jeunes encore, rien n'altère en nous les penchans de la nature, et toutes nos inclinations semblent se rapporter. Avant que d'avoir pris les uniformes préjugés du monde, nous avons des manières uniformes de sentir et de voir, et pourquoi n'oserois-je imaginer dans nos coeurs ce même concert que j'apperçois dans nos jugemens ?

Jean-Jacques Rousseau. La Nouvelle Héloïse (1761), p.7.

Et couvrant son visage comme pour se cacher à la nature entière, elle resta dans cette espèce d'insensibilité où conduit la violence d'une douleur trop vivement sentie pour être exprimée. Ses femmes, empressées à la secourir, ne purent la rappeler à elle-même ; la pâleur de la mort avoit déjà effacé les couleurs de son teint. On la mit au lit sans qu'elle s'y opposât, ou y consentît. Elle demeura dans cet état, paisible en apparence, jusqu'à neuf heures du soir. Alors Lidy, la plus jeune de ses femmes, lui présenta une lettre. On venoit de l'apporter de la part d'Edouard. Ce nom et la vue de cette écriture, réveillèrent ses sens assoupis par le saisissement de son coeur. Ses larmes commencèrent à couler.

Madame Riccoboni. Histoire de Miss Jenny (1764), p.121



En un mot, redevenons semblables à nos premiers parens, qui vivaient errans, sans industrie, sans parole, sans guerre, sans liaison, sans nul besoin de leurs semblables, se suffisant à eux-mêmes, contens de peu, vivant des seuls alimens que la nature leur offrait, heureux enfin, et mille fois plus heureux que tous les rois de la terre.

Henri-Joseph Du Laurens. Le Compère Mathieu (1766), p.41.

Ô Voyez couler des larmes éternelles : voyez Sidley, Sidley si fidelle et si tendre, seule dans la nature, sans parens, sans appuis, faisant retentir sa retraite de sanglots auxquels personne ne répondra, pleurant le jour où elle vous a connu, celui où elle a scellé de sa foiblesse sa confiance à vos sermens, se rappellant toutes ses pertes, n'ayant que d'horribles souvenirs, et pas une consolation.

Claude Joseph Dorat. Les Malheurs de l'inconstance (1772), p.90.

C'est une terre enchantée, où sont réunies toutes les merveilles de la nature. Là, dans des solitudes fleuries, au milieu d'un printemps éternel, nous vivrons pour nous, tranquilles, indépendants, riches des biens que le ciel prodigue à l'homme sauvage et content. Si tu veux me suivre, ce voyage nous sera facile...

Nicolas Germain Léonard. La Nouvelle Clémentine (1774), Lettre 20, p.101.

Nous regardons comme un remède universel toutes les plantes odoriférantes, abondantes en sels volatils, comme infiniment propres à dissoudre le sang trop épaissi : c'est le plus précieux don de la nature pour conserver la santé

Louis Sébastien Mercier. L'An deux mille quatre cent quarante : rêve s'il en fut jamais (1774), p.70.

Une des choses dont je jouis le plus, c'est le spectacle de la nature. Elle n'est pas dans ces contrées si inculte ni si privée d'attraits que tu la supposes ; et dans les lieux même les plus sauvages, la nature a pour un coeur tranquille des charmes secrets, que toute la richesse de l'art ne peut égaler. Lorsqu'au lever de l'aurore je me transporte sur nos montagnes ; que je vois le ciel se teindre peu à peu des plus vives couleurs ; un globe de feu paroître, s'élever, et par ses rayons naissans effacer les ombres des collines opposées ; les neiges se fondre lentement, et former des ruisseaux qui coulent près de moi avec un agréable murmure ; des fleurs champêtres mêler leurs douces odeurs à celles des plantes qui croissent dans les fentes des rochers ; des gouttes de rosée briller sur ces fleurs, sur les buissons voisins, et sur les filamens légers qui voltigent à l'entour ; les tranquilles zéphyrs se jouer entre les feuilles des foibles arbrisseaux, et en agiter mollement les branches : lorsque j'entends les oiseaux, qui, par un tendre gazouillement, saluent tous ensemble l'astre du jour, et préludent à de nouveaux concerts : lorsque je vois des tourbillons de fumée qui s'élèvent des toits rustiques des bergers, et annoncent le retour du travail ; le bûcheron, qui, s'arrachant au repos, quitte sa chaumière pour s'enfoncer dans la forêt prochaine ; les laboureurs qui se répandent dans les campagnes ; les troupeaux qui sortent à pas lents des hameaux, et se dispersent sur le penchant des collines ; toute la nature qui s'éveille, et, sans perdre encore une impression de fraîcheur, reprend une vigueur nouvelle ! Ah ! Quel enchantement j'eprouve ! Et quel ennemi de la divinité pourroit résister à un spectacle si touchant ! Ravi par ces douces images, je me livre à la méditation la plus profonde ; mon esprit s'agite, mes pensées se préssent, une sorte d'enthousiasme élève mon ame, j'entre dans les conseils du très-haut, je crois assister au moment de la création. Rien n'existoit encore que celui qui existe par lui-même. Il parle : l'univers est créé, le chaos se forme et va se débrouiller à l'instant ; la lumière paroît, les élèmens sont distingués, les astres brillent au firmament, la terre reçoit sa fécondité et sa parure, le monde s'anime et se peuple de mille êtres divers.

Abbé Ph. L. Gérard. Le Comte de Valmont (1775), p.108.

Tout ce que défend la nature est universel et absolu.

Rétif de la Bretonne. Le paysan perverti (1776), p.166.

Dans l'enclos qui entourait leur demeure, était une grotte, ouvrage de la nature, creusée dans des rochers, et où croissaient des rosiers solitaires. Ce réduit plaisait à Lucile. Chaque jour, au lever, au coucher du soleil, elle venait y nourrir sa mélancolie, et souvent le gazon y recevait ses pleurs. C'est là qu'elle aimait à répandre son ame, pleine d'inquiétudes vagues et déchirantes qui repoussaient de son esprit les idées heureuses d'un riant avenir. " cruelle absence ! Disait-elle ; cher amant ! Reviens, ah ! Reviens pour m'apprendre à chérir la vie.

Loaisel de Treogate. Lucile et Milcourt (1779), p.14.

Les deux pays qui me paroissent contraster le plus entr'eux, sont l'Italie et la Hollande : en Italie, la nature est majestueuse et variée, elle présente partout de grands effets, d'énormes rochers, de hautes montagnes, des précipices, des cascades ; en Hollande, le pays est toujours plat, uniforme, des canaux, de la verdure, de petites plantations, c'est toujours la même chose. En Italie, on trouve à chaque pas d'antiques monumens qui retracent les faits les plus anciens de l'histoire ; l'architecture moderne y est grande, noble, imposante, tout y frappe l'imagination, tout y demande du détail, de l'attention et de l'examen ; les tableaux, comme le reste, y sont toujours d'un genre héroïque et sublime ; en Hollande, aucun vestige de monumens, tout paroît neuf, rien n'a l'air antique ou vieux ; il ne faut considérer que l'ensemble ; dans le détail, chaque chose perd de son prix, et devient mesquine et de mauvais goût ; chaque objet en particulier n'est qu'un colifichet : l'architecture, les arts, y paroissent ignorés. Tout est agréable, mais petit et sans aucune noblesse. Les tableaux qu'on y trouve sont d'un fini précieux, mais ils sont presque toujours petits, et toujours d'un petit genre, ils n'offrent que des objets ignobles ; en Italie, ils représentent des héros, des demi-dieux ; ici, ce sont des matelots ivres, des vendeuses de choux, des marchandes de poisson ; en Italie, les hommes sont vains, artificieux, paresseux ; en Hollande, ils sont bons, simples, industrieux, laborieux, ils méprisent le faste et la magnificence.

