Chronique de la coiffure Ouolof
Extrait de l'ouvrage
Reflets de modes et traditions Saint-Louisiennes
de
Niang Fatou Niang Siga
Dakar : Centre Africain d'Animation et d'Echanges Culturels- Editions Khoudia, 1990. |
Republié avec l'aimable autorisation de l'auteur et des éditions Khoudia. |
L
a coiffure a été une forme d'expression, un signe qui a
facilité la reconnaissance du nom, de la famille voire même du
clan. C'est dire qu'à l'origine, elle a été un symbole
pour identifier des personnes de même groupe consanguin. La coiffure a pu
ainsi servir de signalement aux parents de victimes allant à
la poursuite des Maures et autres voleurs d'enfants à emporter comme
esclaves à "Gannar". Et une anecdote rapporte:
* * * |
Tout ce qui est en rapport avec la formation ou la vie de l'être humain étant sacré, tout événement chez l'homme prenait facilement un caractère rituel. Ainsi, par atavisme, certaines familles laissaient-elles intacts les cheveux du nouveau-né, en attendant que l'enfant puisse demander d'être rasé. Dès qu'il l'exigeait, les parents le faisaient séance tenante.
Cependant, par respect pour la religion islamique, d'autres familles rasaient le bébé avant le "Tudd". Alors à la sortie des premières pousses de cheveux, la marraine ou sa mandataire, avec une fine lame traçait sur la tête du bébé des figures qui variaient entre le carré, le rectangle, le cercle, la couronne et même le triangle.
Chacune de ces figures matérialisées par une touffe de cheveux, selon sa position, indiquait l'appartenance de l'enfant à une famille. C'était le "baax" de la famille. Il le portait depuis la naissance jusqu'à l'adolescence. La mère le renouvelait chaque fois que les cheveux rasés repoussaient.
L'enfant grandissant, la coiffure se transformait progressivement en ornement, surtout chez la fillette qu'on nattait et parait de bijoux ou de perles appelées "Bandal".
Les personnes des deux sexes ont porté le "Baax". Celles du nom de Diop avaient au milieu de la tête un cercle de cheveux ciselés à ras et de grandeur variable: "Jubb Njoobéen".
Les Niang en plus du "Jubb" portaient juste derrière un petit rectangle. Les deux figures séparées l'une de l'autre par un espace rasé constituaient le "Jubb Njoobéen".
Le "Baax" des NDiaye, deux "Giri" séparés du "Jubb", était matérialisé par un favori de part et d'autre du cercle de cheveux tracé au-dessus du front. Le reste du cuir chevelu était rasé.
Pour les Dial, un demi-cercle de cheveux occupait tout le côté gauche de la tête. Il était découpé en bandes parallèles et verticales alternant avec des espaces rasés. On l'appelait: "Geen Wallu Kampa".
S'ils étaient originaires de la région nordique du Sénégal, les Fall portaient un "Jubb" et, principalement au milieu de la tête, une bande de cheveux de quelques centimètres de large qui descendait jusqu'à la nuque: "le Xuur". Parfois, on y ajoutait un ou deux "Pàq" c'était un cercle de cheveux situé sur un côté de la tête, au-dessus de l'oreille. Quant aux Fall des autres régions et pays, ils se coiffaient de "Giri" et même de "Geen Wallu Kampa".
Pour certains de nom différent, les Bâ par exemple, une couronne longeait le dessus des oreilles, traversait un petit triangle au niveau de la nuque avant de rejoindre le "Jubb" de la fontanelle. C'était le "Mbege".
I1 existait autant de "Baax" que de noms, avec des variantes dans la coiffure de familles de même nom; mais la touffe principale respectée comme un totem permettait toujours l'identification.
L'importance attachée à la première coiffure du nouve au-né et la rigueur des chefs de famille pour le port du "Baax" jusqu'à l'âge requis en firent un mythe. Alors on attribua au "Baax" le pouvoir de préserver l'enfant de certains mauvais sorts. On s'étonnait qu'un enfant n'eût pas porté le baax et on craignait qu'un malheur ne s'abattît sur lui. C'est ainsi que la coutume s'entacha de superstition.
Généralement, le garçonnet ne se coiffait que du"Baax" tandis que la fillette arborait un "Jubb" et un "Paq" qui ne faisaient pas toujours partie du "Baax". Ce "Jubb" chevelu que prolongeaient les "Giri" ciselés à même la peau prenait une forme plutôt ovoïde.
