David Ndachi Tagne
Editions du Crac
Yaoundé
Fantasque dans sa façon d'être, Koffi Olomidé l'est aussi dans sa façon d'appréhender sa carrière d'artiste, sa musique, la mode et les vêtements. |
Koffi Olomidé est de ces artistes qui ne passent pas inaperçus. De nombreux facteurs contribuent à faire de lui un véritable tape-à-l'oeil. Grand par la taille, le "Tchatcho" l'est aussi par le talent et par ce que les jeunes africains nomment désormais le "look", c'est-à-dire la présentation physique, l'apparence. Qui est Koffi Olomidé ? L'interpellé répond, avec une morgue qui fait déjà partie de son personnage : "Quoi dire ? je suis un enfant illégitime. C'est pourquoi, je ne porte pas le nom de mon père. Mes parents vivent encore. Ma mère est originaire d'un pays limitrophe du Nigeria. Je suis titulaire d'une licence ès techniques commerciales. Et pendant ma période estudiantine, j'ai sorti plusieurs 45 tours. J'ai une fille née d'une union libre. Mais des années après, j'ai épousé sa mère avec qui j'ai récemment divorcé. Je ne trouve rien à ajouter. Sauf que je suis comme tout le monde. Quand ma mère m'a mis au monde, on ne lui a pas demandé si c'est d'un chanteur ou d'un journaliste qu'elle accouchait. On lui a demandé le sexe. C'est pour dire que je suis un être humain, avec des qualités et des défauts."
Koffi Olomidé est convaincu de son destin de "star" et le dit à qui veut l'entendre. A l'occasion d'un récent séjour au Cameroun, il n'a pas hésité à critiquer haut et fort une décision du patron de la radiotélévision nationale interdisant le dombolo (NDLR danse faisant fureur actuellement et provoquant chez le danseur des déhanchements très explicites), son rythme de prédilection, et cela, sur les antennes des médias audiovisuels de service public. L'animateur de l'émission dans laquelle Koffi s'exprimait ainsi en direct a dû interrompre précipitamment le programme. Pour Koffi cependant, "personne ne peut rien contre ça". Il croit savoir que "le public a interdit cette interdiction, parce que partout au Cameroun, comme partout en Afrique, on pratique du dombolo à coeur joie". Et que "même les enfants et les copines du directeur de la radiotélévision camerounaise aiment le dombolo".
La langue de bois ne fait manifestement pas partie de son registre, lui qui dans une autre envolée verbale, toujours à l'occasion de ce séjour, déclare respecter le makossa "qui fut en son temps champion", mais qui est derrière le dombolo aujourd'hui. Pour preuve, il demande à ceux qui en doutent "d'aller dans les boîtes de nuit de n'importe quel pays en Afrique, pour connaître cette réalité". Une démonstration qu'il appuie par ses voyages au Sénégal, au Burkina Faso, en Côte d'Ivoire ou au Niger; des pays dans lesquels "on ne peut comparer aujourd'hui le dombolo au makossa, car cela relèverait du fantasme".
Fantasque et sapeur |
Koffi Olomidé est décidément un personnage fantasque. Les journalistes en savent quelque chose. Ils ont eu à faire les frais des sautes d'humeur et des changements de programmes de la mégastar. Les rendez-vous manqués et les propos déplacés étaient également au menu avec au bout du compte quelques rares interviews accordées et de nombreuses sollicitations déçues. Les hommes de presse garderont un souvenir mitigé du passage de l'artiste congolais au Cameroun. C'est toujours avec une certaine nervosité qu'il décroche le téléphone. Le même ton furibond constitue l'essentiel de la conversation : " Oui. Quoi ? Que je vous avais donné rendez-vous aujourd'hui ? Je suis fatigué. Il faut repasser demain."
A quelques occasions, sans doute persuadé qu'il s'agit là du cinquième ou du sixième rendez-vous qu'il décommande, il se permettra de parler, sans absolument désirer que vous soyez en tête à tête. S'agissant de son travail par exemple, il devient tout d'un coup exubérant, à la limite du narcissisme : "Le public aime beaucoup Koffi Olomidé, j'en suis convaincu. Je l'ai constaté et j'aime aussi beaucoup ce public . Mais, je ne peux pas apprécier moi-même ce que je fais. C'est aux autres de juger mon travail. Je fais mon boulot pour les autres, pas pour moi." Interrogé sur l'accueil dont il a été l'objet dans le pays, Koffi est à la fois déçu et tout plein de lui-même, à la limite de la contradiction : " L'accueil que j'ai eu n'est pas extraordinaire. Il était certes très bon. C'est le même que j'ai dans toutes les villes en Afrique : Libreville, Abidjan, Harare, Lusaka.... Rien ne m'étonne."