Madame de Genlis. Adèle et Théodore (1782), Lettre 32, p.191.

Je sens bien que voilà une belle occasion de crier au parjure : mais si la nature n'a accordé aux hommes que la constance, tandis qu'elle donnait aux femmes l'obstination, ce n'est pas ma faute.

Choderlos De Laclos. Les Liaisons dangereuses (1782), p.362.

Je respirai l'air pur de l'atmosphere, le baume des fleurs, l'ame de la nature. Je vis ce beau soleil tranquille dans les cieux, qui sembloit me voir sans couroux, comme n'ayant point de part à mon malheur, et ne s'oposant point à ma liberté. Dans mon ravissement je tombai sur mes deux genoux, et j'adorai l'eternel. Après cet acte de piété, je me mis à courir. Sortant d'une retraite de trois mois, je me sentois d'un leste à ravir, et ne touchois pas terre. J'étois cependant chargé de ma chaîne, que nos libérateurs n'avoient pu m'ôter, faute de lime. Je la cachois le mieux que je pouvois et l'empêchois de faire du bruit.

Robert Martin Lesuire. L'Aventurier françois (1782), p.245.

Nous sommes heureux de ce qu'il n'est pas en notre pouvoir de régler le cours de la nature.

Arnaud Berquin. L'Ami des enfants (1773), p.128.

La nature vous donne pour rien tous les plaisirs dont nous achetons l'image

Jean-Pierre de Florian. Galatée (1783), p.93.

Le soleil se lève, brille sur toute la nature, et la ranime de ses feux ; moi seule suis importunée de son éclat il m'est odieux et me flétrit ; semblable au fruit qu'un insecte dévore au coeur, je porte un mal invisible... et pourtant de vives et rapides émotions viennent souvent frapper mes sens ; je me sens frissonner dans tout mon corps : mes yeux se portent du même côté, s'attachent sur le même objet ; ce n'est qu'avec effort que je les en détourne : mon ame étonnée, cherche et ne trouve point ce qu'elle attend ; alors, plus agitée, mais affoiblie par les impressions que j'ai reçues, je succombe tout-à-fait, ma tête penche, je fléchis, et, dans mon morne abattement, je ne me débats plus contre le mal qui me tue.

Madame Cottin. Claire d'Albe (1799), p.200.

Il est un enthousiasme qui est à l'âme ce que le printemps est à la nature : il fait éclore mille sentimens ; il fait verser des larmes auxquelles on croit le pouvoir d'en faire répandre d'autres. C'était là ma situation en lisant les fragmens de Gustave ; et si quelques regards attendris s'attachent sur cet ouvrage, comme sur un ami qui nous a révélé notre propre coeur, ils sauront tout à la fois et m'excuser et me défendre.

Madame de Krudener. Valérie (1803), p.5.

Il se complut cependant à peindre la sensibilité passionnée qui inspirait la poésie de Corinne et l'art qu'elle avait de saisir des rapports touchans entre les beautés de la nature et les impressions les plus intimes de l'ame. Il releva l'originalité des expressions de Corinne, de ces expressions qui naissaient toutes de son caractère et de sa manière de sentir, sans que jamais aucune nuance d'affectation pût altérer un genre de charme non-seulement naturel, mais involontaire. Il parla de son éloquence comme d'une force toute-puissante qui devait d'autant plus entraîner ceux qui l'écoutaient, qu'ils avaient en eux-mêmes plus d'esprit et de sensibilité véritables.

Madame de Staël. Corinne ou l'Italie (1807), p.64.

Un peu plus loin, l'arbre de science étend de toutes parts ses racines profondes et ses rameaux innombrables : il porte, cachés sous son feuillage d'or, les secrets de la divinité, les lois occultes de la nature, les réalités morales et intellectuelles, les immuables principes du bien et du mal. Ces connoissances qui nous enivrent font la nourriture des élus : car, dans l'empire de la souveraine sagesse, le fruit de science ne donne plus la mort. Les deux grands ancêtres du genre humain viennent souvent verser des larmes (telles que les justes en peuvent répandre) à l'ombre de cet arbre merveilleux. La lumière qui éclaire ces retraites fortunées, se compose des roses du matin, de la flamme du midi et de la pourpre du soir ; toutefois, aucun astre ne paroît sur l'horizon resplendissant ; aucun soleil ne se lève, aucun soleil ne se couche dans des lieux où rien ne finit, où rien ne commence ; mais une clarté ineffable, descendant de toutes parts comme une tendre rosée entretient le jour éternel de la délectable éternité. C'est dans les parvis de la cité sainte, et dans les champs qui l'environnent, que sont à la fois réunis et partagés les choeurs des chérubins et des séraphins, des anges et des archanges, des trônes et des dominations : tous sont les ministres des ouvrages ou des volontés de l'éternel. à ceux-ci a été donné tout pouvoir sur le feu, l'air, la terre et l'eau ; à ceux-là appartient la direction des saisons, des vents et des tempêtes. Ils font mûrir les moissons, ils élèvent la jeune fleur, ils courbent le vieil arbre vers la terre. Ce sont eux qui soupirent dans les antiques forêts, qui parlent dans les flots de la mer, et qui versent les fleuves du haut des montagnes. Les uns gardent les vingt mille chariots de guerre de Sabbaoth et d' Elohé ; les autres veillent au carquois du seigneur, à ses foudres inévitables, à ses coursiers terribles, qui portent la peste, la guerre, la famine et la mort. Un million de ces génies ardents règlent les mouvements des astres, et se relèvent tour à tour, dans ces emplois magnifiques, comme les sentinelles vigilantes d'une grande armée.

Chataubriand. Les Martyrs (1810), pp.184-185.

Un bruit sourd les accompagne, et cesse quand ils s'arrêtent : alors la nature entière reste enchaînée de terreur, comme un animal menacé de sa destruction, qui prend l'aspect de la mort pour lui échapper. Il n'y a pas une feuille qui frémisse, pas un insecte qui bruisse sous l'herbe immobile. Si l'on tourne les yeux vers l'endroit où doit être le soleil, on voit flotter dans une colonne oblique d'atomes lumineux la poussière impalpable que le sirocco a enlevée au désert, et dont on reconnoît l'origine à sa nuance d'un rouge de brique. Nul mouvement d'ailleurs qui se fasse apercevoir, si ce n'est celui du milan qui décrit, au haut du firmament, son vol circulaire, en marquant de loin, dans le sable, sa proie accablée sous le poids de cette atmosphère redoutable. Nulle voix qui se fasse entendre, si ce n'est le cri aigu et plaintif des animaux carnassiers, qui, remplis d'un instinct féroce, et se croyant au dernier jour du monde, viennent réclamer les débris des êtres créés qui leur ont été promis. L'homme lui-même, malgré sa puissance morale, cède à cette puissance contre laquelle il n'a jamais essayé ses facultés. Son noble front se penche vers la terre, ses membres foiblissent et se dérobent sous lui ; sans courage et sans ressort, il tombe et attend dans une langueur invincible qu'un air plus doux le ranime, rende le mouvement à ses esprits, la chaleur à son sang et la vie à la nature.