Après la circoncision, le jeune homme n'avait plus le "Baax". Il se rasait en "Nel" durant toute l'adolescence. Quant à la jeune fille, à l'âge de la puberté, elle laissait pousser les cheveux que la mère avait coutume de couper à ras. Elle faisait le "Sëqëlu". Désormais, elle entretenait correctement sa nouvelle coiffure sachant qu'elle était un indice attrayant pour les prétendants au mariage.
Le "Sëqël" prenait le nom de "Ngarsokk" quand on pouvait le tresser; lorsqu'il atteignait la longueur du " Pàq " qui ressemblait à un petit béret plaqué au-dessus de l'oreille, la coiffure changeait. Le "Jubb" agrandi, la gracieuse faisait du reste de la chevelure bien peignée, une sorte de gerbe amincie du côté des oreilles. Elle la lustrait de pommade odorante. Une fois le "Ngarsokk" achevé, la jeune fille portait son premier "Per".
Cette coiffure consistait à boucler les cheveux en les enroulant autour de fines brindilles de bois que l'on retirait ensuite méticuleusement.
Les délicates bouclettes étaient plaquées au cuir chevelu à l'aide d'un produit à base de matière gluante. Le "Dàx", le "Yoor" et le "Yoroxlaan" entraient dans la composition du mélange qui, par la pression des doigts de la coiffeuse retenait toutes les bouclettes en une seule pièce au ras du cou.
Très souvent, après le premier "Per" un prétendant s'annonçait. Le "Per" était donc une porte pour le mariage. Chez la fillette en âge d'aller à l'école coranique, la coiffure jusque-là symbole, changeait en parure. Elle était faite de fines tresses plates: les "Nar" dont les plus connues coiffent encore certaines jeunes filles. On les nomme actuellement "Faar", "Tatu-pane", écaille etc... Une des tresses faite au milieu du "Jubb" se terminait en une petite queue sur le front et portait le "Bandal".
Vers l'âge de douze ans, la jeune fille était coiffée par une spécialiste en la matière, de préférence choisie parmi les "neño" de la famille. L'artiste employait des mèches de faux-cheveux, le "Yoos" qu'elle fabriquait à partir de fibres de sisal teintes en noir par décoction de "Neb-neb".
La natte commençait en haut du "Giri" gauche. Cheveux et "Yoos" étaient régulièrement entrelacés jusqu'au début de l'autre "Giri". Cette tresse plate le "Datt" dégageait nettement la forme ovoïde du "Jubb". La griotte y appliquait une grosse mèche de "Yoos" retenue par d'autres plus fines et travaillées en torsade. Cette partie de la natte, très rigide et recourbée en forme de croissant descendait jusqu'à la tempe droite. On l'appelait "Yettu Jubb".
Elle était faite en moins d'une heure de temps.
Les griottes firent preuve d'intelligence et d'ingéniosité et créèrent de véritables chefs-d'oeuvre: des nattes postiches comprenant plusieurs figures géométriques harmonieusement agencées. Il fallait deux jours pour en confectionner une. La postiche terminée, l'artiste l'adaptait au support en "Yoos" qui prolongeait le "Datt". Elle fixait au sommet une perle en turquoise et à l'extrémité un ou plusieurs louis d'or, à défaut, une perle en cornaline de forme conique, pour les jeunes filles peu nanties.
Les griottes donnèrent à leurs ouvrages les noms de ceux qu'elles voulaient glorifier le plus ou de ce qu'elles aimaient le mieux. Aussi, entendait-on d'extravagantes appellations telles: l'escalier de Monsieur le Général, le salut du Général de Gaulle etc...
["Gannar"]: la Mauritanie.
["Rosso"]: une ville du delta du fleuve
["Paq, Jubb, Giri"]: coiffures d'enfants sénégalais.
[Phrase ouolof]: "Celui qui se débarrasse de sa coiffure devient méconnaissable".
["Tudd"]: signifie en ouolof le baptême.
Faire un ["Nel"]consiste à raser totalement la tête.
["Per"]: déformation de perle.
["Dax"]: c'est le beurre.
["Yoor"]: c'est le sable fin et noirâtre tiré des fonds de plages de Saint-Louis.
["Yoroxlaan"]: c'est une plante dont les feuilles pilées et pétries dans de l'eau donnent une solution gluante.
["neño"]:personnes castées.
["Neb-neh"]: arbre à tannin
L'ouvrage Reflets de modes et traditions Saint-Louisiennes peut être oubtenu auprès des éditions Khoudia. |