Il met un point d'honneur à sélectionner ses vêtements. Des costumes qui ont des formes et des couleurs spéciales. Il semble cependant avoir une préférence particulière pour le blanc et les couleurs proches du rouge. Ces couleurs sont de mise sur scène comme devant les caméras à l'occasion des tournages de ses clips. De fait, Koffi Olomidé est comme la plupart des artistes Congolais, un amateur de beaux vêtements. Il est un "Sapeur" . Le goût des beaux vêtements, il l'a gardé depuis son jeune âge, lui qui conserve jalousement un costume que lui avait acheté sa mère pour son baptême. C'était à Kinshasa, et l'artiste avait alors 14 ans. " Je portais ce costume avec une chemise et un noeud papillon et j'étais très fier", affirme -t-il aujourd'hui.
A l'heure du Koffisme |
Il y a des moments où Koffi Olomidé devient serein, notamment dans l'évocation de la "guerre des genres musicaux en Afrique : "Il n'y a pas de guerre. Il faut que ce soit varié. Il faut qu'il y ait des variétés, pour que la fête soit totale en Afrique. Toujours est-il que le leadership de la musique congolaise en Afrique est incontestable aujourd'hui. C'est-à-dire, si j'ose dire, que la musique congolaise est de loin, alors de très loin, la championne de la league des champions en Afrique. " Cependant, l'artiste ne cache pas sa grande joie de savoir qu'il est aimé et même imité par de jeunes artistes, comme c'est la cas au Cameroun : "J'ai écouté des gens, un jeune homme qui s'appelle ... (il cherche le nom) Bill Motéma, quelque chose comme ça à Yaoundé. On me l'a présenté comme faisant du Koffi Olomidé. Il n'est pas le seul sur la place qui imite le style de Koffi. J'en suis fier. J'encourage tous ceux qui veulent faire du koffisme. J'ai écouté le dernier Papillon, j'ai découvert la danseuse là... Catino, je suis allé en boîte une fois, j'ai écouté bien des variétés."
Parlant de ses succès et de l'attitude qu'il adopte face au public, Koffi réplique sans détour : " J'ai un plus grand sens de responsabilité et je me dis que je n'ai pas le droit de décevoir tous ces mélomanes qui me font confiance à travers toute l'Afrique et je fais tout, chaque fois que je réalise mon travail, pour continuer de mériter leur confiance. Sinon, je reste le même petit homme qui aime le scrabble, qui aime ses copains d'enfance, qui aime rire, qui aime les filles, qui aime passionnément la femme. Je suis le même quoi, ça n'a pas vraiment bouleversé ma vie. L'autre jour, un journaliste disait qu'avec le Zénith, qu'avec l'Olympia, j'ai réussi. Que je suis celui qui montre désormais la voie non seulement aux artistes congolais, mais en Afrique en général. Ce n'est pas tous les jours quand-même qu'on réussit ce que j'ai pu réussir. Je le dis tout à fait humblement, pourvu que ça serve d'école et que les enfants d'Afrique défendent dignement les couleurs du continent."
Zénith, Bercy et racisme |
Après le Zénith, cet artiste du défi et de l'orgueil vise bien plus haut : " Avec le Zénith, nous avons voulu relever ce défi. C'est fait ! Bon. Là, on est en train de viser Bercy pour la fin de cette année. Pour en arriver là, il faut avoir travaillé au moins vingt ans d'arrache-pied, avoir produit des chansons qui ont été des tubes. On n'improvise pas ça. Ce n'est pas parce qu'on carbure pendant deux ans qu'on va faire le Zénith. Faire le Zénith, c'est une chose mais, réussir l'Olympia, c'est autre chose. D'ailleurs, ces salles n'acceptent pas n'importe qui (NDLR l'Olympia a 3000 places, le Zénith, 7800 et Bercy 16000 places), les organisateurs attendent de vous qu'elles soient remplies. Moi, je n'ai jamais été vu à la télé française, mais j'ai réussi le Zénith sans faire un seul spot à la télé française."