Charles Nodier. Jean Sbogar (1818), p.109.

Hiver comme été, il lui falloit des fleurs ; et, lorsque la nature faisoit défaut, elle avoit des fleurs artificielles légèrement parfumées.

Honoré de Balzac. Anette et le criminel (1824), p.60.

Tout est harmonie, tout est bonheur dans ce désert. Ah ! Lui dis-je, il devrait servir d'asile à ceux qui s'aiment. Là, on serait heureux des seuls biens de la nature, on ne connaîtrait pas la distinction des rangs, ni l'infériorité de la naissance ! Là, on n'aurait pas besoin de porter d'autres noms que ceux que l'amour donne.

Madame de Duras. Edouard (1824), p.173.

Cependant, sans le vouloir, je venais de faire une importante découverte : je venais d'apprendre que, même dans l'horreur, la nature morale était au moins l'égale de la nature physique.

Jules Janin. L'Ane mort et la femme guillotinée (1829), p.73.

Le mauvais air du cachot devenait insupportable à Julien. Par bonheur, le jour où on lui annonça qu'il fallait mourir, un beau soleil réjouissait la nature, et Julien était en veine de courage. Marcher au grand air fut pour lui une sensation délicieuse, comme la promenade à terre pour le navigateur qui longtemps a été à la mer.

Stendhal. Le rouge et le noir (1830), p.506.

C'est qu'aussi, en présence de ces instants décisifs, de ces imminentes questions de vie ou de mort, les petits détails de beauté conventionnelle s'effacent, l'âme seule se reflète sur le visage, et si, au moment du péril, cette âme s'est réveillée puissante et vigoureuse, elle imprimera toujours un caractère noble et grandiose aux traits de l'homme qui osera lutter contre la nature en furie.

Eugène Sue. Atar-Gull (1831), p.3.

Sonneur de Notre-Dame à quatorze ans, une nouvelle infirmité était venue le parfaire ; les cloches lui avaient brisé le tympan ; il était devenu sourd. La seule porte que la nature lui eût laissée toute grande ouverte sur le monde s'était brusquement fermée à jamais.

Victor Hugo. Notre dame de Paris (1832), p.206.

La nature avait mis en moi le germe du bien, tu l'as flétri comme un vent malfaisant.

Alphonse Karr. Sous les tilleuls (1832), p.141.

La rêverie ne peut rien évoquer, parce que, dans les créations de la pensée, rien n'est aussi beau que la nature brute et sauvage.

George Sand. Lélia (1833), p.74.

Par moments, sans qu'il y eût un souffle au ciel, toutes les vagues du lac limpide, ridées, tendues sur un point, s'agitaient avec une émotion incompréhensible que rien dans la nature environnante ni dans l'air du ciel n'expliquait ; ce n'était jamais un courroux, c'était un frémissement intérieur et une plainte. Les deux jolis ruisseaux s'arrêtaient alors et rebroussaient de cours ; le lac les retirait à lui comme avec un effroi de tendre mère. Et puis, ces mêmes vagues, retombées subitement et calmées, redevenaient un paresseux miroir ouvert aux étoiles, à la lune et à la splendeur des nuits. D'autres fois, un brouillard non moins inexplicable que le frémissement de tout à l'heure couvrait le milieu du lac par un ciel serein ; ou bien on aurait dit, spectacle étrange ! Que ce milieu réfléchissait plus d'étoiles et de clartés que ne lui en offrait le dais céleste. Et aussi les bords les plus riants vers les endroits opposés au rocher, les saules et les accidents touffus des rives cessaient à certains moments de se mirer en cette eau, qui était frappée comme de magique oubli ; l'oiseau qui passait à la surface, en l'effleurant presque de l'aile, n'y jetait point son image ; et moi, il me semblait souvent, avec un découragement mortel et une sorte d'abandon superstitieux, que je glissais sur une onde qui ne s'en apercevait pas, qui ne me réfléchissait pas !

Sainte-Beuve. Volupté (1834), p.158.

Ce qui me ravissait autrefois ne me fait pas la moindre impression. Je commence à le croire, je suis dans mon tort, je demande à la nature et à la société plus qu'elles ne peuvent donner. Ce que je cherche n'existe point, et je ne dois pas me plaindre de ne pas le trouver.

Théophile Gautier. Mademoiselle de Maupin (1836), p.81.

Mon grand plaisir était de l'emmener à la campagne durant les beaux jours de l'été, et de me coucher avec elle dans les bois, sur l'herbe ou sur la mousse, le spectacle de la nature dans sa splendeur ayant toujours été pour moi le plus puissant des aphrodisiaques.

Musset. La Confession d'un enfant du siècle (1836), p.40.

Je ne sais quelle perception, jusque-là inconnue, de la nature entra dans son âme comme une faculté nouvelle, comme une jouissance intime et transparente, au dedans de laquelle il voyait se mouvoir confusément des pensées riantes, des images tendres, vagues, indécises.

Gustave Flaubert. Smarth (1839), p.92.

Cette paix du soir, ce spectacle de la nature qui s'enveloppe d'ombres et s'endort dans la nuit, exercent sur l'âme une secrète puissance qui y éteint le trouble et les préoccupations dans le charme d'une douce mélancolie.

Rodolphe Toepffer. Nouvelles genevoises (1839), p.376.

Loin que ma pensée divague et se porte sur des objets difficiles ou bizarres, éloignés ou extraordinaires, et qu'indifférent pour ce qui s'offre à moi, pour ce que la nature produit habituellement, j'aspire à ce qui m'est refusé, à des choses étrangères et rares, à des circonstances invraisemblables et à une destinée romanesque, je ne veux, au contraire, je ne demande à la nature et aux hommes, je ne demande pour ma vie entière que ce que la nature contient nécessairement, ce que les hommes doivent tous posséder, ce qui peut seul occuper nos jours et remplir nos coeurs, ce qui fait la vie.

Etienne Pivert de Senancour. Obermann (1840), p.25.

La nature remplace avec succès les prestiges de l'art, et je ne sais point de décoration d'opéra qui puisse atteindre aux effets d'un coucher de soleil dans nos montagnes.

Louis Reybaud. Jérôme Paturot à la recherche de la meilleure des républiques (1842), p.451.

Voyez, la nature sait calmer les plus vives douleurs.

Alexandre Dumas. Le Comte de Monte-Cristo (1846), p.591.

La nature semblait mourir, mais comme meurent la jeunesse et la beauté, dans toute sa grâce et dans toute sa sérénité.

Alphonse de Lamartine. Raphaël (1849), p.137.

Elle était musicienne et peignait le paysage avec toute l'habileté qu'on peut exiger d'un paysagiste qui n'a jamais vu la nature. Elle avait pris des leçons de Frédéric Chopin et de Paul Huet. Le tout par vanité. Une fois sortie de pension, dès qu'elle connut pleinement sa richesse, Laure embrassa d'un regard avide les perspectives éblouissantes qui s'ouvraient devant elle. Elle avait assez d'esprit pour comprendre qu'avec un million de dot et deux millions en espérance, elle ne devrait pas prétendre à être épousée par amour.

Jules Sandeau. Sacs et parchemins (1858), p.2.

Que non, ce n'est pas de la nature morte, quand on vit, comme moi, au milieu des grès et de la faïence. Il se passe des drames entre les marmites, les chenets, les pelles à feu et les pincettes : ce sont quelquefois des comédies bien gaies, quand le soleil joue sur les bouteilles, les fioles, et les quitte pour aller courir sur d'autres poteries... je ne le dis pas à tout le monde ; mais, sitôt que je trouve quelqu'un disposé à me comprendre, je parle de mes pots comme d'amis absents.

Champfleury. Les Aventures de Melle Mariette (1853), p.32.

Seul, à cheval, parmi des paysages magnifiques, suivi par des hommes qui parlent un langage inconnu, en communion directe et permanente avec la nature, on accomplit sur soi-même, en voyage, des évolutions et des tournoiements continuels.

Maxime du Camp. Mémoires d'un suicidé (1853), p.43.

Les petites pelouses, les petits ruisseaux, les petits ponts, allaient bientôt détrôner l'olympe pour le remplacer par une laiterie, étrange parodie de la nature, que les anglais copient sans la comprendre, vrai jeu d'enfant devenu alors le passe-temps d'un maître indolent, qui ne savait comment se désennuyer de Versailles dans Versailles.

Alfred de Musset. La Mouche (1854), p.292.

Etre né au XIXe siècle, manier la vapeur et l'électricité, posséder une bonne moitié des secrets de la nature, connaître à fond tout ce que la science a inventé pour le bien-être et la sécurité de l'homme, savoir comme on guérit la fièvre, comme on prévient la petite vérole, comme on brise la pierre dans la vessie, et ne pouvoir se défendre d'un coup de canne, c'est un peu trop fort, en vérité ! Si j'avais été soldat et soumis aux peines corporelles, j'aurais tué mes chefs inévitablement. Quand je me vis asis sur la terre gluante, les pieds enchaînés par la douleur, les mains mortes ; quand j'aperçus autour de moi les hommes qui m'avaient battu, celui qui m'avait fait battre et ceux qui m'avaient regardé battre, la colère, la honte, le sentiment de la dignité outragée, de la justice violée, de l'intelligence brutalisée, soufflèrent dans mon corps débile un gonflement de haine, de révolte et de vengeance. J'oubliai tout, calcul, intérêt, prudence, avenir ; je lâchai la bonde à toutes les vérités qui m'étouffaient ; un torrent d'injures bouillonnantes monta droit à mes lèvres, tandis que la bile extravasée débordait en écume jaune jusque dans le blanc de mes yeux. Certes, je ne suis pas orateur, et mes études solitaires ne m'ont pas exercé au maniement de la parole ; mais l'indignation, qui a fait des poëtes, me prêta pour un quart d'heure l'éloquence sauvage de ces prisonniers cantabres qui rendaient l'âme avec des injures et qui crachaient leur dernier soupir à la face des romains vainqueurs.

Edmond About. Le Roi des montagnes (1857). p.233.

Il y avait une sorte de joie secrète dans la nature, quelque chose comme un hymne mystérieux et confus exécuté par un orchestre aux mille voix pour célébrer le départ de l'hiver, cette saison morose que Dieu infligea à la création pour la faire souvenir que rien n'est parfait - hors lui.

Ponson du Terrail. Rocambole (1859), T.1 p.402.

Au delà, de chaque côté de la route, s'étendaient les bruyères d'un violet sombre, où flottaient des bancs de vapeurs grisâtres auxquelles les rayons de l'astre nocturne donnaient un air de fantômes en procession, bien fait pour porter la terreur en des âmes superstitieuses ou peu habituées aux phénomènes de la nature dans ces solitudes.

Théophile Gautier. Le Capitaine fracasse (1863). p.70.

Toute la nature est un échange.

Victor Hugo. Les travailleurs de la mer (1866), p.326.

Là, la nature était encore maîtresse de ses produits, du cours de ses eaux, de ses grands arbres vierges de la hache, et les squatters, rares jusqu'alors, n'osaient lutter contre elle.

Jules Verne. Les Enfants du capitaine Grant (1868), p.199.

Il regardait autour de lui et trouvait sublime le spectacle déroulé sous ses yeux par la nature.

Joseph Arthur de Gobineau. Les Pléiades (1874), p.157.

Patissot fut délicieusement ému quand il se trouva seul, sous l'ombre touffue du bois, à cette heure langoureuse du crépuscule, avec cette petite femme inconnue qui s'appuyait à son bras. Et, pour la première fois de sa vie égoïste, il pressentit le charme des poétiques amours, la douceur des abandons, et la participation de la nature à nos tendresses qu'elle enveloppe.

Guy de Maupassant. Les Dimanches d'un bourgeois de Paris (1880)

[https://lib.univ-fcomte.fr/PEOPLE/selva/Maupassant/textes/dimanche.htm].

Le sentiment qui me remplit tout entier fut, non pas une douleur aiguë, mais la tristesse profonde et tranquille d'une âme docile aux grands enseignements de la nature.

Anatole France. Le Crime de Sylvestre Bonnard (1881), p.341.

Et toujours, pas un souffle dans l'air, pas un frémissement dans la nature accablée. Puis tout à coup une grande rafale terrible, un coup de fouet formidable couche les arbres, les herbes, les oiseaux, fait tourbillonner les vautours affolés oiseaux, fait tourbillonner les vautours affolés, renverse tout sur son passage. C'est la tornade qui se déchaîne, tout tremble et s'ébranle ; la nature se tord sous la puissance effroyable du météore qui passe. Pendant vingt minutes environ, toutes les cataractes du ciel sont ouvertes sur la terre.

Pierre Loti. Le Roman d'un Spahi (1881), p.101.



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Mais l'horizon brillait tellement sur les forêts de chênes lointains et de pins sauvages où les derniers oiseaux s'envolaient dans le soir, les eaux d'un étang couvert de roseaux, dans l'éloignement, réfléchissaient si solennellement le ciel, la nature était si belle, au milieu de ces airs calmes, dans cette campagne déserte, à ce moment où tombe le silence, que je restai - sans quitter le marteau suspendu, - que je restai muet. Ô toi, pensai-je, qui n'as point l'asile de tes rêves, et pour qui la terre de Chanaan, avec ses palmiers et ses eaux vives, n'apparaît pas, au milieu des aurores, après avoir tant marché sous de dures étoiles, voyageur si joyeux au départ et maintenant assombri, -coeur fait pour d'autres exils que ceux dont tu partages l'amertume avec des frères mauvais, - regarde ! Ici l'on peut s'asseoir sur la pierre de la mélancolie ! -ici les rêves morts ressuscitent, devançant les moments de la tombe ! Si tu veux avoir le véritable désir de mourir, approche : ici la vue du ciel exalte jusqu'à l'oubli.

Villiers de l'Isle-Adam. Contes cruels. (1883), p.289.