Et à propos du public français, Koffi Olomidé n'a pas sa langue dans la poche lorsqu'il en parle: "Je m'en fous du public français. Je ne suis pas raciste moi. Moi, je globalise le public. La nationalité des mélomanes ou leurs couleurs importent peu pour moi. Moi, j'aime réunir le plus possible de gens qui ont bon goût. Aujourd'hui, en matière de popularité, tous les sondages l'ont démontré, je suis de loin devant tous ces gens qu'on cite tous les jours. Au "Koras" en Afrique du sud dernièrement, on a demandé au public de téléphoner pour élire l'artiste de l'année. J'ai obtenu 180 voix, pas par un jury. Le deuxième s'appelait Défao, avec 50 voix à peu près. Papa Wemba n'était que le troisième derrière Défao. Si vous ne me comparez même pas au second, c'est honteux. Youssou N'dour, c'est une espèce de produit préfabriqué par les Blancs, par Peter Gabriel, bénéficiant des promotions dont nous autres on ne jouit pas. Le jour où nous aurons la même promotion que lui, le monde entier va exploser."
C'est pratiquement de la nervosité que Koffi Olomidé pique lorsqu'il est question de Wes Madiko, le Camerounais qui a vendu en Europe et aux États-Unis plusieurs millions de disques: " C'est qui ça Wes Madiko ? Aaah ! Wes, Wes ! J'aurais aimé passer autant à TF1 que lui, mais, moi je dis que le succès que j'ai est un succès authentique. Sans promo, parce que la promo dont bénéficie Wes est tout à fait bizarre. On ne sait pas pourquoi lui, il passe autant à TF1. Moi, j'ai la promo que j'ai, c'est-à-dire rien du tout mais, me voilà en train d'aller conquérir Bercy. Moi, j'aimerais bien avoir le 1/10ème de la promo de Wes. Mon frère, j'ai rempli le Zénith sans un seul spot, avec la pub-ghetto seulement dans les milieux Black. Je ne sais pas comment ils s'y sont pris pour rencontrer ces Blancs, pour avoir la promo. Je ne m'intéresse même pas à ça. C'est pour vous dire que je n'envie pas leur sort quoi ! Qu'on commence à nous aimer et à nous demander à nous tous les artistes de livrer un CD, puis ils vont écouter pour juger et comparer."
Divorces |
Adulé, Koffi Olomidé semble s'adapter à toutes situations de divorce, aussi bien dans sa vie courante que dans son activité musicale. Il sait que ses "coups de gueule" ne sont pas toujours pour arranger ses rapports avec les autres. Récemment, Africa Ndeg. 1, la radio panafricaine basée à Libreville, annonçait sa séparation d'avec son groupe, le Quartier Latin. L'histoire de Koffi et du "Quartier Latin" se résume au bout du compte en plusieurs péripéties qui ont duré une décennie. Avec de grandes réalisations telles que "Magie" ou encore "Loi" et même le tout dernier "Droit de veto". Le début de la mésentente se situe lors de la grande tournée effectuée aux États-Unis en 1995. Au cours de ce périple, les éclats de voix accompagnés de menaces de rupture sont signalés. Lors de la sortie de l'album "Wake-up" de Koffi Olomidé et de Papa Wemba, une bonne partie des membres du "Quartier Latin" désapprouvent l'initiative qu'ils jugent "hasardeuse" et surtout insultante pour leur maître. Ils n'hésitent même pas à parler d'opportunisme. Malgré tout, Alain Saint Pierre, l'un des nombreux managers de Koffi, proclame aujourd'hui que "les prochains albums seront de véritables bombes."
Quelques sites internet mentionnant Koffi Olomidé | ||
Les Albums de Koffi Olomidé | Le dernier album de Koffi Olomidé interdit | Quelques messages envoyés par des fans |
Il a publié dans plusieurs domaines:
- théâtre: (M. Handlock, Editions CLE, 1985);
- roman: (La reine captive, l'Harmattan, 1986);
- récit: (La vérité du sursis, Editions Silex, 1987) ;
- biographie: (Anne Marie Nzié,Voix d'or de la chanson camerounaise, SOPECAM, 1990);
- poésie: (Sangs mêlés, sang péché, l'Harmattan, 1992);
- et ouvrages didactiques: (Guide du journaliste africain en environnement, CRAC, 1996).