Comme il le disait, la nature a fait son temps ; elle a définitivement lassé, par la dégoûtante uniformité de ses paysages et de ses ciels, l'attentive patience des raffinés. Au fond, quelle platitude de spécialiste confinée dans sa partie, quelle petitesse de boutiquière tenant tel article à l'exclusion de tout autre, quel monotone magasin de prairies et d'arbres, quelle banale agence de montagnes et de mers ! Il n'est, d'ailleurs, aucune de ses inventions réputée si subtile ou si grandiose que le génie humain ne puisse créer ; aucune forêt de Fontainebleau, aucun clair de lune que des décors inondés de jets électriques ne produisent ; aucune cascade que l'hydraulique n'imite à s'y méprendre ; aucun roc que le carton-pâte ne s'assimile ; aucune fleur que de spécieux taffetas et de délicats papiers peints n'égalent ! à n'en pas douter, cette sempiternelle radoteuse a maintenant usé la débonnaire admiration des vrais artistes, et le moment est venu où il s'agit de la remplacer, autant que faire se pourra, par l'artifice.

Jaris Karl Huysmans. A rebours (1884), p.31.

II Pourquoi, à table, entre deux verres de vin fin et des épaules nues, l'image du tombeau me vient-elle sans cesse, et l'insoluble question sur le sens de cette farce meurtrière qui est la nature, le monde, la vie?

Paul Bourget. Un Crime d'amour (1886), p.55.

Mais j'aime surtout Benjamin Constant parce qu'il vivait dans la poussière desséchante de ses idées, sans jamais respirer la nature, et qu'il mettait sa volupté à surveiller ironiquement son âme si fine et si misérable.

Maurice Barrès. In Homme libre (1889), p.72.

Parents et voisins se blasent. Seuls quelques étrangers lèvent encore les bras au ciel, quand on les met au courant : -vous exagérez : nul n'échappe aux exigences de la nature. Le médecin consulté déclare que le cas lui semble bizarre, mais qu'en somme rien n'est impossible.

Jules Renard. Poil de carotte (1894), p.57 .

TROISIèME PARTIE La nature est un dieu absurde. E. Estaunie. L'Empreinte (1896), p.321.

Mademoiselle nous menace tout bas de châtiments effroyables si nous chantons faux, et allons-y de l'hymne à la nature : déjà l'horizon se colore des plus éclatantes lueurs.

Colette. Claudine à l'école (1900), p.303.

Il s'ennuyait au milieu des prairies, des arbres et des fleurs... la nature ne lui était supportable qu'avec des bars, des champs de courses, des bookmakers et des jockeys.

Octave Mirbeau. Journal d'une femme de chambre (1900), p.344.

Oui, selon les principes de Jean- Jacques, il fallait vivre naïfs, s'en remettre à la nature, devenir des bêtes de force et de joie, danser avec les glaneuses et les moissonneurs au son des pipeaux, embrasser vigoureusement les beautés naturelles, ne pas craindre la mort qui est un loi nécessaire, vanter le goût du vin et des fruits, lever son verre, baiser le sein de Lisette, et chanter la gloire, sous la tonnelle.

Paul Adam. L'Enfant d'Austerlitz (1902), p.232.

Mistigris abattu, sentant que toute la nature est contre lui, toutes les choses et tout ce qui respire, ne pouvant plus rester devant l'arbre, ne pouvant plus rester devant les plantes, ni devant la lumière, Mistigris se coule misérable, la tête basse, la queue basse, vers la maison.

Léon Frapié. La Maternelle (1904), p.136..

Je le suppliai de ne point se fâcher, mais il l'était déjà beaucoup trop pour m'écouter, et il déclara qu'il admirait le doute prudent avec lequel certaines gens (moi) abordaient de loin les problèmes les plus simples, ne se risquant jamais à dire : "ceci est" ou "ceci n'est pas", de telle sorte que leur intelligence aboutissait tout juste au même résultat qui aurait été obtenu si la nature avait oublié de garnir leur boîte cranienne d'un peu de matière grise.

Gustave Leroux. Le Mystère de la chambre jaune (1907), p.44.

Mais ce qu'il aimait en elle, c'était la nature du midi, la généreuse mère, qui ne lésine point avec ses dons, qui ne s'amuse point à fabriquer des beautés de salon et des intelligences de livres, mais des êtres harmonieux, dont le corps et l'esprit sont faits pour s'épanouir au soleil.

Romain Rolland. Jean-Christophe la nouvelle journée (1907), p.480.

Maclotte qui emplit les petits pots de grès de deux sous, retrouve aux désordres d'aujourd'hui, les causes anciennes, sorties des faibles mémoires des hommes. Il sait que la nature est sans pitié pour l'homme, autant que pour la goutte d'acide ou le caillou qui tombent. Les imprudences actuelles, il les voit déjà grosses de tout le futur empoisonné.

Louis Delattre. Carnets d'un médecin de village (1910), p.182.

La nature étant demeurée ordre et splendeur, la vie logique devrait être, aujourd'hui encore, adoration profonde, car la chose qui hors de nous a nom beauté, au dedans de nous se nomme amour.

Oscar Vladislas Milosz. L'Amoureuse initiation (1910), p.155.

J'éprouvai devant eux d'abord cette sorte d'admiration confuse qui, devant les oeuvres d'art accompli ou devant les merveilles de la nature, nous laisse, aux premiers instants, stupides et incapables d'analyse.

André Gide. Isabelle (1911), [Gallimard 1961], p.617.

C'est ici, sous l'excitation de l'esprit des sommets, que l'orgueilleux Manfred, qui se flatte de n'avoir jamais courbé la tête, entre en lutte avec la nature elle-même et prétend violenter, lui mortel, les lois souveraines de la vie.

Maurice Barrès. La Colline inspirée (1913), p.339.

Sans trop savoir pourquoi, ma grand'mère trouvait au clocher de Saint-Hilaire cette absence de vulgarité, de prétention, de mesquinerie, qui lui faisait aimer et croire riches d'une influence bienfaisante la nature quand la main de l'homme ne l'avait pas, comme faisait le jardinier de ma grand'tante, rapetissée.

Marcel Proust. Du Côté de chez Swann (1913), p.64.

Je me contenterai de développer cette idée générale : que - notre seul point de départ logique pour étudier l'homme étant le milieu vital où il évolue - la philosophie moderne, la seule qui puisse renouveler le domaine philosophique, doit être biologique, doit être une philosophie à notre niveau, au plan que l'homme occupe dans la nature.

Roger Martin du Gard. Jean Barois (1913), p.329.

Même lorsqu'ils avaient conscience de contrarier le voeu profond de la nature, ils se plaisaient à croire qu'ils respectaient l'intention formelle du créateur.

Jules Romains. Les Copains (1913), p.227.

De ces deux tableaux, elle sait que l'un est peint d'après des rêves, l'autre d'après la nature, et qu'ils sont inconciliables.

Paul Bourget. Le Sens de la mort (1915), p.176.

Quand la voiture s'arrêta devant une grande bâtisse en pierre si blanche que c'était de la clarté dans la nuit, quand Gaspard vit s'approcher, pour l'aider à descendre, des jeunes gens, un vieillard, un prêtre, une soeur, une infirmière, alors il lui sembla que toute la nature venait au-devant de lui, et cet accueil charmant tua sa méchante humeur.

René Benjamin. Soldats de la guerre Gaspard (1915), p.86.

La vie avait toujours été une et simple pour eux : le dur travail nécessaire, le bon accord entre époux, la soumission aux lois de la nature et de l'église.

Louis Hémon. Maria Chapdeleine (1916), p.127.

Je suis sûr que tôt ou tard, quand on s'est plu, comme vous, à violenter la nature, celle-ci prend sa revanche.

Edouard Estaunié. L'Ascension de M.Baslèvre (1921), p.26.

Vous divaguez, fit Poisson-Rouge interrompant le cours de ses songes... vous divaguez, je crois, et vous tremblez... D'où venez-vous donc... avec cette langue épaisse, ces yeux ourlés d'écarlate et cette exaltation des moindres sentiments devant les spectacles de la nature ?

Pierre Mac Orlan. A bord de l'Etoile Matutine (1920), p.84.

J'étais déconcertée de trouver si peu d'harmonie, pour la première fois où elle daignait me reparler, dans la voix de la nature.

Jean Giraudoux. Suzanne et le Pacifique (1921), p.101.

Encore ému par le bourdonnement grave de l'orgue, excité par l'allégresse des cantiques, j'aimais me livrer, en cet état d'ivresse spirituelle, à une activité tout animale : courir, bondir à travers les buissons, aspirer l'odeur de la terre et des feuilles, me laisser toucher par les vivants effluves de la nature.

Jacques de Lacretelle. Silbermann (1922), p.32.

Il fallait à la nature une protection royale pour qu'il lui trouvât du charme.

Raymond Radiguet. Le Bal du Comte d'Orgel (1923), p.66.

Combien le philosophe peut apprendre de choses précieuses, incomparables, du seul instinct de quelque vieux prêtre tel que celui-ci, tout proche de la nature, héritier de ces solitaires inspirés dont nos pères firent jadis les divinités des champs.

Georges Bernanos. Sous le soleil de Satan (1926), p.301.

Godeau pensait que rien de ce qui est n'est au hasard, excepté le mal, que tout ici-bas est parallèle à Dieu, que rien de fini n'existe sans représenter quelque chose de l'infini et que la nature exprime dans la conversation des choses quelque aspect mystérieux de l'univers intérieur où elle nous invite d'entrer.

Marcel Jouhandeau. Monsieur Godeau intime (1926), p.266.

Plus nos rapports sont intimes avec la nature, plus nous sommes proches du surnaturel.

Henri de Montherlant. Les Bestiaires (1926), [Gallimard, 1962], p.512.

Que faire contre ces grandes forces de la nature : la pluie, le vent, les animaux, les imbéciles, les Cerbelot ?

Georges Duhamel. Journal de Salavin (1927), p.77.

Se détacher de tout, n'aimer rien : ni la nature, ni ses semblables, ni une idole.

Maurice Genevoix. Les Mains vides (1928), p.184.

La nature que j'avais tant aimée depuis qu'Odile me l'avait révélée, ne chantait plus que des motifs mineurs et tristes.

André Maurois Climats (1928), p.117.

Cependant lui-même aimait ces paysans, leur simplicité, leur vie soumise à la nature, et jusqu'à leur grossièreté.

Marcel Arland. L'Ordre (1929), p.43.

En ce moment, où je parais m'éloigner de la nature, il me faut la louer d'être partout présente, sous la forme de nécessité.

Marguerite Yourcenar. Alexis ou le traité du vain combat (1929), p.31.

Pourtant la Nature, aussi majuscule que tu la voudras, tu sais bien qu'elle n'est, flore et faune, qu'un dictionnaire, sans doute dictionnaire à surprises où le rêve parfois a trouvé son verbe, mais dictionnaire tout de même, et rien que dictionnaire.

René Crevel. Etes-vous fou? (1929), p.106.

Tu ne connais pas la nature - tu ne connais pas la vie réelle - tu ne connais pas l'appel du sol, et au fond de ton coeur l'obscur bredouillement de l'atavisme animal, tu ne connais que des lois mal comprises.

Pierre Reverdy. Risques et périls: contes 1915-1928 (1930), p.18.

Il n'avait pas le sentiment de la nature parce qu'il était la nature même, confondu en elle, une de ses forces, une source vive entre les sources.

François Mauriac. Le Noeud de vipère (1932), p.152.

Puis, au bout d'un nouveau silence : - au fond, c'est cela. Retrouver son enfance. Ce moment où l'on ne discute pas sa vie, où l'on est en communication spontanée avec la nature, les êtres, les paysages, tout. Où chaque instant à un sens ! Je me sens déjà si vieux ! ...

Daniel Rops. Mort où est ta victoire? (1934), p.409.

Pendant que la nature faisait seule le travail, gonflant d'alcool les raisins, les gens, n'ayant guère à s'occuper, se débauchaient de la langue, se mêlaient des affaires du voisin, des amours des autres, et buvaient quand même un peu trop, à cause de cette satanée bonne chaleur qui vous vidait l'eau du corps.

Gabriel Chevalier. Clochemerle (1934), p.175.

Et elle était couleur de rouille, couleur de mousse, sa houppelande, couleur d'écorce, couleur de pierre ; elle avait la couleur des choses de la nature, ayant longtemps connu comme elles les grands soleils, les averses, la neige, le froid, le chaud, le vent, les emportements, les repos de l'air, la longue succession des jours et des nuits.

Charles-Ferdinand Ramuz. Derborence (1934), p.50.

Tant la nature adhère au sort que l'homme lui a fait, que l'homme lui-même paraît détaché de son ensemble où pourtant il devrait faire figure de lieu, de lien, d'anneau ou d'amarre.

Tristan Tzara. Personnage d'insomnie (1934), p.151.

La nature entière, me semblait-il, son passé et son avenir, se résumaient sur la muraille claire de la maisonnette, de même qu'il suffisait d'agrandir ou de réduire la maisonnette dans le temps pour obtenir la nature entière, avec son bonheur et sa mort : et c'est seulement alors que j'aperçus que la maisonnette encastrée dans une muraille était une partie du cimetière.

Pierre Jean Jouve. La Scène capitale (1935), p.170.

La nature-même réduite par tout cet encombrement de banlieue qui compose une "station balnéaire" - s'emparait de lui et l'arrachait aux influences ravageuses de la rue Caumartin.

Pierre Drieu la Rochelle. Rêveuse bourgeoisie (1937), p.189.

Un rayon de soleil brilla, et la baie entière s'anima d'une fête mélancolique qui parut le dernier sarcasme de la nature à leur fin maintenant inévitable.

Julien Gracq. Au Château d'Argol (1938), p.94.

Il ne s'apercevait point que rien n'est plus artificiel que la sincérité, et que la nature est le royaume du mimétisme, des mensonges infinis des plantes, des insectes, il cherchait simplement l'image de lui-même qui pourrait enfin parmi toutes les figures possibles enchaîner pour toujours Catherine et la décider à l'éclat.

Paul Nizan. La Conspiration (1938), p.166.

Il a écrit de deux ramiers blessés qui s'étaient lourdement abattus sur un frêne au pied duquel l'ombre le rendait invisible : "Ils se dirent leur malheur", puis il ajoute sans transition : "La plus douce chose de la nature est de trouver un écho, fût-il des plus humbles, au cri de sa souffrance".

Francis Carco. A voix basse (1938), p.194.

La brume s'était levée, il y avait une belle lune, une belle nuit comme la veille, mais vraiment Juliette n'avait pas le coeur d'admirer les beautés de la nature... sa maison derrière le talus ne lui dit rien qui vaille.

Elsa Triolet. Le Premier accroc coûte 200 francs (1945), p.20.

Car le paysan n'aime pas le jeu, surtout quand il s'agit de la terre, qui a elle-même tant de peine à fournir, parmi ces servitudes que l'homme et la nature lui imposent, ce peu de blé, ce peu de vin qu'on lui arrache.

Henri Bosco. Le Mas Théotime (1945), p.45.

Mais ce n'était pas encore assez, et elle savait qu'il fallait s'engager davantage pour vaincre cet égoïsme de la nature qui commande à chacun de limiter sa part dans la peine d'autrui.

Gabrielle Roy. Bonheur d'occasion (1945), p.327.

Il ne savait pas. Le matériel de camping de Lando était très perfectionné et l'occupait beaucoup. On pouvait admirer que ce retour à la nature se fît dans le respect du confort moderne. mais le confort importait peu à Lando.

Raymond Abellio. Heureux les pacifiques (1946), p.203.

Bien joli, leur retour à la terre, mais quand on a un peu de pèze, la nature est la dernière des distractions

René Fallet. Banlieue sud-est (1947), p.122.

Dans le courant de l'après-midi, b vii, pour satisfaire à la nature qui laisse aux prêtres les mêmes exigences de vessie qu'aux impies, fit un court pèlerinage à la tourelle, laissant la porte entr'ouverte.

Hervé Bazin. Vipère au poing (1948), p.171.

Pinette avait couché cette femme sous lui, il l'écrasait dans la terre, il la fondait à la terre, à l' herbe hésitante ; il tenait la prairie couchée sous son ventre, elle l'appelait, il s'enracinerait en elle par le ventre, elle était eau, femme, miroir ; elle reflétait sur toute sa surface le vierge héros des batailles futures, le mâle, le soldat glorieux et vainqueur ; la nature, haletante, à la renverse, l'absolvait de toutes les défaites, murmurait : mon chéri, viens, viens. Mais il voulait jouer à l'homme jusqu'au bout.

Jean-Paul Sartre. La Mort dans l'âme (1949), p.138.

Seulement quand ils recommencèrent à pédaler sur une route ensoleillée l'horrible rengaine se vida de tout sens ; une ville de quatre cent mille âmes volatilisée, la nature désintégrée : ça n'éveillait plus d'écho. Cette journée était bien en ordre-du bleu au ciel, du vert sur les feuilles, du jaune sur le sol assoiffé-et les heures glissaient une à une de l'aube fraîche au grésillement de midi.

Simone de Beauvoir. Les Mandarins (1954), p.222.

D'ailleurs je préfère la ville et les pierres et les hommes à la nature et aux arbres qui me pèsent rapidement.

Albert Memmi. Agar (1955), p.79.

Prisonnier de son royaume, la ville stérile sculptée dans une montagne de sel, séparée de la nature, privée des floraisons fugitives et rares du désert, soustraite à ces hasards ou ces tendresses, un nuage insolite une pluie rageuse et brève, que même le soleil ou les sables connaissent, la ville de l'ordre enfin, angles droits, chambres carrées, hommes roides, je m' en fis librement le citoyen haineux et torturé, je reniai la longue histoire qu'on m'avait enseignée.

Camus. L'Exil et le royaume (1957) [Gallimard, 1962], p.1587.

Plus il regardait les sapins et plus il se sentait chaud et heureux, plongé dans la nature et participant lui-même à une force tranquille.

Jean Duvignaud. L'Or de la république (1957), p.285.

Il faut s'y résigner, la nature l'a voulu ainsi.

Nathalie Sarraute. Le Planétarium (1959), p.101.

... et j'ai été accoucheur, je peux dire passionné par les difficultés de passages, visions aux détroits, ces instants si rares, où la nature se laisse observer en action, si subtile, comment elle hésite, et se décide... au moment de la vie, si j'ose dire... tout notre théâtre et nos belles-lettres sont au coït et autour... fastidieux ressassages!

Louis Ferdinand Céline. Rigodon (1961), p.233.

Je me demande même si au fond ce n'était pas la Nature qui faisait tout, c'est difficile à dire, je ne peux pas aller jusqu'à prétendre que je me faisais baiser par les étoiles mais il y a de ça.

Christiane Rochefort. Les Petits enfants du siècle (1961), p.193.

Découverte de Spetsai. à la fin d'une dure journée de prières en public, la nature reprenait ses droits et ce pope que Rabelais eût aimé glisser dans sa collection de moines à bonne fourchette, se donnait à la nourriture avec une joie énorme, bienfaisante.

Michel Déon. Le Balcon de Spetsai (1961), p.33.

Cette nuit-là, il sembla que la nature avait voulu s'associer à une délicate pensée du garçon, car le lumineux crépuscule s'était à peine éteint qu'au ciel un millier d'étoiles avait germé.

Cheikh Hamidou Kane. L'Aventure ambiguë (1961), p.82.

Oui, c'est vrai, ils sont assez sociables. Mais en même temps ils recherchent une certaine - comment dire ? - une certaine communicabilité avec la nature. Je pense - ils veulent - ils cèdent facilement à des besoins d'ordre purement égocentrique - anthropomorphique. Ils cherchent un moyen de s'introduire dans les choses.

Jean-Marie Le Clézio. Le Procès verbal (1963), p.279.

Ma grand-mère aimait tellement la nature, que les arbres, les taillis, les buissons, les bambous poussaient en liberté dans le jardin, et ceux qui ont acheté la maison l'ont nommée : la sauvagère.

José Cabanis. Les Jeux de la nuit (1964), p.88.

>Notre baiser est harmonieux comme la nature.

Albertine Sarrazin. L'Astragale (1965), p.232.

La nature a été bénie par Dieu avant l'homme.

Catherine Paysan. Les Feux de la Chandeleur (1966), p.52.

A quoi bon les caresses, les attendrissements quand la nature dicte ses lois?

Robert Sabatier. Le Chinois d'Afrique (1966), p. 66.

>Alors, tandis que le grondement de la pluie redoublait sur les feuillages et que tout semblait vouloir se dissoudre dans la nuée vaporeuse qui montait du sol, il vit se former à l'horizon un arc-en ciel plus vaste et plus coruscant que la nature seule n'en peut créer.

Michel Tournier. Vendredi ou le limbes du Pacifique (1967), p.31.

Les gens ne voient la nature qu'à travers des voiles plus ou moins épais d'idées préconçues, qui leur masquent les formes réelles.

Jean Dutourd. Pluche, ou l'amour de l'art (1967), p.152.

... ces parterres de maigres rosiers que la tante entoure des scories de sa chaudière pour être sûre que la nature ne s'y aventure pas. Car la nature, c'est comme les couples et comme l'air de la mer, c'est sale.

Benoîte et Flora Groult. Il était deux fois (1968), p.281.

J'aime les vieilles pierres et les chiens, les violences de la nature et les douceurs de la musique.

François Nourissier. Le Maître de maison (1968), p.217.

On verrait plus tard à résoudre ce problème, qu'une occasion se présente... Y avait qu'à se tenir à carreau, éviter toute connerie qui nous oblige à décliner l'explosive identité... - On va se faire oublier gentiment, j'explique à Pierrot... Se fondre dans la nature... Leur mettre des kilomètres dans le pif à tous ces trous du Languedoc-Roussillon!

Bertrand Blier. Les Valseuses (1972), p.204.

Mais nous vivons à une époque où tout ce qui vient de la nature et du silence est suspect.

Henri Vincenot. Le Pape des escargots (p.1972), p.355.

Ils avaient peur, tous les deux, car ce n'est pas vrai que la nature fait bien les choses.

Emile Ajar. La Vie devant soi (1975), p.149.

Je feins la plus grande surprise et jure qu'il ne m'appartient pas. Menteur. Et il grogne que peut-être, mais que ça n'est pas une raison pour le refiler aux locataires suivants. Couplet sur l'égoïsme sacré et sur la nature qui serait autrement plus propre si chacun balayait devant sa porte. C'est qu'il me ferait la leçon, en plus. Je bous de colère et lui réponds qu'il a parfaitement raison et que je suis tout à fait d'accord.

Jean-Luc Benoziglio. Cabinet portrait (1980), p.14 .

La nature pour elle ça fait prendre l'air quand on est enfermée toute la semaine au bureau.

Annie Ernaux. La Femme gelée (1981), p.70.

La plupart des femmes du Harem abandonnèrent riches brocarts et pantalons bouffants pour le costume traditionnel des paysannes bédouines ! Ce soir-là, la nature elle-même participait à l'enchantement en nous offrant le flamboiement de l'automne, riche d'ors, de pourpres et de bruns.

M. de Grèce. La Nuit du sérail (1982), p.296.

C'est vrai que les gens l'intéressent encore plus que les livres, la nature et la musique.

Monique Lange. Les Cabines de bain (1982), p.29.

La nature était étrange ce matin-là, silencieuse, privée de formes, de couleurs, endormie, "morte" avait pensé Lucille, et c'était à ce moment-là qu'elle avait relevé les yeux.

Catherine Hermary-Vieille. L'Epiphanie des dieux (1983), p.214.

Sous le chapeau d'homme, la minceur ingrate de la forme, ce défaut de l'enfance, est devenue autre chose. Elle a cessé d'être une donnée brutale, fatale, de la nature. Elle est devenue, tout à l'opposé, un choix contrariant de celle-ci, un choix de l'esprit. Soudain, voilà qu'on l'a voulue.

Marguerite Duras. L'Amant (1984), p.20.

L'endroit n'avait pourtant rien de désagréable. Une législation stricte interdisait aux promoteurs de passer la nature à la trappe des profits. Le quartier conservait le charme kitsch des résidences pataudes disséminées au travers de vastes parcs soigneusement peignés.

Michel Embareck. Sur la ligne blanche (1984), p.15.

La Nature engendrant parfois des choses monstrueuses, vous conviendrez avec moi qu'il est du devoir d'un honnête homme de mettre fin à de telles anomalies.

Philippe Djian. Le Matin (1985), p.113.

Avant de la vieillir, la nature semblait avoir accordé un dernier sursis à son éclat.

Alexandre Jardin. Bille en tête (1986), p.116.

Comme tous les amoureux de ce genre de jardin, je rêvais d'y prendre un jour du repos. Mais c'était oublier le travail de la nature, la poussée de l'herbe et des arbres, le souffle du vent qui roulait les feuilles contre la tonnelle, la violence des orages qui brouillaient mes allées.

Gisèle Bienne. Le Silence de la ferme (1986), p.159.

Après-guerre Lesquels pacifistes - en majorité des dames très âgées et de jeunes oisifs ne se coupant jamais la barbe et les cheveux parce que amis de la nature - défilèrent autour du cimetière en scandant : << Nous sommes tous des bébés phoques.

Remo Forlani. Gouttière (1989), p.120.

Décidément, la nature avait plus d'un tour dans son sac à neurones.

Daniel Pennac. La Petite marchande de prose (1989), p.236.

Carole se substituait à la nature - terre, eau, soleil - car, au fond, elle se consumait d'une envie, jamais dite à personne, celle de se dévouer.

Julia Kristeva. Les Samourais (1990), p.131.

La boucle est bouclée : la nature a fait l'homme et l'homme défait la nature.

Jean d'Ormesson. La Douane de mer (1993), p.335.

Dans sa démesure, la nature la plus folle s'impose des limites.

Jacques Lanzmann. La Horde d'or (1994), p.309.

Avec son visage "à la Picasso", avait-elle dit, elle deviendrait l'une des figures du siècle, avant d'ajouter, avec un sourire où se peignait la victoire remportée sur les réticents, que la nature finirait par imiter l'art.

Hector Bianciotti. Le Pas si lent de l'amour (1995) p.59.

La Dezonnière Auguste, Blanche, Alexis... les autres bouseux étaient en matière brute avec, bien entendu, un savoir presque inné de la terre, une science de la nature instinctive, mais cette vioque avec son bonnet blanc, ses hochements de tête, elle avait dû frotter ses jupes ailleurs, justement sous ce Napoléon barbichu qu'elle évoquait avec vénération.

Alphonse Boudard. Mourir d'enfance (1995), p.34.

La Nature, était-il dit, ferait le reste : conclusion pourrie d'idéologie que le subtil neurophysiologiste que je suis à mes heures anéantit en quatre secondes en démontrant que le proverbe : "Il y a un Dieu pour les ivrognes" a un fondement scientifique précis, ce qui n'empêcha point ladite motion de récolter 13 % des voix.

Georges Perec. Quel petit velo à guidon au fond de la cour? (1996), p.56.

J'avais neuf ans et il avait semblé éducatif de m'enseigner la patience et la nature, c'était d'ailleurs la même chose, en plantant des oignons de tulipes, des futurs crocus et des radis.

Geneviève Brisac. Week-end de chasse à la mère (1996), p.85.

Première journée Immobiles sur leurs chevaux aux pattes droites et qui secouaient mollement leurs crinières, tout en plumes et en couleurs, festonnés, brodés, dorés jusqu'à leurs bottes qui brillaient de cire, ces héros composaient un tableau anachronique que Lejeune regrettait de ne pouvoir fixer, même au crayon, à la va-vite, tant l'excitait ce décalage qu'il ressentait si vif entre la nature et les soldats, la sérénité de l'une et l'impatience des autres.

Patrick Rambaud. La Bataille (1997), p.90.

Il n'est pas permanent, non, il passe, renaît et passe encore, par cette loi inhérente à la nature de tout ce qui est créé, le mouvement, l'éternelle rotation des hommes et des choses.

Philippe Sollers. Le Coeur absolu (1997), p.369 .

La nature ici était accueillante. Elle donnait envie de jouer. Se rouler dans l'herbe pour y laisser l'empreinte de son corps. Chez lui, la forêt et la savane contenaient trop de secrets redoutables.

Véronique Tadjo. Champs de bataille et d'amour (1999), p.10.